50e anniversaire d’Apollo 11 : une révolution scientifique et culturelle

Le module de commande Columbia flotte dans l’océan Pacifique, secouru par les plongeurs de la marine américaine.
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Publié 20/07/2019 par Lucas Pilleri

Les années 1960 resteront la décennie de tous les records spatiaux. Premiers hommes dans l’espace, première aventure hors de l’orbite terrestre, fusée la plus puissante de l’histoire et, bien sûr, premiers pas sur la Lune le 20 juillet 1969.

Un véritable accomplissement qui bouleverse l’époque, et les générations futures.

La télévision en couleurs débarquait tout juste, les ordinateurs étaient bien moins intelligents que les téléphones actuels et, pourtant, le pari a été emporté: les hommes ont marché sur la Lune, il y a exactement 50 ans.

Tout était à inventer

«C’était un exploit, commente Robert Lamontagne, astrophysicien au Centre de recherche en astrophysique du Québec. On a fait ça à une époque où tout était à inventer.»

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À commencer par une fusée capable de propulser vers l’espace plus de 3000 tonnes. Saturn V, avec ses 111 mètres de hauteur, reste la fusée la plus puissante jamais créée.

«Par la suite, les fusées n’ont plus eu besoin d’être aussi puissantes, nous sommes devenus plus efficaces avec le carburant», précise Michael Unger, responsable des programmes au Centre spatial H. R. MacMillan à Vancouver.

Eagle en orbite lunaire photographié par Columbia. Photo: NASA.

Une prouesse technique

Il fallait aussi inventer les lanceurs et les cabines pour accueillir l’équipage, imaginer la connexion de deux vaisseaux dans l’espace, développer les scaphandres pour marcher sur la Lune et confectionner l’ordinateur de bord…

Robert Lamontagne, astrophysicien au Centre de recherche en astrophysique du Québec

«Dans les années 1960, un ordinateur occupe une pièce au complet, c’est gros, ça chauffe et c’est lourd», rappelle Robert Lamontagne. La NASA développe donc le premier ordinateur de bord, petit et compact pour l’époque, pesant tout de même 32 kilos, «l’ancêtre de nos ordinateurs et autres gadgets électroniques».

La miniaturisation des appareils est l’aspect le plus fascinant pour Paul-Émile Legault, directeur du Planétarium Doran à l’Université Laurentienne: «Ça a tout changé. On a réduit la taille de l’ordinateur d’une pièce à une valise», illustre-t-il.

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En outre, de nombreux outils et matériaux révolutionnaires sont inventés, parmi lesquels: la chaussure lunaire qui donnera naissance aux chaussures de sport telles qu’on les connaît aujourd’hui; des combinaisons ignifuges et légères utilisées plus tard par les pompiers; une version miniature du défibrillateur actuel; les premiers panneaux solaires; l’aspirateur sans fil et bien d’autres encore.

Buzz Aldrin près du module lunaire Eagle. Photo: NASA

De grands apports scientifiques

Certes, en pleine guerre froide entre les États-Unis et l’URSS, les sciences ne sont pas le moteur premier de la conquête lunaire.

«On est allés sur la Lune pour les mauvaises raisons», estime Robert Lamontagne. «C’était avant tout pour gagner la course spatiale, pour une dimension politique, un prestige national.» Malgré tout, les sciences prennent une place croissante au cours des missions successives d’Apollo.

Au total, 382 kilos de roche lunaire sont rapportés entre 1969 et 1972. Leur analyse est à l’origine de l’une des découvertes les plus importantes de l’astronomie: la Terre et la Lune ne formaient un jour qu’un seul et même astre. La Lune serait née d’une collision cataclysmique entre un objet céleste et la Terre il y a plus de 4,4 milliards d’années.

Un morceau de roche lunaire conservé au Centre spatial de Vancouver.

Des morceaux de Terre sur la Lune

Début 2019, les scientifiques analysent un morceau issu de la mission Apollo 14 en 1971, conservé intact jusque-là. Ils remarquent à l’intérieur une incrustation d’un morceau de roche provenant de la Terre.

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«Cela montre qu’il y a eu des interactions, détaille l’astrophysicien. Lorsque la Terre se fait percuter par un objet de grande taille, comme l’astéroïde qui a éliminé les dinosaures, une partie de la croûte terrestre est projetée dans les airs et certains de ces morceaux ont la vitesse nécessaire pour atteindre la Lune.»

Ces roches, véritables météorites d’origine terrestre, sont presque introuvables sur Terre. Vieilles de plusieurs milliards d’années, elles contiennent des informations précieuses pour expliquer l’apparition de la vie sur Terre.

Le module de commande Columbia en orbite lunaire, photographié par Eagle. Photo: NASA.

La Lune s’éloigne de la Terre

En outre, plusieurs appareils de mesure ont été laissés sur la Lune. Des sismomètres ont permis de découvrir qu’elle rétrécissait et tremblait. Des capteurs de vent solaire ont été posés ainsi que des miroirs rétroréflecteurs qui renvoient les faisceaux lumineux envoyés depuis la Terre pour mesurer, au centimètre près, la distance Terre-Lune.

Ces outils ont notamment permis de se rendre compte que la Lune s’éloignait de la Terre à mesure de 4 centimètres par an. Il y a 4,5 milliards d’années, elle était donc 16 fois plus proche de notre planète, fait remarquer Robert Lamontagne. «Parler de super Lune à cette époque, c’était vrai», ironise-t-il.

Plus important encore, le satellite aurait joué un rôle dans l’apparition de la vie sur Terre. Avec une action gravitationnelle bien plus importante, les marées, dont la Lune est responsable, constituaient de véritables tsunamis, érodant les continents et enrichissant les océans en minéraux et composés chimiques essentiels aux organismes.

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Neil A. Armstrong, commandant, Michael Collins, pilote du module de commande, et Edwin E. Aldrin Jr., pilote du module lunaire. Photo: NASA.

Une inspiration pour le monde

Les années 1960 sont occupées par la course à l’espace entre Américains et Soviétiques. Le projet de conquête lunaire captive alors le monde: «C’était inspirant, tous les petits garçons de mon âge voulaient être astronautes. Ça a changé la vie de nombreux jeunes. Je suis devenu astronome et astrophysicien à cause des missions Apollo», confie Robert Lamontagne, qui a eu plus tard la chance de rencontrer l’un des douze moonwalkers.

Les carrières scientifiques connaissent alors un bel engouement. Déjà présent au Planétarium Doran de l’Université Laurentienne, Paul-Émile Legault a constaté l’intérêt pour l’univers des étoiles. «Ça a piqué l’intérêt du monde, il y avait beaucoup plus de visiteurs que d’ordinaire du temps des missions Apollo», témoigne-t-il.

Les premiers pas sur la Lune marquent les débuts de la conquête spatiale. Pour la première fois, des humains atteignent un autre monde dans le cosmos, quittant leur berceau originel. «C’est un accomplissement d’atteindre un lieu comme la Lune, considérée comme un phare pour l’humanité depuis qu’elle a commencé à lever les yeux», observe Michael Unger.

Le Planétarium Doran de l’Université Laurentienne, à Sudbury, accueillera les écoles du Nord de l’Ontario en octobre pour observer le lieu d’alunissage d’Apollo 11.

Rêver plus grand

L’impact est énorme dans le domaine des arts, notamment pour la science-fiction qui passe de fantaisie à réalité future. Georges Lucas, Steven Spielberg, Isaac Asimov…

«Les humains ont commencé à ce moment-là à rêver plus grand», rapporte Michael Unger. En pleine période de contestation de la guerre du Vietnam, cette réussite tombe à pic et redonne foi en l’humanité.

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Ce premier alunissage attise aussi l’esprit de conquête de jeunes rêveurs, futurs entrepreneurs accomplis: les Richard Branson, Steve Jobs, Bill Gates et autres Elon Musk plus tard. «Ça a inspiré les générations suivantes», résume le passionné.

Cinquante ans plus tard, la Lune fascine moins, détrônée de son rang de sommet spatial à gravir. «C’est Mars qui intrigue tout le monde», constate Paul-Émile Legault. La planète rouge aurait-elle remplacé la Lune dans l’imaginaire collectif? Une chose est sûre, l’esprit d’Apollo perdurera.

Paul-Émile Legault, directeur du Planétarium Doran de l’Université Laurentienne à Sudbury.

Auteur

  • Lucas Pilleri

    Journaliste à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec le réseau de l'Association de la presse francophone.

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