Virelangues

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Publié 20/04/2010 par Martin Francoeur

La plupart des chroniques que j’ai signées dans ces pages depuis que je collabore à L’Express ont porté sur des sujets touchant la langue française écrite plutôt que parlée. Récemment, un lecteur anglophone, mais francophile me demandait s’il existait des listes de phrases difficiles à prononcer, histoire d’améliorer son français parlé. Je me suis alors lancé dans la recherche de virelangues. Et les découvertes que j’ai faites sont fascinantes.

Il convient d’abord de s’intéresser à ce mot qui, à mon avis, est un fort joli terme pour exprimer ce qu’il désigne. Même si, de prime abord, le mot «virelangue» est un calque de l’anglais «tongue twister», il n’en demeure pas moins qu’il est parfaitement construit d’un verbe et de son complément, comme plusieurs mots composés ou soudés. Et il représente fort bien cet exercice qui nous force à virer la langue lorsqu’on l’accomplit.

Le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française nous dit qu’un «virelangue» est une phrase, construite à partir d’une succession de consonnes semblables, difficile à prononcer rapidement sans faire d’erreur.

On indique que le mot a des synonymes: «fourchelangue» et «casse-langue», dont les graphies nous ramènent au débat sur la soudure des mots composés. Mais c’est justement un tout autre débat.

Jouer avec les mots

Le virelangue a d’abord une fonction ludique. Il s’agit, en fait, d’une façon de jouer avec les mots. Mais au-delà de cette fonction, on confère au virelangue un rôle éducatif et correctif. Chaque langue a ses virelangues. Il suffit de consulter l’entrée «virelangue» dans Wikipédia pour avoir des exemples de ces exercices abracadabrants dans pas moins de dix-sept langues, dont le français.

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Bien sûr, on a tous déjà entendu certains virelangues célèbres comme: «Les chaussettes de l’archiduchesse sont-elles sèches ou archi-sèches?» ou encore «Jésus soupa chez Zachée». Mais il en existe des centaines, voire des milliers. Pourquoi en existe-t-il autant ? Parce qu’il y a toujours place à l’imagination et à la création de virelangues originaux.

Répétition de syllabes

La forme la plus simple de virelangue est celle qui consiste en une simple répétition de syllabes nées de la même consonne initiale. Comme dans «Ciel! Si ceci se sait, ces soins sont sans succès».

Ou encore: «Didon dîna, dit-on, de deux dodus dindons».

Dans ce type de phrase, on mise sur la prononciation correcte des consonnes et non pas tant sur le niveau de difficulté de la prononciation de la phrase dans son ensemble.

Là où les difficultés surviennent, c’est généralement lorsqu’on juxtapose des consonnes semblables, comme des «j» avec des «z» et des «ch». Exactement comme dans «Jésus soupa chez Zachée». Ou dans «Choisissons ces saucisses aux choux et sachons saisir ces anchois séchés». On le devinera aisément : la succession de «ch» et de «s» est une mine intarissable de virelangues.

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Mots juxtaposés

Parfois, il peut arriver que ce soit la répétition rapide d’une même courte phrase ou de simples mots juxtaposés qui constitue un virelangue : «Suis-je chez ce cher Serge ?», «Papier, piano, panier…», «J’exige et je veux…» ou encore «Truite cuite, truite crue…». À première vue, ces mots sont inoffensifs, mais lorsque répétés rapidement, ils deviennent difficiles à bien prononcer.

On s’en doute bien, les virelangues en français sont parfois de véritables casse-tête pour les non-francophones. Particulièrement lorsqu’ils mettent en vedette des consonnes qui se prononcent différemment en anglais, comme le «r». Faites dire à un anglophone la phrase : «Trois gros rats gris dans trois gros trous très creux» et vous en aurez la preuve…

En anglais

À l’inverse, les francophones auront beaucoup de difficulté à prononcer certains virelangues en anglais, notamment ceux qui reposent sur la succession de «t» et de «th», ou encore ceux qui font se succéder le son «wr».

Et on peut aussi mettre des francophones qui parlent anglais de prononcer rapidement le célèbre tongue twister suivant: «Three Swedish switched witches watch three Swiss Swatch watch switches. Which Swedish switched witch watch which Swiss Swatch watch switch?». Il existe plusieurs variantes, mais celle-là est sans doute la plus drôle et la plus ardue!

Chez les francophones, les virelangues sont utiles pour soigner la diction. Et ils sont fréquemment utilisés par les gens de théâtre pour exercer leur prononciation avant d’aller en scène.

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Mots inventés

Enfin, il arrive aussi que les virelangues mettent en vedette des mots inventés de toutes pièces. Comme le célèbre: «Petit pot de beurre, quand te dépetit-pot-de-beurreriseras-tu? – Je me dépetit-pot-de-beurreriserai quand tous les petits pots de beurre se dépetit-pot-de-beurreriseront.» On aura beau chercher, on ne trouvera jamais le verbe «dépetit-pot-de-beurriser» dans le Bescherelle ou dans les dictionnaires!

Allez fouiller sur le web pour trouver quelques virelangues. Et promettez-moi de les lire à haute voix…

Auteur

  • Martin Francoeur

    Chroniqueur à l-express.ca sur la langue française. Éditorialiste au quotidien Le Nouvelliste de Trois-Rivières. Amateur de théâtre.

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