Tout comprendre sur les 91 candidats dans la circonscription de Poilievre

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Le Comité du bulletin de vote le plus long souhaite mettre en lumière la nécessité de revoir les règles électorales et que ce processus de révision ne soit plus lié à la volonté du parti au pouvoir. Photo: Stéphane Lessard, archives Le Nouvelliste
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Publié 09/04/2025 par Clémence Labasse

La circonscription de Carleton, à Ottawa, où se présente le chef du Parti conservateur Pierre Poilievre, a vu débarquer une vague ininterrompue de dizaines de candidats ces derniers jours. Ce coup d’éclat n’est pas pour nuire au processus électoral, disent-ils, mais plutôt exposer ses failles.

Pour les électeurs de la circonscription de Carleton, ce ne sera pas le choix qui manquera le 28 avril: 91 candidats y ont été homologués.

C’est le même nombre – record – que lors de la partielle de septembre 2024 dans LaSalle–Émard–Verdun à Montréal.

Des candidatures légitimes

Le Droit a vérifié l’identité d’une grande partie de ces nouveaux candidats. Ils sont jeunes et moins jeunes, musiciens, enseignants, étudiants, artistes ou ingénieurs, médecins ou travailleurs au salaire minimum.

Tous ont le même agent officiel de campagne — Tomas Szuchewycz, du Comité du bulletin de vote le plus long, le collectif derrière cette initiative.

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Élections Canada confirme que rien n’interdit cette manoeuvre dans la Loi électorale. «Pour apporter un changement, il faudrait que le Parlement modifie la Loi,» affirme Matthew McKenna, porte-parole d’Élections Canada.

Parmi les candidats indépendants confirmés mercredi, on comptait 49 «indépendants» ayant déjà participé à une élection fédérale partielle depuis 2022, dont une dizaine à toutes les élections où le Comité a organisé un coup d’éclat du genre. Le reste des 33 candidats indépendants se présentent pour la première fois.

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La carte des limites de Carleton, une circonscription qui regroupe des grandes zones rurales de la ville Ottawa. Ses frontières ont été redessinées en 2022. Source: Élections Canada

Peu de résidents d’Ottawa

Plusieurs sont du Québec, comme Alain Lamontagne de Laval, Line Bélanger de Saguenay, ou Gerrit Dogger de Québec. D’autres sont Ontariens, comme Charlie Currie de Milton, Patrick Strzalhowski de Cambridge ou Winston Neutel de Toronto. Très peu sont résidents d’Ottawa.

En vertu de la loi électorale, les candidats n’ont pas l’obligation de vivre dans la circonscription où ils se présentent.

Et cela fait partie des aspects de la loi que le comité veut mettre en lumière. «Au vu des réactions virulentes à notre initiative, je pense que la plupart des électeurs préféreraient que leur représentant vive dans leur circonscription», constate Tomas Szuchewycz. «Ces règles ne bénéficient qu’aux partis politiques qui veulent avoir des candidats partout.»

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Mêmes signatures pour tous

Pour pouvoir être éligibles, les candidats doivent obtenir une centaine de signatures d’électeurs de la circonscription où ils se présentent.

Mais aucun des candidats n’ont pris l’avion pour frapper aux portes de Carleton et obtenir ces signatures. Ils s’en sont remis aux bénévoles mobilisés par le Comité. Les habitants de Carleton rencontrés qui ont été conquis par le projet auront pour la plupart apposé leurs signatures pour tous les candidats indépendants. Ce qui est autorisé par la Loi.

Line «Wallace» Bélanger
Line «Wallace» Bélanger a été candidate indépendante dans de nombreuses élections partielles où l’initiative du bulletin de vote le plus long avait lieu. Elle s’est également présentée à Chicoutimi-Le Fjord pour le Parti Rhinocéros en 2019. Photo: Facebook

En novembre dernier, le directeur général des élections (DGE), Stéphane Perrault, a proposé un amendement au ministre responsable du projet de loi C-65, modifiant la Loi électorale du Canada, pour que les électeurs ne puissent plus signer l’acte de candidature de plus d’un candidat par élection. Mais le projet de loi est mort au feuilleton.

Élections Canada confirme que tous les dossiers déposés par les candidats homologués étaient complets et répondaient aux conditions exigées par la Loi électorale, qui n’a pas été amendée depuis 2007.

Pour une réforme électorale indépendante

S’ils n’ont pas tous les mêmes convictions ou affiliations politiques, ce qui rassemble les membres du Comité est une cause commune: la réforme de la loi électorale.

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Le comité veut en particulier que les règles électorales soient gérées par un organisme indépendant des élus, comme c’est déjà le cas pour l’établissement des frontières des circonscriptions fédérales.

Langues officielles
Arielle Kayabaga, de London, est la nouvelle ministre des Institutions démocratiques dans le Cabinet de Mark Carney.

«Notre but est de pointer du doigt le conflit d’intérêts énorme qui réside dans le fait que les élus sont les personnes en charge de leurs propres règles électorales. Dans ce contexte, ils n’ont aucun intérêt à changer les règles si ça peut défavoriser leur parti», explique Tomas Szuchewycz.

En 2015, le premier ministre sortant Justin Trudeau avait fait de la réforme électorale un des grands enjeux de sa campagne, mais la promesse n’a jamais été réalisée.

Le Comité veut remettre le sujet à l’avant-plan.

«Derrière notre initiative, ce qui est demandé vraiment c’est que la loi électorale soit gérée par une assemblée citoyenne non partisane», explique la candidate Jenny Carthriwght, co-dirigeante du Parti Nul au Québec, et réalisatrice d’un film sur le système électoral intitulé Les perdants.

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«Les petits chefs ne devraient pas décider des règles électorales, et c’est pour ça que je me suis impliquée avec ce mouvement, pour mettre ça en lumière.»

Le film Les perdants sera disponible, à partir du 24 avril, sur la plateforme ONF.ca de l’Office national du film du Canada.

Théories du complot

Depuis le début de la semaine, de nombreuses théories du complot ont vu le jour quant au «but réel» de l’initiative. Certains internautes accusent le Parti conservateur du Canada d’avoir organisé cela pour noyer le candidat libéral, au nom moins connu.

M. Szuchewycz, ingénieur en informatique de Waterloo, est également l’objet de nombreuses théories du complot. «Je ne suis pas un employé de la campagne de Poilievre, ou un agent de la Russie, ni rien de ce qui a été dit sur moi, je suis un citoyen canadien comme tout le monde», répond-t-il à ces accusations.

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«Nous envisagions tout autant de nous présenter dans la circonscription [voisine] du chef libéral, mais tout est allé très vite entre l’élection du chef de parti, le déclenchement des élections et l’annonce de la circonscription de Mark Carney», explique M. Szuchewycz.

«Nous n’avons pas réussi à récolter un nombre suffisant de signatures à Nepean, et donc jeudi dernier, nous avons décidé de nous concentrer sur Carleton.» C’était une décision logistique plus que politique, ajoute-t-il.

À LaSalle-Émard-Verdun, l’an dernier, l’exercice avait fait couler beaucoup d’encre. Le bulletin faisait plus de un mètre de long.

«On s’était beaucoup moqué de nous à l’époque», raconte le candidat Charles Lemieux de Montréal. «Je pense c’est parce qu’on touche à quelque chose, parce qu’il y a beaucoup de gens qui ne croient plus en notre système électoral.»

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Le bulletin de vote lors de l’élection fédérale partielle à LaSalle–Émard–Verdun en septembre 2024 à Montréal, qui comprenait 91 candidats. Photo: Jean Gagnon, Wikimedia

Poids administratif

L’importante taille du bulletin a parfois considérablement retardé le dépouillement. À Toronto–St. Paul en juin dernier (84 candidats), il a fallu attendre près de huit heures pour que le résultat de la partielle soit finalisé.

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À Montréal, les électeurs ont connu les résultats définitifs cinq heures après la fermeture des urnes.

Pour John Francis O’Flynn, professeur d’études sociales au secondaire en Colombie-Britannique et candidat indépendant dans Carleton, ce n’est ni l’objectif du projet ni une source de satisfaction.

«J’ai déjà travaillé en tant qu’agent électoral et je sais le travail important, long et difficile que ça représente. Je suis convaincu que dans ce cas particulier, Élections Canada veillera à avoir le personnel nécessaire pour bien s’occuper de ça et qu’ils seront bien préparés», commente-t-il.

«Je pense que le temps nécessaire dépend davantage du taux de participation des électeurs que de la taille du bulletin», ajoute M. Szuchewycz.

Élections Canada assure que des mesures seront mises en place pour répondre aux problèmes d’accessibilité et aux retards potentiels.

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«Il se peut que nous commencions à compter les votes par anticipation à Carleton plus tôt le jour de l’élection, et que nous ajoutions des équipes supplémentaires pour accélérer le dépouillement», affirme Matthew McKenna, porte-parole de l’agence électorale fédérale

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Le chef conservateur Pierre Poilievre représente la circonscription de Carleton au Parlement depuis 2004. Photo: Pierre Poilievre sur X

Huit partis

Au-delà des indépendants, huit candidats de partis politiques reconnus par l’agence électorale se présentent dans Carleton. Pierre Poilievre pour les Conservateurs et Bruce Fanjoy pour les Libéraux. Le Nouveau Parti démocratique est représenté par Beth Prokaska, et le Parti vert par Mark Watson.

Quatre autres candidats sont affiliés à des petits partis: Karen Bourdeau pour le United Party of Canada, Shawn MacEachern pour le Parti Avenir canadien, Danny Légaré pour le Parti Marijuana, et Sébastien CoRhino pour le Parti Rhinocéros.

Le Parti populaire du Canada, de Maxime Bernier, n’a pas trouvé de candidats dans Carleton.

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