2022, une année pivot dans plusieurs pays francophones

Élections, coup d’État, guerres, reconstruction...

Entre élections, coups d’État ou reconstruction de pays au bord du gouffre, 2022 sera une année pivot dans plusieurs pays francophones.
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Publié 13/01/2022 par Aurélie Lacassagne

L’actualité internationale risque bientôt d’être très chargée pour les pays francophones de par le monde. Entre élections, transitions postcoup d’État et tentatives de reconstruction de pays au bord du gouffre, 2022 sera une année pivot dans la francophonie internationale.

L’année 2021 a été marquée par plusieurs crises sans précédent pour de nombreux pays francophones. Pensons à l’assassinat du président haïtien, Jovenel Moïse. Au coup d’État du 24 mai 2021 au Mali — le deuxième en moins d’un an. Ou encore au renversement du président Alpha Condé par des militaires en septembre en Guinée.

Pour la nouvelle ministre canadienne des Affaires étrangères, Mélanie Joly, 2022 sera donc l’occasion de démontrer que le Canada suit de près ce qui se passe dans l’espace francophone mondial. Et, pourquoi pas, de proposer ses services de médiation.

Il s’agit d’un exercice obligé si le Canada souhaite un jour retrouver un fauteuil au Conseil de sécurité de l’ONU.

Canada
Mélanie Joly.

Attaques terroristes au Burkina Faso

Une grande partie de l’actualité burkinabè est présentement occupée par le procès historique des personnes inculpées pour l’assassinat du président et héros révolutionnaire Thomas Sankara en 1987.

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Mais le Burkina Faso fera sans nul doute parler de lui cette année, puisque le pays semble être en passe de devenir la cible privilégiée des groupes terroristes.

C’est du moins ce que laisse présager la recrudescence d’attaques dans les dernières semaines de 2021.

Cette situation précaire a de nombreuses répercussions: personnes déplacées, privation du droit à l’éducation et état d’urgence limitant par principe l’exercice des libertés fondamentales.

Voici un cocktail explosif dans un pays qui peine, depuis désormais six ans, à lutter contre ce fléau de la violence aveugle et qui apparaît bien isolé dans la région. Cette instabilité sécuritaire qui perdure pourrait bien entraîner une révolte populaire qui pourrait à son tour emporter le président.

25 ans de violence en République démocratique du Congo

La situation n’est guère plus reluisante dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) aux prises avec une violence inouïe depuis 25 ans maintenant. Des groupes sèment la désolation au Nord-Kivu et en Ituri, deux provinces en état de siège depuis mai 2021.

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Parmi ces groupes, Forces démocratiques alliées (ADF), qui ont prêté allégeance à Daesch pour recevoir plus d’armes – ce qui signifie plus de violences meurtrières contre les populations locales.

L’incapacité de l’armée congolaise (et des forces onusiennes) à assurer un minimum de sécurité a permis, une fois encore, à Museveni, l’indéboulonnable dictateur ougandais, d’interférer dans les affaires congolaises.

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Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi. Photo: World Economic Forum, Flickr

Interventions de l’Ouganda et du Rwanda

L’autorisation donnée par le président congolais, Félix Tshisekedi, à l’armée ougandaise d’entrer sur le territoire congolais inquiète aussi bien les observateurs que les populations de l’est du pays.

Si cette situation se veut provisoire, selon Kinshasa, elle représente néanmoins un pari très risqué au regard de l’Histoire. L’Ouganda, tout comme le Rwanda, n’ont eu de cesse de déstabiliser leur grand voisin. Ils n’ont jamais eu besoin d’invitation pour ce faire.

Dans ces conditions, on peut s’attendre à ce que la RDC s’enfonce dans la crise et l’instabilité au cours des prochains mois.

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Crise existentielle au Liban

Haïti et le Liban sont également traversés par de profondes crises. Dans le cas du Liban, elle est existentielle. Il ne s’agit pas d’une situation qui pourrait s’aggraver ou dégénérer. Nous sommes déjà arrivés à un point de non-retour.

Les élections législatives en mars prochain au Liban ne décideront pas des nouvelles couleurs de la Chambre. Le jeu politique libanais est de toute façon bloqué par des élites corrompues et un système archaïque de partage des fonctions politiques.

Elles décideront ni plus ni moins de la paix dans le pays et de la concorde civile.

Soyons clairs : en aucun cas le Liban n’a les moyens de se relever de la crise financière, économique, sociale et politique sans précédent qu’il traverse.

Pour éviter une nouvelle guerre, il faut une transformation politique en profondeur. La question est de savoir si cette transformation pourra se réaliser à la suite des élections ou si les Libanais·es devront réinvestir la rue comme ils l’ont fait en 2019. Réponse ce printemps.

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Manifestation au Liban en 2019. Photo: Freimut Bahlo, Wikimedia Commons

Terreur et misère en Haïti

Théoriquement, Haïti devrait également connaître des élections en 2022 pour se choisir un nouveau président, une nouvelle Chambre des députés, 19 nouveaux sénateurs et une nouvelle constitution – sauf que la date n’est pas encore déterminée et qu’on les attend depuis 2019.

De plus, les conditions minimales permettant l’organisation de ces élections ne sont pas réunies et ne sont pas près de l’être. Les gangs armés sèment la terreur à travers le pays et la situation humanitaire est des plus précaires.

On sait le peuple haïtien résistant, résilient et combatif. Pourra-t-il collectivement reprendre en main son destin en 2022? C’est tout ce qu’on peut lui souhaiter.

Haïti, séisme, aide
Distribution d’eau potable en Haïti, après le séisme du 14 août 2021.

Les militaires s’accrochent au pouvoir au Mali

Au Mali, la perspective d’un transfert du pouvoir aux civils s’amenuise de jour en jour.

Le cadeau empoisonné des Assises nationales de la refondation, qui ont eu lieu pendant les Fêtes, a été un nouveau chronogramme prolongeant ainsi la transition de six mois à cinq ans. Autant oublier tout de suite l’idée d’une transition et de la tenue d’élections démocratiques dans le pays.

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Le message envoyé par le colonel Assimi Goïta, chef de la junte et putschiste récidiviste, est clair. Il a la ferme intention de s’accrocher au pouvoir. Reste à savoir maintenant comment les Maliens réagiront face à cette usurpation.

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«Au Mali, la perspective d’un transfert du pouvoir aux civils s’amenuise de jour en jour.» Photo: Mission de l’ONU au Mali – Flickr

Une Charte de la transition en Guinée

En Guinée, la situation semble un tant soit peu différente et peut être plus optimiste… Notamment parce qu’ont été mis en place une Charte de la transition et des organes plus inclusifs pour mener à bien la prochaine étape.

Si on n’a pas encore de date pour des élections, c’est parce qu’une nouvelle constitution doit être rédigée. Le nouveau gouvernement mis en place semble aussi de bon augure: aucun ancien ministre, sept femmes, seulement deux militaires et des experts.

Il n’est pas interdit d’espérer qu’au fil de cette année 2022, le dialogue national cordial continue pour déboucher sur un nouveau texte constitutionnel qui ouvrirait la voie à des élections en 2023.

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Parade des militaires dans les rues de Kaloum après le coup d’État de 2021 en Guinée. Photo: Aboubacarkhoraa, Wikimedia Commons

Les élections présidentielles en France

Pour citer l’humoriste français Coluche: «Pas du choix, que de l’embarras.»

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Comme quasiment à chaque élection présidentielle depuis 2002, chacun retiendra son souffle le soir des élections printanières.

Du côté des nationalistes, si Éric Zemmour n’a vraisemblablement plus de chance de se retrouver au second tour, Marine Le Pen conserve les siennes. Les deux candidats auront gagné à imposer leurs thèmes privilégiés: le «grand remplacement» des Français traditionnels par les immigrants arabes et africains, et la sécurité.

La candidate de la droite conservatrice classique, Valérie Pécresse, se positionne plutôt bien dans les sondages, à la surprise générale, grâce à une droitisation de son discours.

France
Les candidats présidentiels Emmanuel Macron, Valérie Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour.

Quant à la gauche socialo-écologiste ou écolo-socialiste, elle continue de s’enfoncer dans ses divisions idéologiques de pacotille. Elle s’avère incapable de proposer un programme répondant aux préoccupations des Français, de plus en plus vulnérables et menacés par la précarité.

Tout cela laisse un grand boulevard plein centre pour le président sortant, Emmanuel Macron. Si la tendance se maintient, on peut déjà annoncer que le grand vainqueur de cette élection sera l’abstention.

Auteur

  • Aurélie Lacassagne

    Professeure invitée à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa. Chroniqueuse à Francopresse, le média d’information numérique au service des identités multiples de la francophonie canadienne, qui gère son propre réseau de journalistes et travaille de concert avec Réseau.Presse et ses journaux membres.

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