Toronto a un nouveau romancier: Gaï de Ropraz

Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 27/10/2009 par Paul-François Sylvestre

Jusqu’à maintenant, Gaï de Ropraz était connu pour son expertise en vins et spiritueux, pour son engagement dans les relations France-Canada et pour son travail bénévole au sein d’organismes comme le Salon du livre de Toronto et la Franco-Fête. Il ajoute un nouvelle plume à son chapeau en signant un premier roman: La Mémoire des vagues.

Pour ce premier exercice littéraire, notre nouveau romancier a choisi le genre thriller. Comme il a l’imagination fertile et la parole facile, nous avons droit à un pavé de 600 pages remplies de descriptions imagées, de personnages savoureux et de rebondissements surprenants. La Mémoire des vagues est un roman écrit avec une poigne solide et soutenu par des connaissances générales qui donnent au récit toute sa crédibilité.

Ce récit commence au large de la petite île d’Ascension, en plein océan Atlantique, où un homme presque mort est retrouvé défiguré dans un radeau de sauvetage. Blessé et amnésique, il n’a pratiquement plus de souvenirs reliés à sa vie, même si on a découvert sur lui des documents d’identité le décrivant comme William Wilfred Jordan, citoyen des États-Unis. À quel accident Jordan a-t-il survécu?

Nous ne le savons pas de sitôt, mais nous apprenons que la mafia cherche à l’éliminer, en employant des moyens parfois démesurés pour arriver à ses fins. La mafia prétend que Jordan est un ancien membre en cavale.

Grâce à une chirurgie esthétique, il tenterait de se faire oublier tout en conservant pour lui la grande fortune dont il avait la garde financière. De son côté, la police étasunienne intervient en obligeant celui que l’on appelle désormais Billy à reprendre une résidence en Floride, où il était assigné juridiquement avant son accident.

Publicité

Sans pouvoir accepter ni comprendre les délits qui lui sont reprochés de part et d’autre, Billy cherche alors à refaire sa vie. En compagnie d’un ami rencontré à Gibraltar au cours de sa pérégrination et d’une hôtesse de l’air dont il tombe amoureux, il reconstitue parcelle par parcelle son existence perdue.

Mais les soucis ne sont pas prêts de cesser et, dans les réalités quotidiennes, parsemées de dangereux traquenards le guettant tout au long de son chemin de croix, se cache la vérité salvatrice.

Loin de moi l’idée de vous dévoiler le dénouement de ce thriller assez bien architecturé. Je vous dirai cependant que l’auteur aime souvent clore ses 41 chapitres sur une note de suspense. Un des premiers chapitres finit sur cette note: «Le FBI est formel: William Wilfred Jordan n’a jamais existé.» Au milieu du livre, le chapitre 20 termine sur cette réplique: «Et si tu veux mon avis, contrairement à ce que les événements laissent présager, tu n’es qu’au début de tes emmerdes!»

Il ne vous reste que vingt pour cent du bouquin à lire et vous apprenez, à la fin de chapitre 35, que Jordan ne sait même pas qu’il est… marié. De Ropraz a l’art de tenir ses lecteurs en haleine. Notre nouveau romancier torontois aime se lancer dans des descriptions imagées pour nous faire sentir une atmosphère, une ambiance, un décor, un paysage. Ces descriptions se trouvent le plus souvent au début d’un chapitre.

Je vous donne deux exemples: «Papillotant en reflets scintillants, un soleil chaud illuminait l’immense baie de Tampa qui abritait le grouillement bigarré d’une foule de voiles charnelles et érotiques. Dans un lancinant mouvement rotatif, les toiles multicolores s’imprégnaient d’une atmosphère estivale où dominaient le vert, le jaune et les bleus tendres.»

Publicité

Et puis: «Soumise à la torsion impétueuse des eaux, la faune marine exhalait ses fragrances de sable retourné et d’algues imprégnées de sel et d’iode. C’était une rencontre entre courant et lumière, un jeu subtil de souffle marin et de tangage bercé par le tumulte de la mer.» Cette propension à vouloir tout décrire a parfois pour effet d’alourdir la narration. A-t-on besoin, par exemple, de savoir que l’obscurité naissante peuple les palmes alanguies, qu’un parfum d’humus monte de la terre ou que des grenouilles donnent la réplique à des criquets dans un concert strident? Je ne le crois pas.

En revanche, de Ropraz sait bien farcir son récit de petites réflexions subtiles. Ainsi, il fait dire à un de ses personnages: «J’estime qu’il n’y a rien de plus dégradant pour un homme que de marcher tête basse au soleil de la vie.»

L’auteur excelle aussi dans l’art de mettre en relief certains traits particuliers d’un personnage. Au sujet d’un policier, il écrit: «Johnson, je ne sais pas si vous êtes légèrement schizophrène ou totalement abruti. Mais, à vous regarder faire, il me semble que vous réussissez l’incommensurable exploit d’être les deux à la fois!»

La Mémoire des vagues raconte une histoire palpitante et complexe à souhait. C’est un roman qui nous fait voyager à travers le monde. Pour reprendre le mot de l’éditeur Jean-Claude Larouche, ce premier thriller «n’a rien à envier aux plus grands romans actuels».

Gaï de Ropraz, La Mémoire des vagues, roman, Chicoutimi, Éditions JCL, 2009, 600 pages, 29,95$.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur