L’enfance blessée est un thème cher à Hugues Corriveau, qui a eu son écho dans une nouvelle parue en 1996. Il replonge au cœur de cette thématique dans La fêlure de Thomas, un roman où il cisèle méticuleusement et peaufine admirablement chaque phrase, y ajoutant parfois un accent poétique.
Le Thomas du titre est un garçon de 11 ans qui s’amuse à voler de la gomme à mâcher Bazooka au dépanneur du coin, rue Ontario, à Montréal. Un soir où il s’apprête à commettre son larcin habituel sous l’œil complice de la fille au comptoir, deux voleurs entrent et font un hold-up qui coûte la vie à la jeune caissière.
Dans la panique qui s’ensuit, le revolver glisse jusqu’à l’allée où Thomas s’est caché. Terrifié, l’enfant commet l’irréparable, puis se sauve en courant chez lui. Nous ne sommes qu’à la page 28. Ce qui suit est un chassé-croisé entre l’enfance et la tuerie au dépanneur.
Thomas a eu un grand frère, Will, porté aux nues par une mère qui n’a jamais accepté qu’un autre puisse dire «Maman.» Ce n’est pas qu’elle reproche à Thomas d’être né, «elle s’en veut de l’avoir laissé naître». Il est de trop.
Corriveau brosse le portrait d’une mère vache, grosse truie, ogre, «une pas-femme-pas-mère». Résultat: Thomas est «avalé par l’inespoir catastrophique qui l’assombrit et le nourrit du mal total d’être l’enfant de la mère».