Un balado francophone au cœur de l’Amérique

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Le balado «Récits francophones au Cœur de l’Amérique», de Patrick Litanga et James Natsis, est à retrouver toutes les deux semaines sur les plateformes d’écoute dédiées. Photo: Hieine Bros
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Publié 20/02/2024 par Camille Langlade

Le français chevillé au corps, deux passionnés partagent les récits de francophones de partout dans le monde dans un balado diffusé depuis Louisville dans l’état du Kentucky, aux États-Unis.

C’est en 2015 que les chemins de James Natsis (ou Jim, pour les intimes) et de Patrick Litanga se croisent, au sein du cercle francophone de Louisville. Le premier, Américain d’origine grecque, est un fervent francophile. Le second, originaire de la République démocratique du Congo, vit aux États-Unis depuis 2003.

Pas de forum francophone

Quelques années plus tard, pendant la pandémie de covid, James Natsis propose à son acolyte de créer un balado dans la langue de Molière. Selon lui, ce créneau reste à prendre.

«Il n’y a pas vraiment de balados francophones aux États-Unis», remarque James Natsis. «Il y en a en anglais ou avec un petit peu de français, mais les gens n’osent pas vraiment faire ça complètement en français.»

L’idée ne tombe pas dans l’oreille d’un sourd. «Il n’y avait pas un genre de forum où les francophones et les francophiles de tous niveaux, de toutes aspirations, pouvaient participer directement. C’est pourquoi, lorsque Jim m’a parlé de ça, avant même qu’il ne termine, je me suis dit “oui, je veux le faire!”», se souvient Patrick Litanga.

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Le premier épisode des Récits francophones au Cœur de l’Amérique sort ainsi en août 2021. Aujourd’hui, le compteur du balado affiche 69 épisodes.

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En page d’accueil du balado Récits francophones au Cœur de l’Amérique, de James Natsis et Patrick Litanga.

«On est invisibles ici»

Toutes les deux semaines, le duo va à la rencontre de francophones vivant aux États-Unis, au Canada, mais aussi en Amérique du Sud.

«En créant ce forum, on donne l’opportunité à des francophones, à des étudiants, à des gens qui parlent très bien le français, à des gens qui apprennent le français, engagés avec la langue française» de prendre le micro, détaille Patrick Litanga.

Le balado est aussi une occasion de mettre en lumière ces personnes. «On est invisibles ici. Il ne faut pas oublier que pour la plupart des gens, le français est la deuxième, troisième langue. Et ce n’est pas évident, quand on rencontre quelqu’un, de savoir s’il parle français si on n’a pas un contexte», souligne James Natsis.

Le duo d’animateurs classerait les invités du balado dans trois catégories: ceux qui ont une longue histoire avec la francophonie américaine, ceux qui apprennent ou ont appris le français, et les nouveaux arrivants.

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Effet domino

«Le Canada m’a beaucoup influencé», confie James Natsis.

Ce professeur de langues admire la capacité des Franco-Canadiens à trouver des équivalents français de mots en anglais dans l’espace public, comme «courriel», «stationnement», «balado», «magasiner», etc.

Le francophile s’est également inspiré des Louisianais, «fiers» de parler français, peu importe leur accent.

«L’influence des Canadiens est une inspiration pour nous. Puis quand les dominos tombent, c’est la Louisiane, après, qui nous a donné, encouragés», illustre James Natsis.

«Nous avons associé à [l’influence du Québec et du Canada] le pragmatisme américain: c’est-à-dire qu’on vit avec. On commence là où on est, avec ce qu’on peut, et on va voir là où ça va nous amener», ajoute Patrick Litanga.

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James Natsis est professeur de langues à l’Université d’État de Virginie-Occidentale. Patrick Litanga est professeur de sciences politiques à l’Université du Kentucky de l’Est. Photo: James Natsis

Balado en français, s’il vous plaît

Tout le monde est invité à s’exprimer, y compris les débutants. «Notre seule règle, c’est que ça doit être en français», insiste James Natsis.

Parler couramment français ou avec beaucoup d’hésitations, peu importe. «Au Canada, vous êtes jugé parfois quand ce n’est pas parfait, donc je n’ose pas postuler pour un travail par exemple. Mais ici, aux États-Unis, on n’a rien à perdre.»

«J’aime pas quand on mélange. On essaie de trouver les mots en français, même si ce ne sont pas des bons mots […] On ne peut pas ouvrir la porte vers le bilinguisme», lance-t-il, sous peine d’être engloutis par Shakespeare. Le duo reste fier d’avoir réussi ce pari linguistique.

Des accents et des patois

«Notre intention, c’est d’explorer ces différentes francophonies dans leurs originalités, tout en oubliant un peu les côtés de la sécurité linguistique. […] On se rencontre avec des francophones américains qui ont des accents, des patois différents, et c’est un peu ça la beauté de notre structure», note Patrick Litanga.

«En tant que francophone de l’Afrique vivant aux États-Unis, je n’étais pas informé de la manière dont il y a les différentes francophonies ici, aux États-Unis […] J’avais peut-être une idée que la Louisiane avait été achetée par les Américains ou les Français, des histoires pareilles, mais j’étais complètement ignorant qu’il y avait des francophones d’origine américaine qui essayaient de garder leur histoire, de maintenir leur langue», raconte-t-il.

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Pas question pour autant d’en faire une arène politique, ou du moins politicienne. «C’est raconter simplement des histoires de chacun, sans rentrer dans les débats», explique James Natsis. Même si certains sujets comme la présence du français en Louisiane sont abordés.

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Le symbole de Louisville est une fleur de lis. Photo: James Natsis

Un écosystème rayonnant

Le binôme a pourtant bel et bien conscience d’appartenir à un «écosystème», dont le point névralgique est le Québec et le Canada. «Et puis, ça rayonne.»

«Nous sommes dans ce que j’appelle “la périphérie de la francophonie nord-américaine”», témoigne Patrick Litanga. «Mais il y a un tas d’autres gens qui parlent français qui sont isolés. Par exemple, ici au Kentucky, il y a un bon nombre d’immigrants, des Français, des Africains; il y a même des Sud-Américains qui vous parlent français. Notre tâche, c’est de créer cette possibilité qu’eux sachent que cette francophonie existe encore.»

«Avant, on boudait les gens qui sont dans les coins perdus. Mais c’est l’Internet qui nous relie», complète James Natsis.

Une «folie»?

Les deux comparses définissent eux-mêmes leur entreprise comme une «folie».

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«C’est un peu comme si vous êtes en train de marcher quelque part et vous voyez quelque chose qui n’a pas de sens, dit James Natsis en riant. Il y a ces deux gars qui font un balado en français aux États-Unis, au milieu de nulle part. C’est fou, c’est dingue!»

Pourtant, ces hurluberlus ont toute leur tête. «Nous nous engageons dans cette histoire parce que nous pensons que c’est important», rapporte Patrick Litanga, comparant leur démarche à un «sacerdoce».

Le duo songe désormais à créer un site Web ou une plateforme nord-américaine, dont leur balado ferait partie. «Et s’il y a des gens qui s’intéressent à explorer ces possibilités, qu’ils se mettent en contact avec nous!»

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