Un modus operandi bien huilé

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 05/05/2009 par Paul-François Sylvestre

Au dire de Chateaubriand, «il paraît qu’on n’apprend pas à mourir en tuant les autres.» Mais on peut passer de bons moments en présence des tueurs. C’est ce que vous apprendrez en lisant le tout dernier recueil de nouvelles de Claude Forand: R.I.P. Histoires mourantes.

R.I.P. – Requiescat in pace (qu’il repose en paix). Curieusement, ceux qui trouvent la paix, dans ces treize nouvelles de Claude Forand, sont ceux qui donnent la mort. Accidentelle ou provoquée, froide ou banalisée, nécessaire ou pas, la mort échappe ici à toute forme de compassion ou de morale.

Dans une nouvelle, de soi-disant bons samaritains semblent doués pour expliquer les cinq étapes du chagrin à un pauvre père qui vient d’enterrer son fils unique. Ces étapes – reniement, colère, négociation, dépression, résignation – se retournent, vous vous en doutez bien, contre les deux escrocs qui les préconisent…

Une nouvelle commence par «Je déteste Toronto…» et vous montre comment un photographe devient un brillant détective. Dans un autre récit, l’auteur prend pour acquis que vous faites partie de ceux qui croient qu’une maison est simplement fabriquée de brique, de bois et autres matériaux. Rien de plus. Ce n’est certainement pas un repaire de fantômes. Pas si sûr que ça!

Avec treize nouvelles insolites, cocasses ou drôles, qui font passer un bon moment, vous vous imaginez bien que la mort est pleine de surprises. Surtout quand l’auteur y ajoute une bonne dose d’ironie, de savants calculs d’humour noir et une maîtrise exquise du polar. Et ses textes ne manquent pas de belles métaphores ou expressions. Il écrit, par exemple, qu’une femme «ronflait comme un tuyau d’orgue» et que «la politesse, c’est pas pour les rhododendrons».

Publicité

Après avoir lu R.I.P., vous devinez que les meurtriers fascinent Claude Forand. Au point où il se demande comment une personne franchit «cette ligne ténue entre le bien et le mal, la légalité et l’illégalité, la vie et la mort».

Un meurtrier est-il le fruit d’une éducation familiale ou autre qui a mal tourné? Ou existe-t-il une «prédisposition génétique au mal» qui rende l’esprit irrationnel? La réponse se trouve entre les lignes de R.I.P. Histoires mourantes.

Féru de littérature policière, Forand jongle sans retenue avec les ingrédients du polar pour donner lieu à des inventions inusitées, bizarres et rocambolesques d’où la mort sort toujours gagnante. L’auteur «a son modus operandi, sa façon habituelle de procéder qui fonctionne à tout les coup».

Chaque nouvelle repose sur un rouage finement huilé, au quart de tour: bon timing, rebondissements inattendus, points de chute qui agissent comme l’ultime clou scellant le dénouement.

Claude Forand vit à Markham où il travaille comme traducteur agréé, après avoir fait du journalisme. Il écrit des nouvelles et des polars.

Publicité

Le Cri du chat (Tryptique, 1999) et Ainsi parle le Saigneur (David, 2006) relatent, dans un style vif et direct, les enquêtes du sergent Roméo Dubuc. Ainsi parle le Saigneur a été finaliste du Prix Trillium en 2007.

Claude Forand, R.I.P. Histoires mourantes, nouvelles, Ottawa, Éditions David, 2009, 168 pages, 18,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur