Une identité formée par les voyages

Anastasia Fyk : Manitobaine, Ukrainienne, polyglotte, citoyenne du monde...

Francophonie
La Manitobaine Anastasia Fyk. (Photo: Manella Vila Nova, avec l’autorisation de La Liberté)
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Publié 20/03/2019 par Manella Vila Nova

Née au Canada dans une famille ukrainienne de cinquième génération, Anastasia Fyk a grandi à Garland, une petite ville rurale au nord de Dauphin, au Manitoba. Avec son père, elle parlait ukrainien. Avec sa mère, le français.

«Ma grand-mère maternelle était mennonite. Elle parlait allemand, mais son mari se moquait d’elle quand elle parlait la langue. Donc elle n’a pas appris sa langue à ses enfants. Ma mère a trouvé ça triste. Alors elle a décidé qu’elle apprendrait le français à l’université, et elle a voulu le transmettre à ses enfants.»

École en anglais

Bien qu’elle soit allée à l’école en anglais, Anastasia Fyk a conservé son français oral. «Là où j’habitais, il n’y avait pas la possibilité d’aller à l’école en français. Mais ma mère était enseignante de français. On s’est pas mal disputé quand j’étais jeune. Elle voulait que je ne parle que français avec elle. Moi, je ne voulais pas, parce que mes amis ne parlaient qu’anglais. Aujourd’hui, je suis très reconnaissante de son obstination.»

Après le secondaire, Anastasia Fyk a intégré l’Université du Manitoba pour y étudier le français et l’ukrainien. «Je voulais devenir traductrice. Pour ça, il me fallait une base de langue plus élaborée que celle que j’avais. Je ne connaissais pas les règles de grammaire. Je ne savais pas écrire ces langues.»

Caen, Nantes, Paris

C’est en effectuant un échange en Ukraine pendant ses années universitaires qu’Anastasia Fyk tombe amoureuse des voyages. «Une amie avait fait l’expérience et j’étais curieuse. Je suis partie en immersion en Ukraine, et ça a lancé mes voyages pendant les dix années qui ont suivi.»

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Son baccalauréat en arts en poche, Anastasia Fyk s’envole pour enseigner l’anglais en France comme assistante de langue. «Je travaillais dans trois écoles primaires à Caen. Quand je suis arrivée, je pensais que mon niveau de français était relativement bon. J’ai été choquée de voir à quel point je me trompais. Mon accent posait de gros problèmes de compréhension. Ce voyage m’a bien fait progresser.»

Avide de connaissances, Anastasia Fyk entreprend à son retour un baccalauréat en traduction à l’Université de Saint-Boniface. «L’avantage, c’est que c’était un diplôme à distance. J’en ai donc profité pour repartir en immersion à Nantes, puis à Paris. Pendant cette période, j’ai eu jusqu’à cinq emplois en même temps.»

Cours particuliers, serveuse, enseignante d’anglais ou de danse ukrainienne ou encore employée de l’ambassade canadienne, elle a saisi toutes les opportunités qui se présentaient pour pouvoir «vivre la vie parisienne pendant un an. Ça reste mon meilleur souvenir de la France: faire du vélo dans la ville, apprendre à connaître les lieux, avoir un chez-moi à Paris».

Bruxelles, puis l’Asie

À son retour à Winnipeg, l’exploratrice dans l’âme ne tient plus en place. «Un ami a suggéré Bruxelles, en Belgique, et j’y suis partie pour deux ans! Là-bas, j’ai intégré un programme d’échange à l’Institut libre Marie Haps. Ça me permettait de suivre des cours de français, d’anglais et de russe, qui me donnaient des crédits pour le baccalauréat que je faisais à distance avec l’Université de Saint-Boniface.»

Une fois diplômée en traduction, Anastasia Fyk décide de repartir en Ukraine pour améliorer sa maîtrise du russe. «Des problèmes de visa m’ont forcée à changer mes plans. Je suis donc retournée à Bruxelles, puis j’ai passé trois mois en Asie, où j’ai visité la Thaïlande, le Vietnam et la Malaisie.»

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L’Amérique du Sud

Dans l’impossibilité de résister à l’appel de la découverte, sa curiosité l’emmène moins d’un an plus tard en Amérique du Sud.

«Quelque chose m’attirait là-bas. Je voulais aussi apprendre l’espagnol, parce que comme traductrice, toute langue supplémentaire est utile. J’avais déjà appris une petite base en Espagne pendant une expérience de bénévolat. En sept mois, j’ai visité la Colombie, le Pérou, la Bolivie, l’Argentine et le Chili.»

Quand elle a célébré ses 30 ans en 2018 à Winnipeg, Anastasia Fyk avait déjà visité 33 pays.

«Pour moi, les voyages de la dernière décennie relevaient de l’exploration. À présent, je veux que mes voyages aient un but. Je m’intéresse au travail artisanal et je voudrais découvrir de nouvelles pratiques et améliorer celles que je connais.»

À ce stade de sa vie, cette grande voyageuse a du mal à définir sa place dans la francophonie. «Je me sens comme francophone. Mais je ne parle pas le français canadien. Alors je me considère comme un autre genre de francophone. Je dirais que je suis Canadienne anglophone, ukrainienne et francophone européenne.»

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L’identité, c’est un voyage qu’Anastasia Fyk compte bien continuer à poursuivre.


Les fleurs de l’Ukraine

Anastasia Fyk baigne dans les traditions ukrainiennes depuis qu’elle est toute petite. «Avec ma famille, on allait à l’église ukrainienne. Je faisais de la danse ukrainienne. J’ai toujours eu une curiosité pour l’artisanat, et ma marraine m’a appris toutes les traditions artisanales que je connais aujourd’hui.»

Anastasia Fyk se souvient encore des couronnes de fleurs. «À l’époque, on utilisait des fleurs en soie. Pendant mon séjour en Ukraine, j’ai appris à les faire avec des fleurs sauvages. Dans la culture ukrainienne, on en porte à l’occasion d’Ivana Kupala, la célébration du solstice d’été sur le calendrier grégorien, qui a lieu le 7 juillet depuis des milliers d’années.»

Cette couronne a une signification bien particulière. «Le 6 juillet, les filles partent fabriquer leurs couronnes dans les champs. Chaque fleur a une symbolique particulière. La journée du 7 juillet, on porte les couronnes. Le soir, on allume un feu au-dessus duquel un couple doit réussir à sauter trois fois en se tenant la main. S’ils y parviennent, ils resteront ensemble pour la vie. Pour finir, les filles lâchent leurs couronnes dans le fleuve. Si les garçons arrivent à retrouver celle de leur petite amie, c’est qu’ils sont âmes sœurs.»

L’été dernier, Anastasia Fyk a commencé à animer des ateliers de fabrication de couronnes artisanales de fleurs sauvages. «C’était le temps d’Ivana Kupala, et j’avais envie de partager ma passion. En voyageant en Amérique du Sud, j’avais découvert les plantes médicinales de l’Amazone. Là j’ai eu le déclic et j’ai commencé à m’intéresser à ce que j’avais autour de moi. J’ai appris beaucoup sur la flore manitobaine. Idéalement, j’aimerais pouvoir proposer des ateliers autour d’objets symboliques de chaque saison.»

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À l’automne dernier, l’artiste a installé son atelier dans le quartier de l’Exchange. «Je veux pouvoir travailler, pratiquer, découvrir ce qui me plait. Je voudrais organiser des ateliers interculturels, par exemple autour du batik, qui est une méthode de coloration de tissus à la cire utilisée notamment en Afrique et en Asie. J’aimerais en faire sur de la soie, voyager au Japon pour acheter de l’indigo…»

Anastasia Fyk a les traditions ancrées en elle. «C’est là où je me retrouve. C’est ce qui fait chanter mon cœur. Et quand je peux partager, je me sens plus proche de moi-même.»

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