Wim Wenders, cinéaste du voyage et de l’errance

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Publié 26/01/2016 par Janine Messadié

Wim Wenders a fêté son 70e anniversaire en 2015… l’occasion pour de nombreux musées et prestigieux festivals de saluer l’immense talent de ce réalisateur, producteur, et photographe allemand – auteur majeur du 7e Art – l’un des cinéastes allemands les plus récompensés de l’histoire du cinéma.

Le bal des honneurs a débuté en février 2015, alors que la 65e Berlinale remettait à un Wim Wenders, visiblement ému, un Ours d’or pour l’ensemble d’une carrière, commencé à l’orée des années’70.

Le mois suivant, le MoMA (Museum of Modern Arts) de New York lui consacrait une grande rétrospective afin de souligner avec faste ses 70 ans.

En plein cœur de l’été, la 72e Mostra de Venise dévoilait l’affiche de son festival rendant hommage à Nastassja Kinski, en évoquant le film Paris, Texas de Wenders, tandis que le jour de son anniversaire, le 14 août, le Kunstpalast Museum de Düsseldorf (sa ville natale) exposait 80 de ses plus belles photographies.

Enfin, le 17 octobre dernier dans le cadre de la 44e édition du Festival du nouveau cinéma, l’Université du Québec à Montréal (UQAM) décernait un doctorat honorifique au réalisateur pour saluer la richesse et la singularité de son œuvre cinématographique et son apport majeur au Nouveau cinéma allemand des années 1960-1970.

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C’est sur cette lancée que l’année 2016 s’ouvre pour Wenders avec une grande rétrospective, On the Road: The Films of Wim Wenders, présentée du 28 janvier au 6 mars à la cinémathèque du TIFF Bell Lightbox.

On propose ici une sélection des premiers films du cinéaste, restaurés numériquement, des œuvres essentielles qui ont été difficiles à voir en Amérique du Nord au cours des deux dernières décennies en raison de problèmes de droits et de conditions d’impression. Des courts-métrages et certains de ses plus grands films, réalisés plus tard au cours de sa carrière, font aussi partie de la programmation.

Voyages et mouvements

Né Ernst Wilhelm Wenders, à Düsseldorf le 14 août 1945, Wim Wenders étudie la médecine, avant d’opter pour la philosophie, puis la sociologie.

En 1966, à l’âge de 21 ans, il abandonne ses études pour se consacrer à l’aquarelle alors que sa fascination naissante pour le 7e art le conduit à Paris, où il fréquente assidûment durant un an la cinémathèque française. C’est là qu’il découvre Fritz Lang, Friedrich Murnau, Yasujiro Ozu, et se passionne pour les grands auteurs du cinéma américain. De ses propres dires, il aurait vu un bon millier de films.

De 1967 à 1970, il étudie à l’école supérieure de cinéma de Munich et réalise en 1970, son premier film de fin d’études, Summer in the City. En 1971, avec d’autres figures du nouveau cinéma allemand, il crée une société afin de produire, réaliser et distribuer des films en toute indépendance et défendre le cinéma d’auteur. Puis, en 1974, il fonde sa propre société, la Wim Wenders Produktion.

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Personnages en marge

Le cinéma wendersien met en scène des personnages en marge, souvent placés sous le signe de l’errance ou du voyage insolite, tant physique que psychologique. Ce sont des films intimistes au rythme lent et réfléchi où le temps, le mouvement, l’espace et le paysage dominent. La rétrospective nous convie à des films majeurs réalisés entre 1971-1987.

The Goalie’s Anxiety at the Penalty Kick (1971), le premier film réalisé par Wenders, après ses études. Adapté du roman de l’écrivain autrichien Peter Handke avec qui il se lie d’amitié, Wenders inscrit déjà les thèmes qu’il développera dans ses autres films: le questionnement de l’homme face à l’existence, face à la mort, les difficultés de communiquer, l’Amérique (fascination-rejet), et toujours l’errance, le voyage, la frontière.

The American Friend (1977), adaptation cette fois du livre Ripley’s Game de la romancière américaine Patricia Highsmith, avec Dennis Hopper et Bruno Ganz, l’acteur français Gérard Blain et les réalisateurs Nicholas Ray, Samuel Fuller, Daniel Schmid et Jean Eustache.

C’est ce film machiavélique sur la mort – une réinvention du film noir – qui a lancé la carrière internationale de Wenders. Il fut présenté au festival de Cannes, un an après le prix de la critique internationale, également récolté sur la Croisette pour Kings of the Road.

Kings of the Road (1976) est le troisième volet d’une trilogie sur l’errance, sous forme de road movie, incluant Alice in the Cities (1974) et The Wrong Move (1975).

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Dans cette trilogie, Wenders y fait le constat de l’Allemagne de l’après-guerre au nom de sa génération «qui n’a pas de pères», puisque confisqués par le nazisme. Il saisit le monde contemporain, son monde, à travers le voyage, le mouvement, les rencontres, l’espace, cherchant à construire une identité, une histoire.

Avec un sens aigu de la composition, un soin particulier au cadre musical, Wenders réussit à donner corps à l’errance, avec un langage cinématographique unique, privilégiant les temps morts, les silences, l’absence de logique ou l’intrigue circulaire.

Until the End of the World (1991/1994) est une comédie dramatique de 4h40 minutes rarement projetée et dont la bande sonore a été commandée à plusieurs de ses amis musiciens: U2, R.E.M., Depeche Mode, Talking Heads, Nick Cave, Elvis Costello, Lou Reed et Patti Smith.

Fictions et documentaires primés

Parmi ses œuvres de fiction les plus connues, nous verrons:

Paris, Texas (1984) lauréat de la Palme d’or au 37e Festival de Cannes. La musique de Ry Cooder enveloppe ce film, sur l’errance, œuvre clé de l’éternel dialogue entre l’Europe et l’Amérique.

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Les ailes du désir (1987), fable métaphysique empreinte de mélancolie et de nostalgie, récompensée entre autres par le Prix de la mise en scène au 40e Festival de Cannes.

The Left-Handed Woman (1978), produit par Wenders et réalisé par son ami écrivain et grand collaborateur Peter Handke – adaptation du livre que ce dernier a écrit en prose narrative dans les années’70. Il raconte la dissolution du couple, avec en filigrane la complexité de la relation à l’autre.

Grand amoureux de l’art, Wenders a également réalisé plusieurs documentaires, salués par les milieux du cinéma, de la musique et de la danse. On verra le magnifique Pina (2011) – Prix du cinéma européen du meilleur film documentaire – une œuvre en 3-D consacrée à la chorégraphe allemande Pina Bausch, l’une des principales figures de la danse contemporaine.

Et Buena Vista Social Club (1999), un succès mondial. Il s’ouvre sur Chan Chan, interprété par Compay Segundo et l’orchestre de Buena Vista lors de leur unique tournée en dehors de Cuba.

Influences

En plus de la rétrospective, la cinémathèque propose du 30 janvier au 17 mars American Friends & Foreign Influences: 15 films, les favoris du cinéaste, allant du road movie au film noir, en passant par des classiques vénérés et des films maudits.

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Des œuvres cinématographiques signés, entre autres, par John Ford, Leos Carax, Jean Renoir, Dennis Hopper, Nicolas Ray et Michelangelo Antonioni.

Ne manquez pas cette plongée extraordinaire dans l’univers de Wim Wenders, le cinéaste du voyage et de l’errance.

Auteur

  • Janine Messadié

    Communicatrice d'une grande polyvalence. 30 ans de journalisme et de présence sur les ondes de Radio-Canada et diverses stations privées de radio et de télévision du Québec et de l’Ontario français. Écrit depuis toujours...

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