Une vie voyageuse comme la Grande Rivière

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Publié 08/11/2011 par Paul-François Sylvestre

Jean-Louis Grosmaire a publié le troisième tome d’une saga, une sorte de fresque qui rend hommage à la rivière des Outaouais ou Grande Rivière. Il y a toujours du soleil sur la Grande Rivière est la suite de L’homme qui regardait vers l’Ouest (2002) et Tu n’aurais pas dû partir (2007), deux romans qui ont déjà captivé des milliers de personnes tant en Europe qu’au Canada. Chaque tome peut être lu de façon autonome.


Le roman met en scène la famille Javelier (parents, enfants, petits-enfants) et l’action se déroule entre 1920 et 1945, donc de l’après-Première Guerre mondiale à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Les parents sont venus de France pour s’établir en Outaouais, à Hull. Paul Javelier est originaire de la Franche-Comté et son épouse Madeleine vient de la Provence.


Le roman illustre tantôt la ténacité et l’endurance comtoises de Paul, tantôt la joie provençale de Madeleine. L’optimisme du couple se résume en quelques mots: «savoir capter le coin de ciel bleu entre les nuages».


Le titre est tiré de ce court passage: «il y a toujours du soleil sur la Grande Rivière. Heureusement, car il faut beaucoup de lumière pour chasser les ténèbres.»


Les ténèbres ne sont pourtant pas trop présentes dans la vie des Javelier. Tout réussit à cette famille. La misère, les défaites, les échecs, bref, le négatif s’abat toujours sur les autres. Et quand Paul Javelier doit composer avec un voisin ivrogne ou un Noir sans métier, il réussit immanquablement à le sortir de la dèche en le recommandant à un ami qui est architecte franco-ontarien à Ottawa.


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Parlant d’Ottawa, la ville est décrite comme paisible: «ce n’est pas Toronto la dynamique, ni Montréal le grand port et encore moins New York la frémissante.»


L’auteur note l’hostilité entre Canadiens français et Canadiens anglais, précisant qu’elle laisse parfois des cicatrices, «parfois une aversion réciproque, une distance ou une méconnaissance tenace».


Le roman comte 82 chapitres répartis sur trois grandes parties. L’histoire est racontée selon un rythme passablement lent; les chapitres avancent un jour à la fois, quand ce n’est pas une heure à la fois.


L’auteur a mené une recherche qui lui permet de glisser ici et là quelques jalons historiques: actualité politique, bateaux sur le fleuve Saint-Laurent et la rivière des Outaouais, papeteries ou scieries.


L’incendie du 10 août 1921 à Aylmer est un bel exemple. On y décrit les ravages subis par l’hôtel Holt, les magasins Trottier et Ambers, la pharmacie Picard, la Banque provinciale, l’église presbytérienne et les résidences des alentours. L’hôtel British, lui, a été épargné et a offert son espace pour l’école, la cour de justice et les services religieux.


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Je sais que Jean-Louis Grosmaire vit sur les bords de la rivière des Outaouais et sa plume incantatrice ne me surprend pas.


Il note que dans les vieux pays, il y a des monuments partout. En Outaouais, les monuments sont la nature. «Le paysage nous grandit, nous conduit ailleurs.»


L’auteur a souvent recours au parler populaire qui est riche, imagé et direct. Pour Paul Javelier, comme la vie est courte, «il ne faut pas être économe de bonté».


Pour un fermier qui se plaint que les gens de la campagne sont jugés ignorants et incapables de bien s’exprimer, il est fait mention qu’«un paysan peut être un poète et un laboureur plus poli qu’un député».


Dans ce roman, le couple Javelier a un très grand respect des animaux: chien, cheval, chats, chèvres et même marmotte.


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Cela ne saurait surprendre quand on sait que Jean-Louis Grosmaire a écrit Les Petites Âmes: histoires d’animaux de France et du Canada. Il donne aux chèvres des noms colorés: Pâquerette, Intrépide, Gourmande, Jaseuse, Doucette ou Bella.


Les arbres, le ciel, la rivière rendent Grosmaire poétique. Il parle du «velouté des branches», du «craquelé de l’écorce», du «relief mouvant que les rayons [de soleil] soulignent comme au fusain».


Son envolée romanesque se résume en cette phrase: «La vie, rien que la vie, toute la vie, ils la happaient goulûment, tant ils la savaient fragile et fugace, précieuse et trop belle pour être prisonnière, toujours voyageuse, libre et immense, comme la Grande Rivière.»


Jean-Louis Grosmaire, Il y a toujours du soleil sur la Grande Rivière, roman, Ottawa, Éditions du Vermillon, 2011, 576 pages, 28 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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