Tafelmusik nous invite à l’église

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Publié 17/03/2015 par Janine Messadié

Lorsque Jean-Sébastien Bach (1685-1750) est nommé au poste de Cantor (Kapellmeister) de l’église St-Thomas (Thomaskirche) de Leipzig en 1723, ce passionné de musique et de théologie est déjà un compositeur accompli, un génie de l’art lyrique.

L’école prestigieuse de l’église St-Thomas, vieille de six siècles, dont il a la charge, a une longue tradition de formation musicale. Bach doit pourvoir les quatre églises de la ville en choristes, et faire exécuter une cantate par dimanche, et par jour de fête.

S’il réutilise certaines cantates, qu’il avait écrites alors qu’il était à la cour de Weimar dans les fonctions d’organiste, de violon solo et de compositeur (1708-1717), Bach écrira quatre cycles complets de cantates originales à Leipzig, mais aussi ses Magnificat et ses Passions (cinq), dont deux seulement nous sont parvenues dans leur intégralité: La Passion selon St-Mathieu (1727), et La Passion selon St-Jean (1723-1724).

Proche d’un opéra, La Passion selon St-Jean est un chef-d’œuvre du patrimoine musical mondial.

C’est cette fresque chorale grandiose que nous offre l’Orchestre baroque et le chœur de chambre Tafelmusik, sous la direction d’Ivars Taurins, dès jeudi soir, à l’Église Trinity-St. Paul’s Centre, avec plusieurs solistes étoiles: la soprano Julia Doyle, le contreténor Daniel Taylor, les ténors Charles Daniels et Paul Ziadé, ainsi que les barytons Peter Harvey et David Roth.

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Vendredi Saint

Monument de la littérature musicale baroque, La Passion selon St-Jean – récit en deux parties de l’histoire de la crucifixion du Christ, entre lesquelles prenait place un sermon d’une heure – a été créée par Bach pour être jouée à l’église, lors de l’office religieux des vêpres du Vendredi Saint de 1724.

Ivars Taurins, fondateur et directeur du chœur de chambre Tafelmusik, a choisi la dernière version (il en existe quatre) que le compositeur allemand signa pour le Vendredi Saint de 1749, un an avant sa mort, et qui se termine sur le magnifique chœur Ruht Wohl, une berceuse évoquant le repos de la mort.

Bach exprima sa foi luthérienne à travers toutes ses compositions (il est souvent présenté comme un monument de la foi). Dans La Passion selon St-Jean, il y exprime toute sa ferveur en magnifiant le texte de l’Évangile par son art de l’écriture vocale et par sa musique.

Emplie de mysticisme et riche de contrastes, La Passion est constituée d’une alternance de récitatifs complexes et de chœurs, dans lesquels viennent s’insérer des ariosos (mélodies délicates), des mélismes d’une grande beauté, et des arias, qui à leur tour, commentent ou illustrent le texte, tandis que les chorals plus méditatifs le reprennent en évoquant les souffrances du Christ, avec profondeur et puissance émotionnelle.

Charlotte Nediger, la claveciniste de Tafelmusik et auteure des notes du programme de ces concerts, insiste sur l’importance du texte biblique.

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«La passion selon St-Jean est nettement liturgique et résolument luthérienne», dit-elle. «Il s’agissait avant tout, dans l’esprit de Bach, de faire entendre la parole donnée par l’évangile et de mettre en forme le drame signifié par le texte. La passion selon St-Jean est une œuvre d’une grande intériorité, qui nous fait vivre et ressentir la passion du Christ au plus profond de nous-mêmes… à un niveau très personnel.»

Les rôles des solistes

L’évangéliste: il s’agit d’un ténor. C’est le personnage-clé de l’œuvre. C’est lui qui tient et porte le texte de l’évangile, qu’il doit rendre intime à l’auditeur tout au long de la Passion. Il doit chanter avec beaucoup de sobriété sous forme de recitativo secco (récitatif sec), c’est-à-dire accompagné par une basse continue (violoncelle et orgue).

C’est Charles Daniels, ténor racé d’oratorio, dont les techniques de mélisme sont brillantes qui incarnera ce rôle.

Jésus: par tradition, ce rôle est toujours confié à un baryton. Aucun air n’est chanté par le personnage de Jésus. Il ne s’exprime qu’à travers le récitatif. Peter Harvey, dont la voix est réellement divine, sera Jésus.

Pilate: aussi un baryton et il ne s’exprime qu’à travers le récitatif. C’est David Roth qui devient Pilate. Il incarnera aussi le rôle de l’apôtre Pierre.

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Le serviteur: un ténor, interprété par Paul Ziadé, tandis que les prêtres, les Juifs et les soldats romains seront représentés et chantés par le chœur. Appelé Turbae, ces chœurs de foule sont souvent polyphoniques et très expressifs. Ils s’insèrent dans la narration et sont accompagnés par l’orchestre complet.

La Passion selon St-Jean de Bach, par l’Orchestre baroque et le chœur de chambre Tafelmusik, est un appel à vivre, à l’approche de Pâques, toute la grandeur, l’intensité et l’intimité de cette œuvre dramatique exceptionnelle, jouée par un orchestre tout aussi exceptionnel.

Du 19 au 22 mars au Trinity-St. Paul’s Centre, Jeanne Lamon Hall.
www.tafelmusik.org

Auteur

  • Janine Messadié

    Communicatrice d'une grande polyvalence. 30 ans de journalisme et de présence sur les ondes de Radio-Canada et diverses stations privées de radio et de télévision du Québec et de l’Ontario français. Écrit depuis toujours...

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