Entrevue avec Colm Feore: quand Shakespeare rencontre Molière

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Publié 12/12/2006 par Magdaline Boutros

Il y a quelques mois encore le nom de Colm Feore ne sonnait aucune cloche auprès du public francophone. Mais voilà qu’en l’espace d’un an, le célèbre acteur canadien-anglais s’est construit une solide réputation d’un océan à l’autre… et en français s’il-vous-plaît!

Après le succès monstre remporté par le film Bon Cop, Bad Cop, où il partage la vedette avec Patrick Huard, Colm Feore a ajouté une nouvelle corde à son arc cet automne en montant en français sur les planches dans le rôle du plus grand des séducteurs: Don Juan.

Une expérience qu’il qualifie de difficile mais qui a permis au public ontarien d’assister à la première production française du festival de Stratford en plus d’un demi-siècle!

Son français est encore hésitant, certes, mais Colm Feore démontre un enthousiasme débordant dès qu’il emprunte la langue de Molière. Les mots se bousculent et les idées s’enchaînent à un rythme époustouflant, nous laissant à peine le temps de décoder les propos de l’acteur qui ne se gêne pas pour utiliser la 3e personne pour se désigner. Mais une chose semble claire: Colm Feore veut continuer à jouer en français.

L’Express l’a rencontré la semaine dernière à l’occasion de la sortie en DVD du film Bon Cop, Bad Cop.

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L’Express: Votre carrière en français semble avoir véritablement pris son envol cette année?

Colm Feore: C’est extraordinaire ce qui s’est passé cette année. Ça a commencé avec Bon Cop, Bad Cop. Puis, j’ai joué Don Juan de Molière à Stratford en anglais et en français. C’était un exercice très difficile. Mais j’ai eu le support de François Grisé, qui m’avait déjà aidé avec mon français pour Bon Cop, Bad Cop. Il m’a laissé un petit cadeau à la fin de son séjour à Stratford: Le Petit Robert 2007 et des livres de conjugaison! Je vais pouvoir continuer à m’améliorer!

L’Express: Jouer en français demeure donc une expérience difficile pour vous?

C.F.: Oui. Je cherche encore le bon vocabulaire. Mais ce qui est amusant, c’est que des gens commencent à m’aborder en français dans la rue. À Stratford – où j’habite – avant personne ne me parlait en français, mais maintenant, ça change!

Il y a deux jours, une dame acadienne passait avec ses enfants et elle m’a dit qu’elle m’avait vu jouer Don Juan en français et elle voulait absolument parler français avec moi. Je me suis dit: «Mon Dieu, on va parler avec une élégance assez crédible et on doit parler assez intelligemment!» Je dois continuer à améliorer mon français et je vais essayer de travailler un peu plus en français.

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L’Express: Vous êtes donc décidé à pousser davantage cet aspect-là de votre carrière?

C.F.: On va voir. Kevin Tierny qui était producteur pour Bon Cop, Bad Cop et qui travaille toujours en français m’appelle de temps à autre pour voir si je peux être intéressé par certains de ses projets. J’essaye de passer le message aux producteurs pour leur dire que si ils ont besoin d’un anglo qui parle français, je suis là!

À mon âge, c’est difficile de commencer à jouer en français. Évidemment, je serai toujours l’anglophone qui veut bien parler le français et qui veut le faire de mieux en mieux, mais je ne vais jamais être pris pour un vrai francophone. Quand ils cherchent des acteurs bilingues ou des anglais qui parlent français, alors c’est moi!

L’Express: Est-ce qu’on devrait attribuer une portée politique à Bon Cop, Bad Cop? Est-ce que vous pensez que Bon Cop, Bad Cop va contribuer à rapprocher les deux solitudes?

C.F.: Je pense que oui. J’ai l’impression que les anglophones qui vont voir le film ont l’impression de connaître un peu plus le français à la fin. Patrick Huard a fait le test, lorsque des gens viennent le voir pour lui dire qu’ils ont bien aimé telle ou telle scène, il leur demande «c’était en quelle langue?» et la plupart du temps, les gens ne le savent pas. Je pense qu’il a réussi à séduire les gens en leur faisant penser qu’ils parlent les deux langues.

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Ça a opéré une sorte de rapprochement de voir que deux policiers – même s’ils ont de la difficulté à travailler ensemble – ont quand même de grands succès. Ils ne se comprennent pas complètement. Il y a des différences, et c’est ça qui est intéressant! Ils font chacun des efforts.

L’Express: Est-ce que vous pensez que Bon Cop, Bad Cop ouvrira la porte à d’autres productions québéco-canadiennes?

C.F.: J’espère que oui. Quand je travaillais avec Benoît Brière (Don Juan) – puisque nous aimons tous les deux cuisiner – on a développé l’idée de Bon chef Bad chef. Je crois qu’il y a un grand potentiel derrière cette idée!

L’Express: Bon Cop, Bad Cop est rapidement devenu le film le plus populaire de tous les temps au Canada. Comment interprétez-vous le succès titanesque du film?

C.F.: C’est drôle. On a tout dans ce film: l’action, le drame, la comédie. Ce qui m’étonne le plus, c’est que les gens de 10 ans – comme ma fille – à 93 ans – comme ma voisine – aiment ça. Les gens de n’importe quel âge aiment le film. Mais Patrick Huard n’avait même pas cet espoir. C’était un film qui était amusant pour nous autres, pour des gens dans la trentaine ou dans la quarantaine. Mais de voir que des jeunes et des vieux aiment cela, c’est tellement intéressant.

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L’Express: Bon Cop, Bad Cop a été vendu dans plusieurs pays, dont le Brésil, la Hongrie, la Turquie. Malgré les thèmes très canadiens qui sont abordés dans le film (les deux solitudes et le hockey), croyez-vous qu’il sera bien compris à l’extérieur du Canada?

C.F.: Non, pas si facilement. Mais en même temps, c’est pas nous qui avons eu l’idée de l’envoyer. C’est un succès entièrement canadien entre les frontières canadiennes. On n’a pas besoin des autres, c’est un film très proche de notre histoire. Peut-être que dans d’autres pays bilingues, le public va bien aimer ça.

Avec le grand succès qu’on a je crois qu’on a tout payé la production ou j’espère maintenant qu’on a tout payé. Ça a coûté 8 millions $ et on a fait jusqu’à maintenant environ 12,5 millions $ de recettes. Et on lance le DVD. J’espère que ça continuera à bien aller.

L’Express: Est-ce qu’il y aura une suite à Bon Cop Bad Cop?

C.F.: J’espère que oui, mais c’est au producteur et à Patrick Huard de décider. Pour moi, l’expérience était fantastique. J’ai passé deux mois à Montréal où on riait à tous les jours sur le plateau de tournage. Ils ne m’ont rien dit encore pour une suite. Mais j’espère que ça se fera.

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