Pour moi, Catherine Lara a toujours été une histoire d’admiration plus que d’amour. Allez savoir pourquoi, le frisson n’était jamais au rendez-vous. Il aura fallu trente ans pour que le courant passe vraiment entre elle et moi. Peut-être parce que la musique qu’elle nous y propose est en parfaite symbiose avec l’automne introspectif, toujours est-il que Passe-moi l’ciel (Universal/Importation) est en passe de me faire basculer dans le camp des fans de la violoniste aux mèches – et à l’âme – rebelles, qui avait naguère tourné le dos au conservatoire pour se plonger dans la chanson, emportant dans son étui un rigoureux bagage technique qu’elle a su mettre à profit.
Mais d’évoquer «elle et moi» est trompeur, dans le cas qui nous intéresse, puisque ce nouvel album n’a rien d’un parcours en solitaire, étant le fruit d’une étroite collaboration avec le réalisateur Adrien Blaise (qui co-signe la plupart des musiques) et le parolier Jean-Jacques Thibaud. Ces deux complices ont su s’aligner avec la vision de Lara, chez qui passion rime avec compassion, chez qui l’urgence de dire les choses qui importent ne sacrifie jamais le souci de les formuler avec éloquence – et élégance.
D’entrée de jeu, Lara et Thibaud nous interpellent par le biais d’une plume qui multiplie les trouvailles («La vérité sort de la bouche du métro», au sujet des sans-abris, «Oser effacer ce monde à la gomme» pour une dénonciation de la violence institutionnalisée), sans oublier la chanson-titre qui, au-delà du jeu de mots un brin suspect, cerne une artiste en perpétuelle quête d’absolu. Ce qui, dans un monde où l’ironie n’est que le vi-sage souriant du cynisme, est une vertu dont on aurait tort de se pri-ver.
Derrière les yeux, la vision
Si l’idée n’avait pas déjà été appropriée par le Sponge Bob de la télé, je dirais que Charlélie Couture est une éponge dotée d’une paire d’yeux et d’un singulier sens de l’humour. Depuis trois décennies, cet inclassable de la chanson française ne cesse d’absorber le climat et les sonorités de ses milieux d’adoption – Chicago, Australie et maintenant New York – distillant ses expériences par le biais d’une écriture sans cesse renouvelée.
Puisque la nature lui a donné une voix qu’on pourrait qualifier de gainsbourgienne, il n’est pas étonnant que Charlélie préfère le registre conversationnel à celui des mélodies casse-cou. Pas étonnant, non plus, que son débit prenne, sur Double vue (GSI Musique/Sélect), des allures de rap, vu que l’accouchement de cet album a eu lieu à New York, au terme de collaborations avec une poignée de compo-siteurs à peu près inconnus – Usthiax B., Mathias Delplanque – dont plusieurs furent débusqués grâce à l’Internet.