Tatouage, piercing… Le language des marques sur le corps

tatouage, Maryan Guisy, Changer de peau
Maryan Guisy, Changer de peau: tatouages, piercings et scarifications, d’hier à aujourd’hui, essai, Paris, Éditions Vendémiaire, 2023, 230 pages, 40,95 $.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 30/09/2023 par Paul-François Sylvestre

La marque corporelle – tatouage, piercing, flétrissure, scarifications, incrustation – est depuis l’aube des temps l’un des principaux modes d’expression de l’humanité. Dans Changer de peau: tatouages, piercings et scarifications, d’hier à aujourd’hui, Maryan Guisy s’intéresse moins à leur description mais plutôt aux motivations du geste, à ce qu’il fait entendre.

L’auteur brosse d’abord un tableau panoramique et géographique des marques corporelles dont on retrouve les traces primitives entre 38 000 et 10 000 ans av. J.-C. Il fournit une note sur l’étymologie du mot tatouage. Dans la langue polynésienne (maori), le concept de l’âme se dit «atouas». Quant au mot ta, il signifie dessin. «Le ta-outas est par conséquent la représentation des forces de l’esprit sur le corps d’une personne.»

Esclavage

Universellement partagé, le tatouage symbolise la césure entre la vie d’avant et celle d’après. Le sang versé provoque une mort fictive pour mieux renaître, une rupture radicale avec l’ancien Moi.

Les esclaves marqués au fer rouge soulignent une appropriation du maître. Dans le monde de la prostitution, des souteneurs tatouent leurs initiales sur le corps des filles. Le système concentrationnaire nazi a imposé un tatouage d’immatriculation à vocation déshumanisante.

Ces exemples de marques d’appartenance contraintes instaurent une hiérarchie entre les individus.

Publicité

Esprit de corps

Une marque corporelle peut être aussi bien un symbole d’intégration que de rébellion. Marins et soldats se font tatoués «par esprit de corps». Un métier s’incruste sur la peau: tête de cheval (maquignon), moulin (meunier), équerre (ébéniste), peigne (coiffeur), clé (serrurier), etc.

Tatouage est associé à délinquance. «C’est l’indice marqueur du mauvais garçon.» Dans les grandes villes, les studios de tatouage voisinent généralement avec les bars à hôtesses, les salons de massage et els sales de jeux, au sein d’un même périmètre interlope.

Motards, hippies, punks et homosexuels, entre autres, se tournent vers les marques corporelles, à la fois en guise d’appartenance à un groupe et d’opposition à la société. «Elles répondent à deux impératifs: s’assembler et mener le combat de l’émancipation.»

Tatouer un code QR

Une marque corporelle vise d’abord à «flatter le moi dans le regard admiratif de l’autre». Les inscriptions cutanées viennent compléter le vêtement, la coiffure, la gestuelle, etc. «En somme, la marque révélatrice est une projection du moi profond offerte à la lecture publique.»

L’ouvrage signale que plusieurs souverains, présidents et chefs de gouvernement ont cédé à la tentation de se faire marquer: Frédéric VII du Danemark, le tsar Nicolas II, Alexandre 1er de Yougoslavie, Winston Churchill, Franklin Delano Roosevelt, Harry Truman, John F. Kennedy, Joseph Staline, le maréchal Tito.

Publicité

Depuis 1999, le Mondial du tatouage attire en moyenne 30 000 visiteurs et rassemble plus de 400 artistes tatoueurs venus de toute la planète. Il est maintenant possible de graver sur la peau un code QR contenant des vidéos que l’on visionne sur un téléphone portable.

Ouvrage bien documenté

Marques corporelles et érotisme se font souvent écho. «Dans nombre de civilisations, les marques érotiques sont une condition majeure pour séduire et elles sont généralement situées à proximité des organes génitaux.» Le piercing du gland pour l’homme, du clitoris pour la femme et des seins pour les deux vise à intensifier les sensations.

Cet ouvrage fort bien documenté couvre toutes les manifestations des multiples marques corporelles, qu’elles soient ethnique, rituelle, religieuse, générationnelle, totémique, narcissique, artistique, érotique ou thérapeutique.

Auteurs

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

  • l-express.ca

    l-express.ca est votre destination francophone pour profiter au maximum de Toronto.

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur