Une vie racontée avec brio

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Publié 10/01/2012 par Paul-François Sylvestre

Dans le domaine de la nouvelle, Claire Dé est un phare québécois. Elle a commencé à publier en 1982 avec Anne Dandurand, sa sœur jumelle. Sept ans plus tard, elle remportait le Prix Stendhal de la nouvelle pour Le désir comme catastrophe naturelle. Claire Dé vient de faire paraître dix-huit courts textes sous le titre Hôtel Septième-ciel et autres histoires.

Avec un regard tendre, mordant parfois, souvent drolatique, l’auteure nous parle du Montréal d’hier et d’aujourd’hui, du suicide, de l’amitié, de sa condition d’écrivain.

Ces nouvelles ou brèves histoires sont marquées d’une plume élégante et pleine de fantaisie, d’une plume raffinée, mais ébouriffante.

Peu de personnages sont mis en scène et ils sont presque toujours des plus discrets.

Dans la nouvelle «Drôle d’oiseau», un charmant vieillard nous apprend que la richesse des campagnes se mesure au nombre de tas de fumier qu’on y trouve, car c’est là que les oiseaux picorent… et on sait bien que «les oiseaux sont symboles de liberté».

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Dans Chenapan de sort, une jeune fille remet en question sa vision de l’amour après avoir fréquenté un premier garçon vite en affaire. Elle se dit «que les chansons d’amour, les poèmes d’amour, les romans d’amour, ses parents, Roméo et Juliette, Héloïse et Abélard, tout cela n’est que supercherie, tromperie planétaire.»

Une nouvelle nous fait parfois sourire; c’est le cas de «Celle qui attend» où une robe de mariée est mise en vente. Elle n’a été portée que quatre fois… par la même madame Marguerite Ricard-Vignola-Cofski-Mongeau.

Dans Ma femme-d’écrivain, Claire Dé lance un clin d’œil à ses collègues de l’écriture. Le narrateur note qu’une femme a souvent œuvré dans l’ombre de son mari écrivain: Juliette Récamier au service de René de Châteaubriand, Anna Grigorievna à la dactylo pour Fedor Dostoïevski, Léonard Woolf pour sa Virginia, Alexandre Manceau qui fut le secrétaire-amant de George Sand.

Or, le narrateur est un écrivain homosexuel dont le chéri est Camille Boisdoré. Comme auteur, il est «comblé, comme humain, il est malheureux, tant il regrette «que Camille ne prenne pas la plume. Comme quoi rien n’est parfait.»

Claire Dé glisse parfois une page d’histoire canadienne dans son récit. Dans la nouvelle En quelques pas, rue Ontario, la narratrice nous renseigne sur Jeffrey Amherst qui a donné son nom à une rue de Montréal.

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On y apprend que ce premier gouverneur de la Nouvelle-France conquise avait auparavant été «le planificateur de l’attaque trop réussie de trois armées britanniques contre Montréal, lequel assaut funeste aboutit à la capitulation des Français et des Canayens.» La narratrice préfère donner à la rue Amherst le nom du valeureux chef amérindien Pontiac.

L’auteure glisse surtout des petites réflexions philosophiques dans les histoires qu’elle raconte avec brio.

Ses pensées ou maximes sont finement ciselées comme en font foi les quelques exemples suivants: «Tant la vie s’allonge, tant se peuple notre cimetière intérieur…

L’amour donne une explication à tout, ou en invente… L’Art repaît l’âme de son mystère… Cracher un peu de venin nous oxygène le sang, nous débourre les neurones et soigne nos brûlures… On reconnaît l’amitié aux ailes dont elle nous pourvoit.»

Claire Dé, Hôtel Septième-ciel et autres histoires, Montréal, Éditions Triptyque, 2011, 156 pages, 19 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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