Six personnages et quel auteur!

Rosmersholm à Niagara-on-the-Lake

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Publié 01/08/2006 par Pierre Karch

C’est à Rome, où il a vécu vingt-cinq ans, loin de sa Norvège natale où il étouffait, que Henrick Ibsen (1828-1906) écrivit son drame symbolique, Rosmersholm (1886).

Beata s’est suicidée. Il y a un an et demie, elle s’est jetée du pont au-dessus d’une chute. Son mari, le patricien John Rosmer (Patrick Galligan) continue de vivre dans le manoir ancestral qu’il partage toujours avec Rebecca (Waneta Storms). Leur relation est platonique. Ils échangent des idées avec franchise. C’est ce qui les distingue des autres dont les mobiles sont intéressés.

Le frère de Beata, le recteur Alex Kroll (Peter Hutt), les encourage à se marier. Il voudrait aussi engager Rosmer dans la lutte qu’il mène contre les libres-penseurs et les libéraux en général, en faisant de lui l’éditeur d’un journal conservateur qu’il vient d’acheter avec quelques amis qui pensent comme lui.

Mais Kroll, qui n’a pas l’appui de sa femme et de ses enfants, apprend avec stupeur que Rosmer, converti au libéralisme, voudrait répandre la bonne nouvelle. Le recteur le quitte, en l’accusant de trahison.

L’éditeur du journal de gauche The Beacon, Morten (Douglas E. Hughes), vient, à son tour, solliciter l’appui de Rosmer qui le lui accorde. Mais, quand il apprend que l’ancien pasteur a perdu la foi, il dit vouloir cacher ce détail à ses lecteurs.

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Rosmer apprend ainsi que la gauche comme la droite veulent se servir de lui pour leur propre fin. Les deux partis lui reprochent sa relation avec Rebecca.

La bonne, Mrs. Helseth (Patricia Hamilton), joue un rôle-clef puisque c’est elle qui remet à Morten un billet, accusant Rosmer et Rebecca d’adultère, écrit par Beata juste avant son suicide. Beata morte hante la maison et trouble tous les esprits.

Mise en scène

Neil Munro a opté pour une mise en scène aussi sobre que les décors et les costumes de Peter Hartwell que ne rehausse aucune couleur vive. Rien, en effet, de plus désolant que ce manoir et ses habitants qui ne rient jamais.

Le spectateur entre dans un univers intellectuel qui refoule les passions. Mais, comme le dit si bien le proverbe, «Chassez le naturel, il revient au galop».

C’est ce que les six comédiens illustrent, chacun à sa manière. Il n’y a ici ni bons ni méchants. Mais tous sont tourmentés et tourmentent les autres.

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L’air est lourd. Les fenêtres sont fermées. L’accueil est bref et froid. On se croise les bras plutôt que d’embrasser. Chacun défend un idéal qui le dépasse, un idéal inaccessible qui le pousse vers son malheur et sa perte.

Rosmerholm est un pur chef-d’œuvre sur lequel Shaw et Freud se sont penchés, sans réussir à l’expliquer tout à fait, c’est-à-dire sans parvenir à le réduire à leur conception personnelle de la réalité, de la vie et de l’homme.

Quel plaisir on peut avoir à assister à un drame aussi profond, aussi bien écrit et si parfaitement exécuté dans ses moindres détails!

Rosmersholm, dans une mise en scène de Neil Munro, au théâtre Court House, jusqu’au 7 octobre 2006. Billetterie: 1-800-511-SHAW ou www.shawfest.com

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