Alain Mabanckou a écrit une quinzaine d’ouvrages et remporté divers prix littéraires, mais je ne le connaissais pas avant de lire son tout dernier roman intitulé Petit Piment. Un des personnages est une véritable conteuse qui «module sa voix comme pour convoquer mon émotion». Et c’est exactement ce que fait l’auteur en nous racontant l’histoire d’un orphelin congolais à l’esprit blessé mais lucide.
Narrateur, cet orphelin parle lingala et son nom est Tokuumisa Nzambe po Mose yamoyindo aboutami namboka ya Bakoko, ce qui signifie «Rendons grâce à Dieu, le Moïse noir est né sur la terre des ancêtres». Un tel nom, «le plus kilométrique de l’orphelinat», fait heureusement place au surnom Moïse et, plus tard, à celui de Petit Piment.
L’action du roman se passe d’abord dans un orphelinat placé sous l’autorité abusive et corrompue de Dieudonné Ngoulmoumako, qui considère les enfants «comme du bétail». Il incarne la fourberie et le mépris.
On a évidemment droit à des scènes de maltraitance, mais aussi à l’expression de très beaux sentiments. Ainsi, pour décrire son lien avec un autre orphelin, Moïse dit que «c’était l’amitié du paralytique et de l’aveugle. Il marchait pour moi, je voyais pour lui, et quelquefois c’était le contraire.»
Arrive la révolution socialiste et les cartes sont redistribuées. Moïse en profite pour s’évader de l’orphelinat afin de vivre sa liberté, mais cette dernière devient celle d’un «chien errant dans une ville qui semble tout broyer». Il devient Petit Piment en s’associant à des jumeaux escrocs qui se sont eux aussi enfuis.