Un opéra pour chanteurs et mélomanes?

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Publié 13/06/2006 par Claude Bergeron

Les cérémonies d’inauguration du Four Seasons Centre for the Performing Arts, la première salle canadienne spécifiquement conçue pour le ballet et l’opéra, ont débuté dimanche matin sous la présidence d’honneur du Lieutenant-Gouverneur James K. Bartleman.

Ces réjouissances se poursuivront avec diverses activités étalées sur les deux prochaines semaines. Un concert gala, auquel participeront certains des plus grands chanteurs canadiens, sera transmis sur un écran géant à la place Nathan Phillips le 14 juin, et les 24 et 25 seront journées de porte ouverte.

En quittant le Hummingbird Centre, où plusieurs chanteurs renommés refusaient de se produire à cause des piètres conditions de l’acoustique et de l’ampleur de cette salle contenant plus de 3000 spectateurs, la Canadian Opera Company élit domicile dans une salle de 2043 places, soit un auditorium équivalent à celui de plusieurs maisons célèbres tels que Covent Garden, le Palais Garnier et La Scala. C’est encore une salle de bonnes dimensions. Plusieurs opéras européens accueillent environ 1000 spectateurs et même moins.

La salle torontoise procure néanmoins cette sensation d’intimité que les promoteurs ont recherchée. Seulement 32 mètres séparent la scène du fond de la salle. Il existe des salles de bien plus faible capacité qui ne paraissent pas moins grandes. La couleur café au lait des murs et des garde-corps à chaque niveau de balcons renforce cette impression d’isolement et procure une ambiance à la fois chaleureuse et reposante qui dispose à l’appréciation musicale.

Bien qu’elles soient sobres, les lignes se réclament d’une certaine esthétique baroque qui n’est pas étrangère au monde de l’opéra. Les courbes et contre-courbes des murs, sans doute justifiées par des raisons d’acoustique, le profil sinueux des garde-corps ainsi que l’ondulation du plancher des balcons qui atteint son sommet dans l’axe de la salle, tous contribuent à modeler un intérieur aux contours adoucis.

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C’est bien différent de l’effet qui prévaut dans le foyer, appelé City Room jusqu’à ce qu’un généreux donateur accomplisse le geste requis pour lui octroyer un nom moins impersonnel.

Ici, la lumière est crue et les formes sont toutes rectilignes. Le traitement spatial est non moins important, mais plutôt que d’envelopper le spectateur il l’invite à la promenade architecturale dans de vastes escaliers en bois et en verre, puis une audacieuse passerelle qui traverse la pièce de part en part. Elle la divise aussi en deux moitiés, chacune d’une hauteur différente. La moitié près de la salle de spectacle s’élève jusqu’à la toiture et un écran uniforme en bois, qui remplit aussi la fonction de garde-corps à chaque niveau de galeries, crée un impressionnant élan vertical.

On se demande cependant s’il faut attribuer son traitement si peu imaginatif aux contraintes imposées par le budget ou par l’échéancier. Mais on se console en pensant qu’il sera techniquement facile un jour de remplacer cet assemblage de planches toutes également espacées, comme une clôture de jardin, par une forme mieux adaptée à un édifice public d’une aussi grande importance.

Dans le foyer les formes sont toutes délicates, voire linéaires. Cette architecture s’apparente à celle des années 50, l’époque où les architectes s’appliquaient à mettre en évidence la résistance des matériaux modernes en dessinant des formes graciles et légères, comme on en vit à l’exposition Festival of Britain en 1951.

L’extérieur du Four Seasons Centre for the Performing Arts aussi se réclame tout à fait de cette architecture. La technologie est plus perfectionnée, notamment pour l’assemblage des parois de verre d’une transparence inégalée, mais le caractère demeure le même que celui de nombreux théâtres et opéras construits en Allemagne après la Seconde Guerre.

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Comme aux théâtres de Gelsen-kirchen, Mannheim et à l’Opéra de Cologne, la volumétrie est simple, la façade principale entièrement en verre, l’accès se fait au niveau même du sol et les portes sont de faible hauteur. Bref, l’opposé de la monumentalité.

Certains déploreront cette absence de monumentalité, typique des opéras du XIXe siècle, ou de ce côté spectaculaire qu’affichent des opéras du XXe. Le site ne s’y prêtait pas. C’est un emplacement étroit qu’on ne pouvait pas ne pas utiliser en entier.

De plus, aurait-il convenu de chercher à rivaliser avec l’hôtel de ville juste à côté ou d’ajouter à la cacophonie de University Avenue?

Les promoteurs du projet de Toronto ont préféré miser sur le rapport entre la scène et les spectateurs ainsi que sur la qualité de l’acoustique. Plutôt qu’un spectacle urbain leur opéra est voulu pour répondre aux exigences des chanteurs et satisfaire ceux et celles qui aiment écouter de la belle musique dans d’excellentes conditions.

Le directeur artistique, Richard Bradshaw, déclarait qu’après des tests de l’acoustique qui ont duré une semaine, il «savait» que sa salle de spectacle était la meilleure au monde. Réjouissons-nous si les responsables de cette œuvre ont atteint leur objectif. C’est alors que le siège de la Canadian Opera Company deviendra un monument urbain majeur.

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