Un calembour, ça mange quoi en hiver?

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Publié 05/01/2020 par Michèle Villegas-Kerlinger

Le mois qui suit les fêtes de Noël et du Nouvel An peut être un peu tristounet: le retour à l’école ou au travail, les factures qui arrivent, le mauvais temps qui fait des siennes…

Alors, quoi de mieux que de s’amuser à faire des calembours? Qu’est-ce un calembour? Selon l’Office québécois de la langue française, il s’agit d’un jeu de mots dont la forme du mot peut évoquer deux sens.

Le but est de produire un effet comique qui résulterait de la double interprétation du mot.

L’homonymie

Il y a plusieurs sortes de calembours. L’homonymie se présente sous trois formes différentes:

Les homophones sont des mots qui se prononcent de la même façon, mais dont la graphie et le sens sont différents. Exemple: mer, maire, mère.

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Les homographes sont des mots qui ont la même graphie, mais ne partagent pas le même sens ni la même prononciation. Exemple: un couvent, ils couvent.

Les homographes-homophones sont des mots qui se prononcent et s’écrivent de la même façon, mais qui ne partagent pas le même sens. Exemple: la pêche (poisson), la pêche (fruit).

Exemples de calembours:

Tous les matins, je me lève de bonheur. – Jacques Prévert (de bonne heure)

Entre deux mots, il faut choisir le moindre. – Paul Valéry (maux)

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Nous sommes très près d’avoir des problèmes, à seulement deux maîtres d’être suspendus de l’école. (mètres)

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La paronymie

La paronymie rapproche deux mots qui se ressemblent, mais qui n’ont pas la même signification. Exemple: poisson, poison

Exemples de calembours:

Bière qui coule n’amasse pas mousse. – Victor Hugo (pierre qui roule)

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Le progrès : trop robot pour être vrai. – Jacques Prévert (beau)

Il y a loin de la soupe aux lièvres. (coupe et lèvres)

La polysémie

La polysémie se produit lorsqu’un mot a plusieurs significations et la néosémie, lorsqu’on donne un nouveau sens à un mot qui existe déjà. Exemples: lâche (pas assez serré; peureux); les dinosaures (très grand reptile fossile; personne, chose importante, mais archaïque).

Exemples de calembours:

Le garçon de café: – C’est pour qui la bière? Le client: – C’est pour la mort!

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Il aime jouer aux dames, il a des robes plus jolies que les miennes!

Pour donner à sa maison un air d’été, il a accroché une jardinière sous sa fenêtre… la pauvre a hurlé toute la journée qu’on vienne la secourir!

Mots déformés ou inventés

La création pure et simple de calembours se fait grâce à des mots déformés ou inventés de toutes pièces soit en ajoutant, soit en remplaçant ou encore en supprimant une partie du mot. Ce procédé se rapproche de celui des mots-valises.

Exemples de calembours:

Être le coq louche de la bande (coqueluche)

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L’alpha et l’homme-méga (oméga)

C’est vraiment la francacophonie. – Marc Favreau

L’origine du mot «calembour»

Ironiquement, l’origine du mot «calembour» est incertaine. Le petit Robert retrace les débuts du mot à «calem» de «calembredaine» (un terme vieilli pour «propos extravagant et vain; plaisanterie cocasse») et de «bourde» (faute lourde, grossière).

La revue Historia fait allusion à un certain comte de Kahlenberg, ambassadeur d’Allemagne à Paris, dont l’accent rendait les propos incompréhensibles.

D’autres sources font un rapprochement entre le premier élément «calem» et «kallen», verbe néerlandais qui signifie «parler».

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Encore d’autres y voient un mot composé d’origine italienne, «calumaju burlure», ou «badiner avec la plume». Quelle que soit l’origine du mot, il faut admettre que les calembours sont le cauchemar des traducteurs!

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Un peu d’histoire

Le mot «calembour» est mentionné pour la première fois à l’écrit en 1768 dans une lettre que Denis Diderot a adressée à Sophie Volland. Il réapparaît en 1770 dans les Almanachs français et encore en 1777 dans le Supplément à l’Encyclopédie. Le mot refait surface en 1798 dans la 5e édition du Dictionnaire de l’Académie française.

Si le calembour est universel, on pourrait dire qu’il a trouvé un terreau particulièrement fertile en France. Déjà, au 15e siècle, Rabelais, maître du calembour, a écrit dans son livre V de la Vie de Pantagruel: «Le grand Dieu fait les planètes; nous faisons les plats nets

Sous le règne de François ler, le calembour a continué à gagner en popularité. On raconte que son successeur, Henri IV, visitait un jour son arsenal lorsqu’un seigneur lui a demandé si l’on pouvait trouver au monde d’aussi bons canons que ceux qu’ils voyaient là.

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Question à laquelle le roi a répondu: «Ventre Saint-Gris! Je n’ai jamais trouvé de meilleurs canons, que ceux de la messe.»

Le marquis de Bièvre

On dit que le marquis de Bièvre, calembouriste extraordinaire du 18e siècle, avait mille calembours à son actif. Suivent deux anecdotes le concernant :

1 – Comme Inès, la cuisinère de M. de Bièvre, brisait tous les jours une pièce de vaisselle, le marquis l’appelait lnès de Castro (casse trop).

2 – Voici un petit échange plaisant rapporté entre le marquis et le roi Louis XVI:

– À quelle secte, monsieur le marquis, appartiennent les puces ?

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– À la secte d’Epicure (des piqûres). De quelle secte sont les poux ?

– Parbleu, voilà qui n’est pas malin; de la secte d’Epictète (des pique-têtes).

Révolution et Napoléon

Un bon calembour pourrait-il vous sauver la vie? C’est ce qui se serait passé dans l’anecdote suivante.

Pendant la Révolution française, un dénommé Martinville comparaissait devant Fouquier-Tinville. L’accusateur public du Tribunal révolutionnaire s’obstinait à appeler l’accusé de Martinville. «Pardon», a interrompu celui-ci, «je suis ici non pour être allongé, mais pour être raccourci!» «Qu’on l’élargisse!», a dit alors Fouquier-Tinville. Et l’accusé d’avoir la vie sauve!

Même Bonaparte, lors du siège interminable de Milan, aurait fait un calembour, un soir, devant son état-major en lui exposant ses plans pour la reddition de la ville.

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L’état-major restant sceptique, un des vieux officiers aurait dit: — Vous êtes jeune, général, et…

— Oui, je suis jeune, a répondu Bonaparte, mais demain, j’aurai Milan (mille ans).

Âge d’or au 20e siècle

C’est au début du 20e siècle que le calembour a connu son l’âge d’or. Il est partout: dans les conversations, les journaux, les revues à caricatures, les pièces de théâtre, au café-concert, dans l’almanach…

Même à la fin du siècle et au début du 21e, les calembours ont encore la cote. Le Canard Enchaîné et des bandes dessinées comme Astérix, en sont particulièrement friands:

Exemples du Canard Enchaîné:

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Quel an foiré (enfoiré)

Grenades de désencerclement, LBD, cocktails Molotov, pavés, boules de pétanque – Ça dépasse sérieusement les borgnes! (bornes)

Dilemme pour Macron : baisser les impôts et, «en même temps», améliorer les services publics – C’est la quadrature du rond-point! (cercle)

Exemples d’Astérix:

Soutienmordicus, Garedefrejus, Assurancetourix (noms de personnages de la bédé)

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Jeu d’esprit ou mauvais jeu de mots?

Si on demandait l’avis de Balzac, Monge, Piron, Pierre Dac, Raymond Devos, Pierre Desproges, Coluche, Laurent Ruquier, Sol, François Pérusse, Boby Lapointe, Noir Désir, Sttella, Gérald Genty ou Vincent Roca, pour ne nommer que ceux-là, ils vous diraient, à l’instar d’Isaac Asimov, que «le calembour est la forme la plus noble de l’esprit».

Mais lorsqu’il s’agit de calembours, les avis sont partagés. Voltaire et Victor Hugo n’y voyaient que des mauvais jeux de mots. Le premier considérait les calembours comme «l’éteignoir de l’esprit» et le dernier a fait dire à un de ces personnages: «Le calembour est la fiente de l’esprit qui vole.»

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Calembouristes, à vos plumes!

Quoi qu’il en soit, le calembour est une façon ludique de travailler la langue et, qui sait, d’oublier un peu la grisaille du mois de janvier?

Pour ceux qui s’intéressent à cet exercice de l’esprit, voici deux sites qui pourraient vous amuser ou vous servir d’inspiration:

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http://www.finallyover.com/article-5419661.html

http://villemin.gerard.free.fr/Humour/aaaCalem/CalembA.htm

Auteur

  • Michèle Villegas-Kerlinger

    Chroniqueuse sur la langue française et l'éducation à l-express.ca, Michèle Villegas-Kerlinger est professeure et traductrice. D'origine franco-américaine, elle est titulaire d'un BA en français avec une spécialisation en anthropologie et linguistique. Elle s'intéresse depuis longtemps à la Nouvelle-France et tient à préserver et à promouvoir la Francophonie en Amérique du Nord.

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