Un peintre à la charnière du temps: Bruegel l’Ancien

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Publié 06/03/2012 par Gabriel Racle

On ne saurait dire que Bruegel l’Ancien fait partie de ces peintres que nous connaissons bien, comme ceux qui ont tenu la vedette en 2011 et que nous avons présentés dans différents articles. Notre mémoire n’en garde guère que quelques notions, classant plutôt cet artiste dans la galerie réservée aux spécialistes de l’art ou de l’histoire de l’art.

C’est fort dommage, car Bruegel l’Ancien tient une place importante précisément dans l’histoire de l’art, mais il n’était pas toujours facile de trouver un ouvrage de référence bien documenté sur ce peintre.

Cette lacune est maintenant comblée par un livre récent, paru en octobre dernier sous la plume de deux spécialistes de Bruegel, qui nous livrent un ouvrage complet très illustré sur cet artiste: Pierre Bruegel l’Ancien par Philippe et Françoise Robert-Jones, Éditions Flammarion, relié, 20 x 26 cm, 352 p.

Quelques repères

On connaît très mal la biographie de ce peintre flamand, qui est très lacunaire. Il serait né sans doute entre 1525 et 1530, on ne sait trop où. Et on n’en sait guère plus. «Les faits biographiques ne présentent guère de certitude… Seuls quelques jalons sûrs, moins d’une dizaine, et les dates indiquées sur les œuvres permettent d’évoquer le tracé d’une vie», de dire Ph. Robert-Jones dans son avant-propos.

On sait qu’il est décédé en 1569, probablement le 5 septembre. L’auteur donne la traduction de son épitaphe dont voici le début:

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«À Pierre Bruegel, peintre d’une activité sans faille et d’un art très élégant, que la Nature elle-même, mère de toutes choses, pourrait louer, que les artistes les plus qualifiés admirent et que ses émules imitent en vain.»

Cette inscription «offre des indications quant aux qualités reconnues à l’artiste, son soin, son zèle, son esprit, son don de création. Aucune allusion n’est faite cependant aux genres, sujets ou tendances dans lesquels on voudra l’emprisonner par la suite, de la paysannerie à l’engagement.»

Bruegel se situe entre le monde du Moyen-Âge et celui de la Renaissance. Il se trouve aussi à une époque d’échanges entre le Nord et le Sud en Europe, entre la peinture italienne et la peinture flamande, sans parler des évolutions politiques du moment. Il tient ainsi une place à part, à la charnière du temps.

L’œuvre

On connaît une quarantaine de tableaux de Bruegel l’Ancien, dont certains sont célèbres par leur évocation, comme La tour de Babel, une cinquantaine de dessins et des gravures.

L’ouvrage en reproduit plusieurs, avec même des détails en pleine page, pour mieux saisir le style de l’artiste. Les auteurs consacrent un chapitre clé, intitulé «L’image et la technique» pour expliquer l’expression artistique bruegelienne.

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Son œuvre est complexe. «La lecture peut se faire à différents niveaux, car il y a toujours interférences, une porte entrebâillée, une fenêtre à ouvrir, une ombre à sonder. Les perspectives s’accroissent, non seulement par la complexité du contenu, mais du désir évident chez l’artiste, d’appréhender un monde et d’en traduire la vie.»

Cette explication des auteurs nous donne une clé pour mieux saisir le sens des tableaux de Bruegel, tout autant que les erreurs des classifications dans lesquelles on a cru l’enfermer, faute de lire la profondeur de ses vues.

Car il a du monde une conception très personnelle qu’affirment son talent et son génie. À la découverte moderne de l’Homme et du monde, il est peut-être inclassable.

Les dualités

Les auteurs ont la bonne idée de consacrer un long chapitre (p. 77-294), largement illustré, à la diversité thématique de l’œuvre de Bruegel.

Ils proposent une exploration des dualités thématiques autour desquelles elle s’articule: l’enfer et le ciel, la nature et l’homme, la condition humaine et la société.

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Ainsi la nature, pour prendre ce sujet toujours d’actualité, ne relève pas chez lui des conventions traditionnelles ou d’artifices. Dans ce domaine aussi, Bruegel est un «extraordinaire novateur».

Dans son œuvre, dans sa relation avec le monde, «l’homme et la nature s’y trouvent confrontés ou associés dans une approche personnelle. La nature existe en soi, chez le peintre, comme sujet d’étude, comme objet de réflexion».

Bruegel et le livre.

Ces quelques allusions font entrevoir quelque peu la place importante que tient Bruegel dans le mouvement artistique de l’époque et l’histoire de l’art, qui s’esquisse dans ce livre.

Il «dessine une personnalité profondément humaniste, un être observateur de ses contemporains, mais aussi de la nature ou des événements du temps. Bruegel est un ouvrage multiple: riche par la vision, le sentiment et l’intelligence, il présente une moisson d’idées, une moisson d’images.»

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«Ce livre est probablement le meilleur publié à ce jour sur Bruegel l’ancien. Tout y est, du contexte historique, aux fragments de vie de l’auteur, en passant par les techniques qu’il a employées… Une somme impressionnante de connaissances qui permet d’entrer dans l’œuvre par des portes dérobées.» (Un critique anonyme)

Auteur

  • Gabriel Racle

    Trente années de collaboration avec L'Express. Spécialisé en communication, psychocommunication, suggestologie, suggestopédie, rythmes biologiques, littérature française et domaine artistique. Auteur de très nombreux articles et d'une vingtaine de livres dont le dernier, «Des héros et leurs épopées», date de décembre 2015.

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