Une voix collective pour mettre fin à la violence contre les femmes

À Hamilton

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L’événement organisé par le Woman Abuse Working Group (WAWG) à Hamilton. Photos: Nathalie Dufour Séguin, l-express.ca
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Publié 26/11/2025 par Nathalie Dufour Séguin

Une femme est tuée par son partenaire chaque semaine au pays, tandis qu’une femme ou une fille meurt tous les deux jours dans un contexte de violence, principalement commise par des hommes. C’est ce que rappelle l’Observatoire canadien du féminicide (OCFJR) en cette fin novembre début décembre consacrée à cet enjeu.

Les femmes autochtones, racisées ou vivant la pauvreté demeurent surreprésentées parmi les victimes.

C’est pour ouvrir les «16 jours d’activisme contre la violence fondée sur le genre», que de nombreux organismes, intervenants et survivantes se sont réunis au centre Waterfront de Hamilton, ce lundi 24 novembre, pour réaffirmer l’importance d’agir collectivement.

Organisé par le Woman Abuse Working Group (WAWG), l’événement a rassemblé des membres de la communauté, des experts et des représentants d’agences publiques et de programmes spécialisés.

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Le comité organisateur de l’événement.

Une réalité qui dépasse les chiffres

Selon les données du gouvernement fédéral, les cas de violence entre partenaires intimes ont augmenté de 14% entre 2018 et 2024, et 78% des victimes en 2024 étaient des femmes ou des filles.

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Rechie Valdez, ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, et secrétaire d’État aux Petites Entreprises et au Tourisme, rappelait le 25 novembre que cette violence entraîne des conséquences durables qui peuvent toucher plusieurs générations. Y mettre fin est primordial pour bâtir un pays plus sécuritaire.

«Ce ne sont pas seulement des statistiques. J’ai entendu des histoires de vies qui ont pris fin trop tôt, et de survivantes qui portent chaque jour le poids de ce qu’elles ont vécu.»

Pour Loubna Moric, directrice des programmes contre la violence au Centre de santé communautaire Hamilton-Niagara (CSCHN), «la lutte contre toutes les formes de violence envers les femmes et les filles demeure une priorité absolue». Le centre offre du soutien, de l’accompagnement et des programmes de prévention destinés aux jeunes.

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Espérance Ngendandumwe, intervenante en prévention et sensibilisation en matière d’abus au CSCHN.

Changer le récit: le rôle des médias

La conférencière principale, la chercheuse Jordan Fairbairn, spécialiste du féminicide et de son traitement médiatique, a mis en lumière le rôle fondamental des médias.

«Le féminicide est un problème social évitable, et il nécessite des solutions sociales», a-t-elle expliqué. «Les médias jouent un rôle important dans la manière dont le public comprend la violence faite aux femmes.»

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Selon elle, la façon dont les médias décrivent les violences envers les femmes influence directement la compréhension publique, les politiques, et même la prévention. Employer des termes comme «drame familial» banalise la gravité des actes et masque leurs causes structurelles.

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Les panélistes Jordan Fairbairn, Kim Gillespie, Laura Smith, Dick Passmore.

Reconnaître la violence là où elle se cache

Le témoignage de la panéliste Kim Gillespie, dont la mère a été assassinée après 47 ans de violence conjugale, a été l’un des moments les plus marquants.

«Il faut apprendre à reconnaître les signes, à comprendre ce qu’est une relation saine, et surtout, savoir où aller chercher de l’aide. La violence n’a pas de visage. Elle peut toucher n’importe qui.»

Son histoire rappelle que derrière chaque statistique se cache une vie, et souvent une longue trajectoire de silence et de peur. Pour Kim, l’éducation et la sensibilisation restent les outils les plus puissants pour éviter que d’autres familles vivent pareilles tragédies.

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Dr Jordan Fairbairn, professeure au Département de sociologie du King’s University College de l’Université Western. Membre du comité d’experts de l’Observatoire canadien du féminicide pour la justice et la responsabilisation.

Agir auprès des hommes: une clé essentielle

Le rôle des hommes dans la prévention a été fortement mis de l’avant grâce à l’intervention de Dick Passmore, facilitateur du programme Partner Assault Response (PAR). Son propos mettait l’accent sur l’éducation des hommes et des garçons.

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«Plusieurs jeunes hommes manquent de respect pour eux-mêmes. Et si tu ne t’aimes pas ou ne te respectes pas, comment peux-tu aimer ou respecter quelqu’un d’autre?»

Selon lui, la socialisation masculine demeure un facteur déterminant. «Nous mettons beaucoup d’attentes sur les garçons, mais nous leur offrons très peu de modèles masculins positifs»

Il ajoute, «les hommes me disent souvent: “J’aurais aimé apprendre ça à l’école.” Alors oui, la prévention est la clé.»

Le programme PAR, financé par le ministère du Procureur général de l’Ontario, offre un espace éducatif et transformateur à des hommes ayant été condamnés pour violence conjugale, tout en soutenant les victimes.

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L’événement organisé par le Woman Abuse Working Group (WAWG) à Hamilton.

Intervenir tôt: outiller les jeunes

Le CSCHN offre maintenant le programme ViRAJ Ontario dans les écoles et établissements communautaires de la région, destiné aux jeunes de 14 à 25 ans.

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À travers des ateliers interactifs, des jeux de rôle et des discussions ouvertes, les participants apprennent à reconnaître les formes de violence, à réfléchir aux rapports de pouvoir et à développer des stratégies de communication non violentes.

Dans un contexte où les violences en ligne se multiplient, ces programmes deviennent essentiels.

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Devoir de mémoire pour les 14 étudiantes tuées à l’École polytechniques de Montréal le 6 décembre 1989.

La violence en ligne: un enjeu grandissant

Selon ONU-Femmes, la violence facilitée par la technologie explose, entre 16% et 58% des femmes dans le monde auraient déjà été victimes de harcèlement numérique.

L’organisation observe une montée inquiétante des deepfakes sexualisés, utilisés pour humilier, contrôler ou réduire au silence. Pour beaucoup de femmes, l’espace numérique, censé être un lieu d’expression et d’autonomie, est devenu un terrain de chasse.

La violence numérique devient ainsi un prolongement de la violence fondée sur le genre, exigeant de nouvelles stratégies de prévention.

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Une mobilisation qui dépasse 16 jours

Les 16 jours d’activisme ne sont qu’un moment symbolique. Pour les intervenants présents, la lutte doit se poursuivre chaque jour, dans les écoles, les centres communautaires, les médias, les tribunaux et surtout, dans l’accompagnement des survivantes.

L’événement du 24 novembre n’était qu’une étape, mais il a offert une vitrine à celles et ceux qui, à Hamilton, œuvrent à faire de la violence fondée sur le genre une réalité du passé.

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