Selon Bernard Derome, les mandats fondateurs de Radio-Canada sont encore valables aujourd’hui

Il faut «prendre le temps de prendre le temps 
de réfléchir», recommande-t-il

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Publié 01/11/2011 par François Bergeron

Radio-Canada est un diffuseur public, pas un diffuseur d’État, nuance très importante sur laquelle repose son indépendance face au gouvernement et son originalité dans l’univers médiatique commercial actuel.


C’est ce que Bernard Derome a précisé en entrevue à L’Express mardi dernier, après son passage fort remarqué et apprécié à la tribune du Club canadien de Toronto. «Oui, si Radio-Canada n’existait pas aujourd’hui il faudrait l’inventer», a-t-il répondu à notre question.


L’ex-présentateur vedette du Téléjournal de fin de soirée a été choisi comme «ambassadeur» du 75e anniversaire de Radio-Canada. Il effectue une tournée pancanadienne d’information et de promotion du grand réseau radio-télévision-internet dont l’avenir fait l’objet de discussions dans les coulisses du pouvoir à Ottawa.


C’est ainsi que le Parti conservateur mène présentement un sondage parmi ses membres sur la pertinence, pour les contribuables, de continuer de financer ce diffuseur public à la hauteur d’un milliard $ par année.


«Si ça peut soulager des membres de ce parti qu’on remette Radio-Canada en question, tant mieux pour eux», lance Bernard Derome. Mais il serait «extrêmement surpris» que le premier ministre Stephen Harper puisse défendre objectivement l’élimination du réseau.


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Historiquement, a-t-il rappelé aux convives du Club canadien, CBC et Radio-Canada ont été créées (en 1936, juste avant la guerre) pour contrebalancer l’influence américaine, la plupart des Canadiens vivant le long de la frontière et captant surtout la radio et la télévision américaines.


Avec, à l’époque, trois mandats, «informer, éclairer et divertir», qui sont encore aussi valables en 2011, insiste-t-il.


Nouveaux médias


Bernard Derome se dit «émerveillé et un peu effrayé» par l’explosion des nouveaux médias, la multiplication des sources d’information et «l’immédiateté» qui caractérisent notre début de 21e siècle. «Ça m’étourdit», avoue-t-il, craignant que des «repères» essentiels soient perdus dans cette tourmente.


En effet, explique-t-il, pour comprendre ce qui se passe autour de nous, il faut «prendre le temps de prendre le temps de réfléchir», ce que ne permettent pas toujours les nouveaux médias.


Les médias «ne doivent pas craindre de s’adresser à l’intelligence des gens», dit-il, sous-entendant que cela reste un trait distinctif de Radio-Canada.


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Par ailleurs, Bernard Derome n’est pas impressionné par les journalistes qui relatent davantage leurs sentiments face aux événements que les faits eux-mêmes, écorchant aussi au passage les pseudo-médias que sont Facebook et Twitter.


Baptême du feu


Bernard Derome est arrivé à la barre du Téléjournal en 1970, juste avant la Crise d’octobre, véritable «baptême du feu» pour lui comme pour tout le monde au Québec.


En 75 ans, fait-il remarquer, Radio-Canada est passée de 6 journalistes dans tout le pays à 650 (environ 70 à Toronto), et c’est après la guerre, en 1949, qu’on a adopté les premières normes journalistiques visant à séparer l’information de la propagande et de la publicité.


Il a cependant fallu attendre les années 70 pour que le présentateur des nouvelles soit considéré comme un journaliste plutôt qu’un annonceur. La question s’est posée, révèle-t-il, quand GM a voulu le recruter pour lui faire annoncer des Chevrolets!


Modèles légendaires


Ce sont surtout les journalistes René Lévesque et Pierre Nadeau qui ont servi de «modèles» à Bernard Derome. Nadeau, notamment, était revenu d’un stage à l’ORTF, en France, avec l’idée que le bulletin de nouvelles était réellement un «journal parlé» et non la simple lecture de dépêches.


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Dans le cas de Lévesque, devenu premier ministre du Québec, Derome a continué d’admirer ses qualités de «grand démocrate» qui savait toujours «jusqu’où les Québécois étaient prêts à aller»…


Bernard Derome se considère choyé d’avoir exercé son métier – aux premières loges – à une époque marquée par trois chefs charismatiques: Pierre Elliot Trudeau à Ottawa, René Lévesque à Québec et Jean Drapeau à Montréal.


Presque tous les partis politiques (les deux exceptions étant le Crédit social et l’ADQ) ont invité Bernard Derome à se joindre à leur équipe de candidats et, éventuellement, de ministres, mais celui-ci est toujours resté sourd à ces chants de sirènes.


Il a quitté le Téléjournal deux fois, d’abord en 1998, puis, à l’appel de Radio-Canada inquiète des cotes d’écoute qui avaient baissé, effectuant un retour de 2004 à 2008 avant de céder l’antenne à Céline Galipeau. Depuis, il anime ponctuellement des rétrospectives et des émissions spéciales.


Si la tendance se maintient (l’expression qu’il a popularisée), on n’a pas fini de voir et d’entendre Bernard Derome à Radio-Canada.

Auteur

  • François Bergeron

    Rédacteur en chef de l-express.ca. Plus de 40 ans d'expérience en journalisme et en édition de médias papier et web, en français et en anglais. Formation en sciences-politiques. Intéressé à toute l'actualité et aux grands enjeux modernes.

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