Un polar qui pose une question d’actualité

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Publié 11/07/2006 par Paul-François Sylvestre

Les fans de Chrystine Brouillet seront heureux de retrouver la détective Maud Graham en quête d’indices pour résoudre plus d’un meurtre commis dans la ville de Québec. Le polar s’intitule Sans pardon et met en scène de coriaces détenus qui sont en liberté conditionnelle au moment où les sordides crimes sont commis.

Pour écrire ce livre, Chrystine Brouiller est d’abord partie du sentiment qu’elle éprouverait si quelqu’un qu’elle connaît se faisait tuer.

«Quand on perd quelqu’un, c’est toujours extrêmement triste, note la romancière. Mais c’est la vie, même si c’est injuste. Quand la mort est brutale, comme dans un accident d’auto, c’est choquant… Mais quand la personne que tu aimes est assassinée par un récidiviste qui aurait dû rester en prison, c’est encore pire parce que ce sont des événements qui auraient pu être évités.»

Cette dernière situation constitue le canevas de Sans pardon, un récit sombre hanté par les spectres du chagrin, de la vengeance et de la haine.

Le policier Thomas Lapointe a perdu sa sœur, assassinée par un détenu en liberté conditionnelle. Une sourde colère gronde en lui et se mue en une vengeance implacable qui le pousse à mettre à exécution un plan diabolique: l’exécution de tous ceux qui ont été impliqués de près ou de loin dans le meurtre de sa sœur.

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Cela inclut le directeur de prison, la présidente de la Commission des libérations conditionnelles, le ministre de la Justice, l’assassin et ses acolytes. Ils seront exécutés dans l’ordre croissant de leur responsabilité. Thomas Lapointe est sans pardon. La détective Maud Graham le comprendra-t-elle à temps?

Qui est Thomas Lapointe? Selon l’auteure, l’essence de cet homme se définit en un mot: «Il est trop.» Nous avons affaire à un policier «trop gentil, trop secret, trop entraîné, trop impliqué». Il enfourche son vélo et avale des kilomètres pour assouvir sa rage, pour diluer son angoisse.

Maud Graham, elle, court un «marathon contre le mal». Elle ignore le double jeu de son collègue des forces policières, mais elle sait que Lapointe est «trop secret». La romancière écrit que la détective «cherchait des indices dans le passé des meurtriers, mais redoutait constamment que leur futur ne soit encore plus horrible.» Elle aura de terribles surprises avec un membre de sa propre équipe…

Quand Maud Graham parcourt les rues de Québec, elle a l’impression de saisir toute la beauté et toutes les failles de sa ville, «d’en connaître l’intime essence, d’entendre son cœur battre, d’être celle qui était désignée pour la protéger.»

Cette impression demeure évidemment fugitive, car elle n’est «pas si douée pour empêcher qu’on vole, qu’on fraude, qu’on viole, qu’on tue dans sa ville».

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Loin de moi l’idée de vous dévoiler les tenants et les aboutissants de ce polar. Qu’il suffise de dire que les suspects incluent plusieurs détenus provisoirement libérés. L’un nargue la police, l’autre énerve Maude Graham; l’un exaspère les enquêteurs, l’autre les mène en bateau.

Et Thomas Lapointe intrigue de plus en plus la détective en chef. Si l’un des suspects n’est pas du genre causant, Maude Graham, elle, est du genre obstiné.

Ce que je peux allègrement dévoiler, c’est que la bouffe et le vin occupent une place de choix dans ce roman. Nous dégustons un homard à la vanille en savourant un chablis; nous humons les effluves d’un vin pour en percevoir une note de poivron vert; nous débouchons un Château de Rochemorin pour accompagner des feuilletés aux asperges et des crêpes au saumon fumé; nous choisissons, au besoin, un Château de Lancyre, un Petit Chaperon Rose ou un Cros de la Mûre. Un roman à nous en pourlécher les babines!

Sans pardon est avant tout un roman qui pose une question on ne peut plus d’actualité: pourquoi est-il plus grave, dans notre société, de nuire à l’État qu’à une personne? Car il faut bien reconnaître que, avec notre système de libération conditionnelle, les peines de fraude sont plus longues que les peines de viol.
Chrystine Brouillet, Sans pardon, roman, Éditions La Courte Échelle, Montréal, 2006, 367 pages, 29,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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