Quelques ou plusieurs?

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Voyez-vous quelques personnes ou plusieurs? Photo: andreusK, iStock
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Publié 03/06/2014 par Martin Francoeur

Y a-t-il une nuance entre «quelques» et «plusieurs»? En français, l’instinct est souvent un bon guide, mais un bien mauvais maître.

Quelques questions…

Il est tout à fait normal de se poser des questions quand on utilise des déterminants ou des pronoms comme «plusieurs», «quelques», «beaucoup» et autres semblables. Ce n’est pas pour rien qu’on les qualifie d’«indéfinis»…

L’Office québécois de la langue française (OQLF) nous dit que le sens du déterminant et du pronom «plusieurs» varie selon les régions de la francophonie. Au Québec et dans certaines régions de l’Afrique, «plusieurs» signifie généralement «beaucoup». Il est donc le plus souvent synonyme des expressions «de nombreux», «bon nombre de» ou «un grand nombre de».

Suivant cette définition, on dira sans se tromper qu’«une manifestation a attiré plusieurs étudiants des différentes universités de la ville», que «plusieurs admirateurs se sont massés autour du chanteur à la fin du concert» ou que «plusieurs citoyens sont allés voter dès la journée de vote par anticipation».

Dans ces exemples, on pourrait remplacer «plusieurs» par «beaucoup de» ou «beaucoup» sans changer le sens de la phrase.

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Combien?

En Europe francophone toutefois, «plusieurs» signifie plutôt «un certain nombre, un nombre peu élevé». Le mot se rapproche donc davantage de «quelques-uns» ou de «certains».

Il ne faudrait donc pas s’étonner d’entendre quelqu’un dire qu’il a parlé à un ami «à plusieurs reprises au cours de la journée» ou encore qu’il a vu «plusieurs collègues à la réunion» alors que dans les faits, sept ou huit personnes s’y trouvaient.

C’est d’ailleurs ce dernier sens que retiennent les dictionnaires usuels. Même Grevisse, dans son Bon usage, ne mentionne que cette définition. Mais la nuance qu’apporte l’OQLF apparaît essentielle compte tenu du sens que l’on donne, chez les francophones d’Amérique du Nord, au déterminant ou au pronom indéfini «plusieurs».

Même si leur sens les rapproche, «plusieurs» s’emploie généralement avec des éléments que l’on peut compter, alors que «beaucoup» s’emploie plutôt avec un nom qui ne désigne pas nécessairement un élément quantifiable. On dira donc que «plusieurs personnes ont assisté à cette conférence», mais qu’«il y avait beaucoup de monde à ce spectacle».

Différents

Certains ouvrages nous disent qu’on peut généralement remplacer «plusieurs» par «différents», mais cela ne nous éclaire guère davantage sur la notion de quantité. Le remplacement possible de l’un par l’autre est surtout utile pour éviter le pléonasme qui naîtrait de l’utilisation de ces deux mots dans la même phrase, comme dans: «Il est allé dans plusieurs pays différents».

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En français, le déterminant indéfini «quelques» signifie, lorsqu’il est au pluriel: «un nombre imprécis, mais peu élevé». Cette définition correspond davantage à celle que donnent certains ouvrages de référence de langue anglaise pour expliquer le sens de «several».

Le bon usage nous dit qu’au singulier, «quelque» s’emploie soit avec des noms désignant des choses nombrables, pour marquer une identification imprécise, soit avec des noms désignant des choses non nombrables, pour indiquer une petite quantité imprécise.

Maint

Même s’il se fait plus rare ou plus littéraire, on peut aussi glisser un petit mot sur «maint», dont l’emploi appartient à la langue soignée. Grevisse nous dit que ce mot a la particularité d’avoir la même signification au singulier et au pluriel, alors que d’autres ouvrages apportent une nuance. Au singulier, il signifierait «plus d’un», alors qu’au pluriel, il aurait plutôt le sens de «plusieurs». Voilà une bien mince distinction.

Enfin, puisqu’on est dans les mots moins utilisés, on notera tout de même le déterminant indéfini «moult». Disons que celui-là a moins bien traversé les époques que «maint». Il n’est plus employé, aujourd’hui, que par archaïsme badin, surtout comme déterminant invariable.

Larousse nous indique toutefois qu’il peut varier, dans des expressions comme «moultes fois». Les différents ouvrages consultés s’entendent au moins sur le sens qu’on lui donne, c’est-à-dire «beaucoup de».

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Il n’est pas facile de s’y retrouver dans le monde des déterminants indéfinis. D’où l’importance, parfois, de se fier à son instinct. La langue parlée nous éclaire souvent sur la langue écrite et c’est probablement ce qui a fait en sorte que «plusieurs» a pris chez nous un sens différent de celui qu’on lui connaît en Europe.

Et ce sens bien de chez nous est non seulement légitime, il est bel et bien correct en français.

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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