Zachary Richard, roi des Cadiens bicéphales

Hugh’s Room le 15 septembre

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Publié 08/09/2009 par Dominique Denis

On l’a appelé le Mick Jagger du Bayou, un peu pour sa gueule de rockeur, évidemment, mais aussi parce qu’il a su, à l’instar des Rolling Stones, prendre un musique du terroir – la Louisiane, en l’occurrence – et l’actualiser avec panache, pour la faire découvrir au reste de la planète. Et puisque les occasions de voir et d’entendre Zachary Richard dans la Ville-Reine se font plutôt rares, on serait fou de se priver de ce singulier plaisir.

Lorsque L’Express l’a rejoint à son domicile louisianais, Zachary soufflait «un p’tit brin», au retour d’un passage à Paimpol, en Bretagne, et avant de reprendre la route, d’abord vers Saint-Tite, pour le fameux Festival Western, puis vers Toronto. Comme c’est souvent le cas, cette période d’activité fébrile correspond au lancement d’un nouvel album, Last Kiss, son premier en anglais depuis les années 90.

«Pour la première fois en quinze ans, je sors du “ghetto” français, entre guillemets. Je ne perçois pas l’anglais comme un adversaire, mais plutôt comme un complice que je cherche à emmener dans mon univers», souligne l’auteur-compositeur qu’on décrit comme le plus francophone des Américains, et le plus américain des francophones.

«J’ai été élevé en milieu francophone, même si mes parents me parlaient surtout en anglais. Ce que je trouve dérangeant, c’est d’avoir à faire un choix. Je me sens un peu comme Janus avec une tête double, qui regarde dans deux sens différents!»

Plus qu’une réalité quotidienne, cette dualité linguistique est au cœur même du processus créatif de Zachary. «Au départ, je navigue dans une espèce de brouillard, d’où surgit un son reconnaissable, qui va s’afficher dans une langue ou dans l’autre. Quand j’écris, il n’y a pas de volonté qui dicte le choix de langue. C’est subconscient.»

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Mais là où il existe une différence dont il est pleinement conscient, c’est sur le plan de l’engagement à l’égard d’une langue qu’il a toujours connue comme fragile parce que marginalisée.

En 1996, Zachary Richard co-fonde Action Cadienne, un organisme dédié à la défense du fait français en Louisiane. «Chez nous, on était – et on est encore, malheureusement – ignorants de notre propre histoire. Les manuels scolaires font référence à la communauté acadienne de façon presque méprisante. Et il n’est pas mort, le vieux mythe du Cajun ignorant et du Louisianais aux pieds palmés!»

D’abord épris de culture anglophone – ses premiers héros s’appelaient Neil Young, Leonard Cohen et Robbie Robertson – Zachary affine son identité francophone dès 1975, au contact de ses ancêtres cadiens. «Quand on m’a invité à jouer à Cap-Pelé, en Acadie, j’ai découvert des gens qui avaient les mêmes noms de famille et la même physionomie que nous. C’était comme si je découvrais une partie de moi-même.»

Cette rencontre marquait le début d’un cheminement qui forgera sa solidarité à l’égard de toutes les communautés francophones du continent. «La première fois que je suis allé chanter à Sudbury, j’ai eu une réaction presqu’aussi forte qu’en Acadie, mais je pourrais aussi parler de Zenon Park, en Saskatchewan, ou de Saint-Boniface, au Manitoba. Mon identité cadienne s’est approfondie au contact des autres francophones d’Amérique.»

Et aujourd’hui, après plus de 30 ans de combats, comment voit-il l’avenir de sa culture ancestrale? «Il y a beaucoup de raisons de s’inquiéter pour la survie du français en Louisiane. Les démographes disent que quand une communauté passe sous la barre des 10 %, c’est foutu.»

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«Je suis pessimiste, sauf pour une chose: ce qu’Antonine Maillet appelle la force de la culture. C’était peu probable que quelqu’un de ma génération, qui a été élevé comme je l’ai été, devienne auteur-compositeur francophone. Et pourtant, je suis là. C’est parce qu’il y a une “rivière souterraine” de la culture en Louisiane, qui a un impact important, bien que peu visible à la surface.»

Zachary Richard à Hugh’s Room 2261, rue Dundas Ouest, (416) 531-6604, mardi 15 septembre, 20h30.

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