Sylvain Bazinet, 
l’artiste du lyrisme

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Publié 15/09/2009 par Khadija Chatar

«Je veux donner du mouvement au fixe!», disait Sylvain Bazinet au vernissage de jeudi dernier à la Galerie Céline-Allard du Centre francophone (20 Lower Spadina). Ce Montréalais à peine débarqué à Toronto depuis cinq mois, veut défier les lois de la physique. Tout dans son travail, qu’il expose jusqu’au 1er octobre, a pour noyau le mouvement, qu’il soit en vagues, en cercles ou en points, peu lui importe.

Les 18 toiles qu’il met en vente sont des plus hétéroclites. Chacune peut se prévaloir d’être le fruit d’un travail unique réalisé à une période spécifique. Dans cette exposition, plusieurs séries anciennes et plus récentes y sont révélées.

Sylvain Bazinet nous introduit ainsi dans son monde de l’abstrait; celui d’une rétrospective créatrice de 10 ans de sa vie. Devant sa toile Carène, M. Bazinet explique: «C’est sur cette peinture que j’ai trouvé ma technique. J’ai travaillé sur plusieurs étapes. Il y a ici près de 20 couches différentes que j’ai dilué au fur et à mesure. Cela a donné ce cercle en mouvement, un microcosme. C’est un peu la façon dont je vois la base de la vie. Tout dans l’univers fonctionne de cette façon. Dès que quelque chose se crée, une autre se dissout.»

Noël à Bagdad

Mathématicien de formation, il sourit en pensant à la tournure de sa vie présente. Peintre professionnel depuis dix ans seulement et sculpteur un temps, il a approché l’univers de la couleur sur toile en co-fondant la galerie 3273 à Montréal, dont le parrain n’était autre que Guido Molinari, peintre de renommée internationale aujourd’hui décédé.

«Il m’a fait réfléchir sur un point: la couleur ne signifie rien en soi. Elle ne se définit que par la couleur qui est à côté», se remémore-t-il avec nostalgie. En 2002, la propagande mensongère de l’ancien président américain sur le danger représenté par l’Irak et ses armes de destruction massive, a été un épisode marquant pour l’artiste.
«J’ai réalisé deux tableaux intitulés Noël à Bagdad, l’un pourpre et l’autre vert.» Dans le premier, le rouge et le blanc y sont contrastés pour faire allusion au sang des victimes et aux explosifs.

Laisser sa trace?

«Dans le fond, on pouvait en dire n’importe quoi de ces images qu’on nous envoyait et qui étaient complètement floues et fabriquées. J’ai fait un peu la même chose dans le deuxième tableau où le vert, couleur de sapin, est flou à son tour.» Un vert trompeur qui pourrait aussi très bien rappeler celui des tenues de camouflage militaires. Au fond de la salle sont cachés probablement les tableaux les plus atypiques. «Ce sont mes ancêtres!», s’exclame Sylvain Bazinet. Voilà donc trois portraits dissemblables de personnes ayant côtoyé ce monde à une époque où, comme 
M. Bazinet aime à dire, «Je n’aurais jamais pu être peintre à cette période. L’abstrait ça n’existait pas au XIXe siècle.»

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Arsène Dion (1867-1927), Georgia Bouchard (1845-1922) et Edmond Pagé (1835-1908), les trois recalqués dans des poses avant-gardistes, sont les trois représentés par une palette de couleurs sombres, posthumes. L’un d’eux, flou, porte les traits du Christ. «Ces portraits sont volontairement effacés et déformés. Je ne cherche pas à être réaliste.»

«Ce n’est pas un hommage non plus. C’est peut-être un point de rencontres entre mon travail de généalogiste et celui d’artiste. Une réflexion sur la pulsion de vie et de mort. La nature n’agit-elle pas ainsi? Le germe de la mort n’est-il pas contenu dans la vie?», s’interroge-t-il.

Dans son travail, Sylvain Bazinet utilise l’abstrait comme outil de réveil. Il y ressuscite l’immobile. Ici encore, il refuse l’ennui du figé.

Il explore. Il revisite les infinies ondulations et laisse aller son pinceau, lui donnant ce pouvoir de libérer l’insaisissable langage de la peinture lyrique.

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