Un Petit Prince de 60 ans

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 10/10/2006 par Gabriel Racle

En 1946, il y a 60 ans donc, la maison d’édition française Gallimard publiait un livre étonnant, qui allait connaître un succès mondial surprenant, Le Petit Prince, d’Antoine de Saint Exupéry. Chaque année, il se vend plus d’un million d’exemplaires de ce livre, traduit dans plus de 150 langues et dialectes.

En fait, l’histoire du Petit Prince commence aux États-Unis en 1943. Saint Exupéry s’y trouve depuis 1940. En septembre 1939, la guerre éclate. Saint Exupéry qui avait appris à piloter en faisant son service militaire en 1921, reprend du service dans l’armée de l’air.

Démobilisé à cause de son âge le 5 avril 1940, il s’installe à New York et écrit Lettre à un Otage et Pilote de guerre qui paraît sous le titre Flight to Arras, le 20 février 1942, et connaît un succès spectaculaire: la 1ère édition est épuisée le jour même.

Son éditeur américain, Curtice Hitchcok, découvre par hasard des croquis de Saint Exupéry qui dessine à la moindre occasion un petit bonhomme qui l’obsède. Séduit, Hitchcok lui commande aussitôt une histoire, un conte de Noël, qu’il illustrera de ses dessins naïfs. Il en résultera Le Petit Prince.

On connaît l’histoire. À la suite d’une panne de moteur dans le Sahara, un aviateur rencontre un petit bonhomme âgé de 6 ans, le Petit Prince, qui aborde l’aviateur en lui demandant de lui dessiner un mouton. Le Petit Prince lui raconte ses aventures. Indisposé par le comportement de sa fleur, une rose capricieuse, le Petit Prince décide de s’en éloigner et il voyage ainsi de planète en planète, dont il fait la connaissance des habitants. Le Petit Prince s’étonne du caractère de ses rencontres et en tire des leçons qu’il appliquera une fois rentré chez lui.

Publicité

Illustré par «les dessins ou les aquarelles de l’auteur», comme le mentionne l’éditeur, l’histoire peut sembler n’être qu’un conte pour enfant, ce qui lui a valu de n’être guère pris au sérieux par de nombreux critiques et même d’en être mal vu: «admiration abusive, fadeur dans la gentillesse, complaisance dans l’attendrissement» ont écrit certains.

Pourtant, la préface devrait alerter le lecteur. «Je demande pardon aux enfants d’avoir dédié ce livre à une grande personne… je veux bien dédier ce livre à l’enfant qu’a été autrefois cette grande personne…»

Autrement dit, si le livre est dédié à un adulte, ses destinataires sont des enfants ou «les grandes personnes» du livre, qui ont conservé un «esprit jeune». Une double lecture du livre peut donc se faire, la lecture d’un conte, avec un héros, auquel un enfant peut s’identifier, d’autant plus facilement que le texte est une illustration des dessins, comme dans une bande dessinée, et une lecture d’adulte qui incite davantage à la réflexion sur de véritables questions existentielles, l’amitié, l’amour, la mort et le sens de la vie. «Je n’aime pas qu’on lise mon livre à la légère», dit l’auteur.

De fait, à cause de sa mésentente avec sa rose qu’il adore, le Petit Prince entreprend une recherche et ce voyage ressemble à un voyage initiatique parsemé d’épreuves, à une quête mythique comme celle du Graal. «La Quête comporte assurément des aventures diverses, voyages et épreuves, mais le sens en est particulier. Car le héros n’est pas un simple voyageur, recherchant l’étrange et l’exotique. Le voyage conçu comme une quête a un but, qui va au-delà du dépaysement…: il s’agit pour lui de transcender l’humaine condition…», dit Simone Vierne dans Des romans du Graal. Ce que fait le Petit Prince dans sa transfiguration finale.

À l’époque de la rédaction du livre, Saint Exupéry connaissait une sévère dépression, une des périodes les plus noires de sa vie. On a même dit que son insistance à vouloir voler de nouveau dans les Forces françaises libres en Corse et sa mort au combat était une sorte de suicide déguisé. Il avait perdu l’élan vital et le goût de vivre «… quelque chose s’était cassé» (panne de moteur).

Publicité

Pour commémorer ce 60e anniversaire, les Éditions Gallimard ont publié une édition spéciale du Petit Prince, dans un joli coffret, avec un carnet de dessins. Comme les moins jeunes et les plus jeunes peuvent lire ce livre unique et étrange et en tirer profit, cette édition constituerait certainement un merveilleux cadeau de Noël.

«Si quelqu’un aime une fleur qui n’existe qu’à un exemplaire dans les millions d’étoiles, ça suffit pour qu’il soit heureux quand il les regarde… Mais si le mouton mange la fleur, c’est pour lui brusquement comme si toutes les étoiles s’éteignaient! Et ce n’est pas important ça!»

Également: Il était une fois… Le Petit Prince, Gallimard, 2006 (Recueil d’articles). Coffret audio, 2 CD, texte intégral lu par un artiste, Collection Écouter-Lire, Gallimard, 2006.

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur