Sur les traces des aventuriers du 80e parallèle

Dans le nord de la Norvège

Norvège Aurélie Resch
Aurélie Resch dans le Spitzberg, une région de l'archipel Swalbard de la Norvège non loin du Groenland et du Pôle Nord.
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Publié 17/02/2019 par Aurélie Resch

Il est près de 22h quand le navire Nordstjernen de la compagnie Hurtigruten franchit le 80e parallèle. Passagers et équipage sont réunis sur le pont pour célébrer le moment au champagne. L’air est frais. Le calme absolu. Le blanc des icebergs tranche sur l’indigo de la mer.

Le ciel est turquoise. Au mois d’août, le soleil ne se couche jamais dans cet archipel du nord de la Norvège.

Penchée sur le bastingage, les yeux perdus dans les bleus qui se mêlent, je pense aux premiers explorateurs, venus en Arctique pour chasser la baleine, l’ours polaire, ou pour travailler dans les mines de charbon qui occupent les rives de quelques communautés du Spitzberg.

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Le navire Nordstjernen de la compagnie Hurtigruten.

Cimetière de pêcheurs de baleines

Je me souviens de Magdalenefjord (8km sur 5km) et de sa belle plage de sable sur laquelle s’ébattent des sternes arctiques. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, elle fut pourtant un cimetière pour les pêcheurs de baleines, qui se faisaient tirer dans le fond par le mammifère harponné.

À l’époque, les cétacés étaient légion. Prisées pour leur graisse, les baleines ont été décimées par des pêcheurs venus d’Angleterre, d’Allemagne et de Norvège, et il ne reste plus aujourd’hui que quelques espèces en petit nombre.

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À cette heure, le fjord est désert. Des renards arctiques courent dans la toundra. Des formations de glace éparses flottent à flanc de rivage. La nature s’est refermée sur l’Histoire, emportant avec elle ses drames, se drapant dans un silence qui force l’humilité.

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Qui veut se baigner?

J’entends une bravade: «Qui veut se baigner?» Je regarde les blocs de glace à la surface. Quand l’un de mes compagnons se dévêt et entre dans l’eau pour relever le défi, je trempe mon doigt. Je le vois rougir et peine à le plier. Ce sera ma seule immersion de mon aventure au Spitzberg.

Fascinée par la grandeur des paysages, je ne me lasse pas de me perdre dans la contemplation d’un ciel si vaste que les nuages et les étoiles doivent certainement s’y perdre et dans une eau opaque où l’on devine le glissement de rorquals et de phoques.

J’aime mon temps en mer. Je n’y compte ni les heures ni les jours et laisse le temps s’étirer. Était-ce cette promesse de solitude et de tranquillité qui attiraient les explorateurs comme l’aventure qu’ils s’apprêtaient à vivre?

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Camps de trappeurs solitaires

Le Camp Zoë me laisse pourtant appréhender les dures conditions de vie des trappeurs. Ici, une simple cabane en bois de peut-être 3m sur 2, face à l’océan. Sans rien autour. Le bateau ne venait ici qu’une fois par an. Le trappeur amenait ses victuailles, de quoi construire sa cabane et se retrancher du monde pour 365 jours.

Les collines se succèdent, traversées par des élans et peuplées d’ours polaires, timides tandis que j’avance avec mes camarades et la guide armée dans les terres.

Le paysage entre lac et toundra s’étire à perte de vue avec toujours en toile de fond les eaux tour à tour grises et bleues de la mer. Le silence est minéral.

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Une guide armée et un crâne de renne.

Les animaux sauvages rôdent

Si je le goûte pleinement dans le confort de mon expédition, je l’imagine oppressant à l’époque et durant l’hiver aux températures extrêmes, dans une opacité quasi permanente avec les animaux sauvages rôdant autour du camp.

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Certainement que les aventuriers qui survivaient au froid, à la maladie, au danger et à l’isolement, ne revenaient pas indemnes à la civilisation.

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Une cabane de trappeur et Aurélie Resch sur la plage du glacier.

Installations minières

Camp Mansfield à Ny-London, dans la partie sud du fjord Kongsfjorden, évoque aussi l’ambition d’hommes avides de nouvelles opportunités. On y trouve les restes d’installations minières implantées en 1911 par la britannique Northern Exploration Company.

Son dirigeant, Ernest Mansfield était en effet persuadé qu’il y avait du marbre dans les sous-sols des lieux et travailla pendant des années (en vain) à en ramener au pays.

Les villages de mineurs que je parcours à Longyearbyen et Barensburg (où l’on compte une importante communauté russe et ukrainienne) poursuivent cette tradition d’hommes isolés dans des contrées, sinon hostiles, en tout cas, désertiques.

Si les habitants savent créer une communauté soudée avec des animations fédératrices, je ne peux m’empêcher de me dire que le temps doit parfois être bien long et que les rêves d’autres rives viennent fréquemment habiter leurs pensées.

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Des zodiacs du navire Nordstjernen de la compagnie Hurtigruten.

Naviguer au milieu des icebergs

Naviguer au milieu des icebergs et fouler ces impressionnants glaciers qui recouvrent de leur épaisse croûte blanche une terre dure et gelée restent une expérience unique et inoubliable. La lumière que renvoie la glace est aveuglante et les nuances de bleu qui percent sous la ouate des glaciers, un spectacle absolument grandiose.

Prudente quant aux pas que je fais sur la glace, le plus loin du bord des falaises et des fissures ou la roche mélangée à la neige fondue crée des glissements de terrain ou sortes de sables mouvants, je n’en ressens pas moins le frisson de ceux qui pour la première fois ont conduit une expédition en Arctique, non loin du Groenland.

Une émotion que vient compléter ma navigation en zodiac au milieu de ces géants glacés qui flottent, altiers et monumentaux sur une mer de jade.

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Silence et immensité

Si je suis incapable de me projeter dans la vie des trappeurs et aventuriers de l’époque, je peux néanmoins faire mien leur goût pour le silence, l’immensité et la solitude. Il est minuit et le soleil continue de luire dans le ciel.

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Je devine des ombres près de glaciers proches. Baleine? Phoques? Qu’importe. Entre ciel, terre et mer, la vie se dessine plus qu’elle ne s’observe. Et cela me convient tout à fait.

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L’archipel norvégien Swalbard, dont fait partie le Spitzberg, est proche du Groenland et du Pôle Nord.

Hurtigruten

La compagnie d’exploration Hurtigruten se spécialise dans les expéditions en Arctique et en Antarctique et étend ses croisières sur toutes les mers du globe ou presque.

Avec une âme d’aventurier, Hurtigruten poursuit sa tradition d’expédition au plus proche de la nature, dans son plus grand respect. Pas de piscine, de musique ou d’animations sur les navires. Rien que les éléments, leur grandeur et leur stupéfiante beauté. Cette année 2018, Hurtigruten fête ses 125 ans.

Son navire Nordstjernen, dans sa simplicité, invite a une découverte stupéfiante de paysages plus grands que nature et de la vie d’homme épris d’aventure et de silence.

Auteur

  • Aurélie Resch

    Chroniqueuse voyages. Écrivaine, journaliste, scénariste. Collabore à diverses revues culturelles. Réalise des documentaires pour des télévisions francophones. Anime des ateliers d’écriture dans les écoles, les salons du livre et les centres culturels.

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