Une fin de session parlementaire sans mesures robustes pour les francophones

Parlement, fin de session
La Chambre des Communes a pris congé pour les Fêtes. Photo: Renato Lorini, Flickr CC BY-ND2.0
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Publié 12/12/2025 par Inès Lombardo

Pour cette fin de session parlementaire à Ottawa, on a eu droit à: de nouveaux règlements qui vont à l’encontre des demandes des francophones; des interprètes inquiets; un deuxième Conservateur qui rejoint les rangs des Libéraux; des projets de loi sur la haine, le droit d’asile et les féminicides.

Langues officielles

Lors du Comité permanent des langues officielles, mardi 9 décembre, les partis d’opposition, la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada (FCFA) et Droits collectifs Québec ont jugé les nouveaux pouvoirs de sanctions administratives pécuniaires du commissaire aux langues officielles insuffisants.

Sommet de la Francophonie
Liane Roy, présidente de la FCFA. Photo: Chantallya Louis, Francopresse

Un des règlements de la nouvelle Loi sur les langues officielles, déposé à la fin novembre, permet au commissaire de donner des amendes allant de 5000 $ à 50 000 $ aux transporteurs sous juridiction fédérale et aux aéroports qui ne respectent pas la Loi.

Règlements tant attendus : Selon eux, les sanctions devraient s’étendre à d’autres entités fédérales et être bien plus élevées que 50 000 $ – «pourquoi pas un million de dollars», a lancé l’avocat de la FCFA. Ils dénoncent aussi les lourdeurs administratives à prévoir et une mesure pas assez dissuasive à leurs yeux.

L’une des sept recommandations de la FCFA vise à étendre les sanctions à toutes les entreprises fédérales du domaine du transport qui offrent une expérience au public voyageur.

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La FCFA espère aussi que les sanctions seront proportionnellement applicables au nombre de plaintes.

Le français «négligée» par le gouvernement

Pour son dernier passage devant le Comité permanent des langues officielles avant sa retraite le 29 janvier, le commissaire Raymond Théberge a rappelé que le français est une «langue négligée dans les communications gouvernementales».

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Le commissaire Raymond Théberge. Photo: courtoisie

Une langue que «les institutions fédérales relaient à une langue de traduction plutôt que de viser l’égalité réelle des deux langues officielles. Les 766 plaintes recevables déposées auprès du Commissariat aux langues officielles en témoignent», a-t-il souligné.

«La Loi est pourtant claire.»

Inquiétudes principales : Raymond Théberge a réitéré ses inquiétudes sur ses pouvoirs et sur la procédure administrative, trop lourde, précisés fin novembre sous forme de règlement à la Loi sur les langues officielles.

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Invité à s’exprimer sur l’usage du français dans les communications gouvernementales – notamment le 17% de français utilisé par Mark Carney depuis son élection selon Radio-Canada – il n’a pas commenté, expliquant en marge du comité que «critiquer un individu n’est pas forcément la marche à suivre».

Devant les députés, Raymond Théberge a reconnu que le premier ministre avait fait des «efforts» dans son utilisation du français. «C’est extrêmement important que tous les leaders et hauts dirigeants soient en mesure de communiquer dans les deux langues officielles de façon équitable et égale.»

Les interprètes pas contents

Les interprètes pigistes accréditées qui travaillent sur la Colline du Parlement ont dénoncé par voie de communiqué un «pied de nez à l’égalité des langues officielles».

Pour l’Association internationale des interprètes de conférence (AIIC Canada), les nouvelles règles d’approvisionnement mises en place par le fédéral «privilégient les prix les plus bas au détriment de la qualité et vont à l’encontre des conditions d’exercice de leur profession».

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Des interprètes du gouvernement. Photo: Services publics et Approvisionnement Canada

Baisse de qualité : Les interprètes fustigent les changements opérés «en douce» par le Bureau de la traduction (BT) à son processus d’accréditation, comme l’abaissement du niveau d’accréditations.

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L’association s’insurge aussi contre la décision du BT d’intégrer au jury un évaluateur externe, dont le vote pèserait autant que celui des quatre interprètes principaux accrédités. «Attendez-vous à un miracle, car l’idée est d’inonder la Colline de soi-disant interprètes accrédités», lâche la porte-parole de l’AIIC-Canada, Nicole Gagnon.

Le bilinguisme n’obtient pas toujours la note de passage

Le Rapport annuel sur les langues officielles 2023-2024 déposé par le Conseil du Trésor mardi 9 décembre fait état de plusieurs lacunes persistantes au sein de la fonction publique canadienne.

Difficile de travailler en français : Moins d’une institution fédérale sur deux (47%) dit mener «toujours» ou «presque toujours» des réunions dans les deux langues officielles, permettant aux fonctionnaires de parler dans la langue de leur choix.

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Le ministre Shafqat Ali, président du Conseil du Trésor. Photo: capture d’écran

Seulement 69% des hautes directions communiquent «presque toujours» dans les deux langues officielles et 79% d’entre celles qui doivent être bilingues peuvent réellement s’acquitter de leurs tâches dans les deux langues officielles.

Le Conseil du Trésor note tout de même que ces données sont en légère hausse.

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Mais la communication reste bonne : Du côté de la communication avec le public, les choses ont progressé davantage. La cible de 90% de conformité a été dépassée pour l’affichage bilingue, les sites Web et la publicité dans les deux langues officielles.

Un autre Conservateur rejoint les Libéraux

À l’instar de son collègue Chris d’Entremont, le député conservateur Michael Ma a annoncé jeudi soir qu’il traversait le parquet de la Chambre des communes pour rejoindre le caucus libéral. Il représente la circonscription torontoise de Markham–Unionville en Ontario et a été élu aux élections fédérales de 2025.

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Le député Michael Ma. Photo: capture d’écran

Les Libéraux sont désormais 171 à la Chambre des Communes: il ne manque plus qu’un député à Mark Carney pour que son gouvernement devienne majoritaire.

Dans une déclaration transmise sous la bannière libérale jeudi soir 11 décembre, Michael Ma affirme en être venu à la conclusion que «le premier ministre Mark Carney propose l’approche stable et pratique dont nous avons besoin».

Il affirme également avoir intégré le service public pour «aider les gens, en mettant l’accent sur les solutions – et non sur les divisions», sans nommer son ancien chef Pierre Poilievre.

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Les Conservateurs défaits sur l’oléoduc

Le débat s’est envenimé le 9 décembre autour d’une motion conservatrice visant à contraindre le gouvernement à clarifier sa position sur un projet d’oléoduc de l’Alberta vers la côte britanno-colombienne. Cette motion a été largement défaite, avec l’appui du Nouveau Parti démocratique et du Bloc québécois, avec 196 voix contre et 139 pour.

Mot pour mot : Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, a proposé une motion appuyant explicitement le pipeline et la modification de l’interdiction des pétroliers. Le PCC a ensuite amendé la motion pour y intégrer le captage du carbone et les consultations autochtones, afin de tenter de diviser les Libéraux.

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Steven Guilbeault. Photo: Marianne Dépelteau, Francopresse

Plusieurs ministres ont qualifié la manœuvre de «cynique», tandis que des élus autochtones ont dénoncé une instrumentalisation de leurs communautés. Des représentants de la nation haïda et de Coastal First Nations ont réaffirmé leur opposition à tout pipeline et à la levée de l’interdiction des pétroliers.

Le vote, non contraignant, n’oblige pas le gouvernement, qui s’est engagé à consulter les dirigeants autochtones sur tout projet.

Une lettre comme une flèche : Le même jour, l’ex-ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault, a publié une lettre dans La Presse et le Toronto Star, qui critique en détail l’entente qu’Ottawa a signée avec l’Alberta il y a quelques semaines.

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Discours «haineux»: entente sur l’exception religieuse

Le gouvernement Carney appuiera finalement l’amendement du Bloc québécois visant à retirer l’exemption religieuse du projet de loi C-9 sur le discours «haineux».

Cette décision, critiquée par des groupes religieux, est dénoncée par les Conservateurs, qui y voient une atteinte aux libertés. Le gouvernement affirme que la mesure ne criminalisera pas les pratiques religieuses.

Resserrement du droit d’asile au Canada

Le projet de loi C-12 sur l’immigration, a été adopté in extremis le 11 décembre, jour de la relâche du Parlement, par le gouvernement Carney avec l’appui des Conservateurs. Le texte modifiera les règles d’accès à l’asile au Canada. Selon les députées du NPD Leah Gazan et Jenny Kwan, la Loi violera les droits des immigrants et des réfugiés au Canada.

Le document propose que toute personne entrant de façon irrégulière depuis les États-Unis soit automatiquement jugée inadmissible à présenter une demande d’asile, éliminant ainsi la possibilité de déposer une telle demande après 14 jours au Canada.

Ces personnes pourraient tout de même soumettre une demande d’examen des risques avant renvoi, sauf si elles proviennent d’un pays visé par un moratoire. Dans ce dernier cas, elles n’auraient alors plus aucun recours pour faire reconnaître les risques qu’elles invoquent.

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«Dangereux» : Des députées néo-démocrates et plusieurs organismes avaient demandé le rejet de ce projet de loi, qu’ils jugent dangereux pour les droits des migrants, particulièrement pour les femmes et les personnes marginalisées.

Selon Leah Gazan, du NPD, la mesure «tournerait le dos aux promesses en matière d’égalité entre les sexes» et fragiliserait les demandeuses d’asile fuyant la violence.

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La plaque rappelant le féminicide perpétré à l’école Polytechnique de Montréal le 6 décembre 1989. Photo: archives l-express.ca

Ottawa criminalise les féminicides

En conférence de presse le 9 décembre, le ministre de la Justice, Sean Fraser, a annoncé un projet de loi pour durcir le Code criminel en classant certains féminicides comme des meurtres au premier degré, même sans préméditation, lorsqu’ils s’inscrivent dans des contextes de haine, de contrôle ou de violence sexuelle basée sur le genre.

Le projet de loi C-16 crée aussi une infraction visant les comportements coercitifs en contexte conjugal. Des organismes saluent ces mesures, mais craignent un manque de ressources pour les appliquer, notamment au sein de la police.

Le texte inclut aussi des dispositions contre les crimes sexuels en ligne, l’usage de deepfakes, oblige les réseaux sociaux à signaler le matériel pédopornographique et présente une infraction pour empêcher l’implication de mineurs dans des crimes.

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– Avec des informations de Julien Cayouette et de Camille Langlade.

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