Un Pierre Léon tantôt léger tantôt émouvant

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Publié 15/01/2008 par Paul-François Sylvestre

Romancier et essayiste, Pierre Léon est aussi nouvelliste. Après nous avoir servi ses Rognons du chat (L’Interligne) en 1999, il nous invite au voyage avec L’effrontée de Cuba, recueil récemment paru aux Éditions du Gref.

Je parle d’une invitation au voyage parce que ces nouvelles nous conduisent tour à tour à Cuba, au Nigeria, en France, en Espagne, au Brésil, en Nouvelle-Calédonie, aux États-Unis et, bien entendu, dans quelques villes canadiennes (Halifax, Ottawa, Toronto). Mais attention, les textes vont bien au-delà d’une évasion touristique, ils regorgent de sens dramatique, de profondeur psychologique et de verve humoristique.

C’est la première nouvelle qui donne son titre au recueil. Elle est typique de la structure que Pierre Léon privilégie dans l’écriture de ses courts textes, à savoir le développement rapide d’une petite intrigue qui culmine dans un point de chute le plus souvent inattendu. Il nous offre 27 nouvelles regroupées sous quatre thématiques: jeux d’enfants, jeux d’adultes, jeux du hasard et de la mort, jeux tout simples. Deux de ses nouvelles avaient déjà paru dans L’Express.

Il arrive parfois que le punch final soit un peu prévisible, comme dans la nouvelle intitulée Le petit pêcheur de lottes.

Dans d’autres cas, le point de chute peut être terriblement cruel (viol et meurtre) ou carrément imaginatif (bombardement de roses avec une précision tout anglaise, à poil devant une galerie d’invités pour un véritable surprise-party). La nouvelle Jim et John est pleine d’actualité puisqu’elle tourne autour de la guerre en Irak; la tragédie évoquée par Pierre Léon devient presque une homélie sur l’amour.

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Grâce à ses descriptions finement ciselées, Pierre Léon a l’art de nous mettre l’eau à la bouche. C’est littéralement le cas dans le texte intitulé La petite culotte où nous avons droit à tout un buffet: asperges à la sauce blanche, saumon fumé au beurre blanc, filet de boeuf à la montmorency, trou normand, pintade rôtie, salade («pardon, boulevard aux escargots»), pont-l’évêque, livarot, sainte-mère, lisieux, bombe glacée norvégienne «et pis d’aut que j’oublie, tant y en avait».

Le tout est bien arrosé, depuis le blanc d’Alsace jusqu’aux bourgognes de trente-six années différentes. Café et liqueurs sont au choix et Pierre Léon a bien raison d’ajouter qu’il «faut être jeune pour danser après tout ça, je vous assure!»

De tout ce florilège de récits brefs, c’est Auteur à succès qui m’a le plus emballé. Sans doute parce que je suis auteur et que j’ai déjà rempli la fonction d’éditeur à Ottawa, lieu d’action de cette coquine nouvelle. J’ai appris que plusieurs prêtres défroqués courent dans les rues d’Ottawa; il y en a même un qui est éditeur… L’auteur à succès est un dénommé Gaétan resté célibataire, qui s’obstine «dans cette voie de solitude». Il veut tellement être publié qu’il offre quatre mille dollars à l’éditeur… quitte à être remboursé sur les droits d’auteurs. Éclat de rires! «Personne n’avait de droits d’auteurs aujourd’hui. Il fallait passer à la télé tous les jours pour ça, comme le journaliste présentateur, Patrick Beausel d’Armoise.»

Pierre Léon connaît bien le tabac, lui qui a participé à moult lancements et salons du livre. Dans ces rendez-vous littéraires, écrit-il, on trouve deux catégories de gens: «des jaloux fauchés et des jaloux radins. Les uns sont des écrivains, les autres des universitaires.» Il y a évidemment des exceptions. J’ai connu un prof torontois qui achetait des douzaines d’exemplaires de ses livres pour les distribuer gratuitement à ses étudiants.

L’effrontée de Cuba est un livre réussi parce que nous ne nous ennuyons jamais. C’est varié, c’est savoureux, c’est tantôt léger tantôt émouvant.

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Pierre Léon, L’effrontée de Cuba, nouvelles, Éditions du Gref, Toronto, 2007, 200 pages, 12 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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