Salmonelle: dur coup pour le mouvement bio

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Publié 31/03/2009 par Pascal Lapointe (Agence Science-Presse)

L’alerte à la salmonellose qui a frappé les États-Unis depuis janvier a attiré les projecteurs sur un aspect méconnu: une bonne partie des aliments désormais étiquetés « bio » font partie de la même chaîne alimentaire.

Des tonnes de produits à base d’arachides, ou à saveur d’arachides ont dû être rappelées en janvier et février. Les rapports officiels font état de plus de 680 personnes qui auraient été malades, et d’au moins neuf morts… Aucun cas n’a été signalé au Canada, où des produits ont également été retirés des tablettes par l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

Mais là où il y en a qui l’ont trouvé encore plus dure à avaler, c’est que l’usine d’où provenaient les arachides contaminées avait sa certification « bio ».

À la base, selon l’Associated Press, il y aurait un inspecteur du ministère de l’Agriculture qui aurait négligé de vérifier si l’usine de la compagnie Peanuts Corporation of America (PCA) se conformait bel et bien aux normes « bio », en présumant que la certification était chose acquise.

Mais ceci n’a rien à voir avec la contamination à la salmonelle. Car derrière cette tuile qui tombe sur le mouvement bio, il y avait une grande naïveté. Parce que la nourriture bio offre « des bénéfices accrus pour la santé, les gens assument que c’est libre de pathogènes », résume Urvashi Rangan, scientifique à l’emploi de l’Union de défense du consommateur (qui publie le magazine Consumer Reports).

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« Je ne présumerais pas nécessairement que c’est plus sécuritaire. » Peut-être que ça l’est, mais peut-être pas.
Comme le souligne le New York Times dans un article intitulé It’s Organic, but does it means it’s safer?, la certification des aliments bio et la sécurité des aliments sont deux processus complètement distincts.
Autrement dit, certification biologique ne veut pas nécessairement dire petit fermier qui fait pousser des arachides dans son potager.

La certification biologique est le résultat de réglementations imposées aux fermiers par un gouvernement (non-usage de pesticides, restrictions sur l’alimentation des animaux, etc.). Cela s’avère important pour qui achète ses fruits et légumes au marché. Mais cela ne dit rien sur la façon dont un pot de beurre d’arachides a été traité, une fois à l’usine — cette partie-là incombe à l’agence d’inspection des aliments (la FDA aux États-Unis, l’ACIA au Canada).

La négligence a manifestement été à plus d’un niveau. Le Times rapporte que l’Association pour l’amélioration des produits biologique — une compagnie privée chargée d’émettre les certifications bio — a envoyé en juillet 2008 une note à la compagnie PCA, disant que son usine de Géorgie ne se conformait plus aux normes bio. En l’absence de réponse, ce n’est que sept mois plus tard — alors que la crise était commencée — que la firme a demandé au ministère américain de l’Agriculture que la certification bio soit retirée à l’usine.

« Pour le meilleur et pour le pire », résume un dossier du magazine en ligne Science Progress, le « bio » d’aujourd’hui fait partie intégrante du système d’alimentation traditionnel, dépendant des mêmes usines de transformation, des mêmes distributeurs et du même marketing qu’à peu près tout le reste de ce que nous mangeons. Et ainsi, lorsque le système d’alimentation traditionnel éternue, les bios attrapent le rhume. »

Plus sévère que d’autres, Emily Brown, de la firme de Pennsylvanie Certified Organics déclare: « le ministère de l’Agriculture insiste beaucoup sur le fait que la nourriture bio n’est pas une garantie de sécurité ou de qualité — c’est une norme de marketing. » Et c’est un marketing payant, souligne Science Progress: 20 milliards $ de ventes en 2008, pour un marché qui n’existait pratiquement pas il y a 20 ans.

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Rappel du rappel

Le rappel d’aliments, qui a commencé en janvier et s’étirait encore, début-mars, serait le plus gros de l’histoire des États-Unis : la liste des produits à base d’arachides qui ont fait l’objet d’un rappel, produits bios et non bios confondus, fait… 46 pages de long! Ça va des barres d’énergie jusqu’aux biscuits pour chien en passant par plusieurs marques de beurre d’arachides. Si la liste est si longue, c’est parce qu’en général, ce n’est pas toute une marque qui est en cause, mais un type d’aliment, produit à tel endroit et entre telle date et telle date.

La compagnie PCA a annoncé le 20 février qu’elle se mettait sous la protection de la Loi sur les faillites. L’enquête se poursuit.

www.sciencepresse.qc.ca

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