Toronto & Montréal: les solitudes helléniques

À la recherche des Grecs authentiques

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Publié 09/12/2008 par Benoit Legault

Greektown on the Danforth est le plus grand quartier hellénique en Amérique du Nord. Quelque 150 commerces grecs y défilent sur 2 km; la moitié de ces commerces sont des restaurants qui procurent un aspect et des saveurs qui font saliver les Torontois. Pour sa part, le quartier grec de Montréal est aujourd’hui tout petit, grugé par les populations portugaises et surtout latino-américaines. Diminué il y a quelques décennies par la crainte du nationalisme québécois; ce secteur de l’avenue du Parc vient à peine d’être reconnu officiellement comme un quartier grec et sa population est vieillissante.

Pourtant, en termes de fierté, d’authenticité et de vivacité, le secteur grec de Montréal ne recule pas devant le colosse ethnique torontois. «Les Grecs de Montréal demeurent eux-mêmes, ils n’ont pas le désir ardent de s’intégrer à la majorité comme les Grecs de Toronto», dit à L’Express une Montréalaise qui dirige la rédaction française d’un magazine de mode.

«Ce n’est pas parce que les Grecs de Montréal parlent mal l’anglais qu’ils sont plus Grecs que nous!», réplique en riant George Kapassouris, 39 ans, propriétaire du fameux restaurant-bar Myth de la rue Danforth, le Greektown torontois. Il organise des Greek Nights du samedi soir depuis des années. Chaque semaine, quelque 300 jeunes Grecs font la fête au son de formations grecques qui jouent à fond la caisse. «Les Grecs adorent s’amuser en groupe. À partir de trois Grecs, vous avez un groupe qui a du plaisir, que ce soit à Toronto ou à Montréal. La différence est que nos partys sont plus gros à Toronto et que nous pouvons donc embaucher plus de musiciens», poursuit M. Kapassouris.

Assimilation plus lente à Montréal

Les Grecs sont arrivés en masse à Toronto et à Montréal dans les années 1950 et 1960. Ils ont été le dernier grand groupe ethnique de race blanche à s’y installer. «Quand j’étais jeune, les Grecs de Toronto subissaient de la discrimination. Aujourd’hui, les Noirs et les Asiatiques arrivent et ils nous jugent comme si nous étions des Blancs anglo-saxons bien établis, alors que les Grecs sont arrivés il y a un moins de deux générations!», constate Bill Vardis de l’association Greek Community of Toronto.

«Les jeunes adultes grecs arrivés à Toronto dans les années 1950 et 1960 sont maintenant des grands-parents qui gardent leurs petits-enfants et qui leur enseignent le grec, dit M. Vardis. Par contre, les enfants de ces premiers arrivants se sont rapidement assimilés à l’anglais pour s’intégrer au plus vite à la société canadienne et pour s’y faire une place au soleil.»

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M. Vardis connaît bien Montréal et il constate que la dynamique d’intégration ethnique y est bien différente: «Le débat entre le français et l’anglais à Montréal fait en sorte que les allophones conservent leur langue maternelle beaucoup plus longtemps et qu’ils y deviennent trilingues.»

«Il y a aussi le fait que le ministère de l’Éducation du Québec subventionne des écoles élémentaires grecques, contrairement au ministère ontarien de l’Éducation, poursuit M. Vardis. Les Grecs de Montréal conservent donc la langue grecque mieux que nous, mais ça ne signifie pas qu’ils sont plus grecs que nous.»

Le Canada est la meilleure terre d’accueil

«Que ce soit à Montréal, à Toronto où à Vancouver où j’ai habité, le Canada est la meilleure terre d’accueil pour les Grecs. Les Australiens font encore subir aux Grecs beaucoup de discrimination, alors que les Américains exigent qu’on soit Américain d’abord et Grec ensuite. Au Canada, on peut vivre librement et sans discrimination. Ici, on peut garder notre identité, tout en étant bien intégré», persiste et signe Bill Vardis.

Cet amour pour le Canada en tant que terre d’accueil est partagé par Sue Zindros, propriétaire du Mezes, un des restaurants grecs les plus appréciés de la rue Danforth: «Immigrer à Toronto dans les années 1950 et 1960 n’était pas facile; tous les immigrants étaient dénigrés à leur arrivée par les anglo-saxons de souche. C’est pourquoi les Grecs et les Italiens vivaient dans les mêmes quartiers; ils se respectaient et ils s’acceptaient. Néanmoins, les occasions de travailler et d’investir ne manquaient pas à Toronto et j’éprouve beaucoup de gratitude envers cette ville et le Canada.»

Mme Zindros va régulièrement en Grèce. Elle ne croit pas que les Grecs de Montréal ou même d’Athènes soient «plus authentiques» que ceux de Toronto. «En fait, les Grecs de Toronto préservent mieux leur culture que les Grecs qui vivent en Grèce, car ces derniers ne ressentent pas le besoin ou la nécessité de protéger leur culture», selon Sue Lindros.

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D’après une jeune de Montréal, vivre authentiquement à la grecque, c’est vivre comme les Grecs d’aujourd’hui: «À Toronto, ils imitent les Grecs d’il y a 30 ans, c’est un peu arriéré. Moi je préfère vivre comme les jeunes Grecs d’aujourd’hui qui sont très axés sur l’Europe et sur ses modes, comme les Montréalais!»

Décidément, le Canada est fait de solitudes, même quand les Torontois et les Montréalais ont le grec en partage!

Auteur

  • Benoit Legault

    Journaliste touristique basé à Montréal. Collaborateur régulier au Devoir et à l-express.ca. Responsable de la rédaction de guides Ulysse. Benoit Legault a remporté plusieurs prix de rédaction touristique. Il adore l'Ontario et ses Grands Lacs.

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