Saison des impôts: rendre à César ce qui est à César

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La campagne électorale, de William Hogarth, 1754-1755. Sous le pied droit d’un homme assis par terre se trouve une banderole noire exigeant de ravoir les «11 jours perdus» par l’adoption du calendrier grégorien. Photo: Wikimedia Commons, domaine public
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Publié 01/04/2023 par Marc Poirier

Nous sommes encore une fois rendus au moment préféré (ou pas) de l’année des Canadiens. Le printemps? Non, la saison des impôts. Pour les contribuables qui ont reçu ou recevront un remboursement d’impôt, c’est en effet un moment de l’année agréable.

Au Canada, l’année d’imposition, soit les 12 mois pour lesquels les particuliers doivent calculer leur revenu total et leurs impôts à payer, va de pair avec l’année civile, soit du 1er janvier au 31 décembre. Il en va de même dans un grand nombre de pays.

Seuls quelques pays ont une année d’imposition pour les particuliers décalée par rapport à l’année civile.

Bon, on s’entend qu’à première vue, le sujet n’est peut-être pas le plus «sexy». Mais patience, vous ne perdrez pas votre temps.

Le Royaume-Uni a ceci de particulier que son année budgétaire et son année d’imposition pour les particuliers débutent en avril, mais pas les deux à la même date. L’année budgétaire commence le 1er avril, comme au Canada, mais le compteur de l’année d’imposition, lui, commence à tourner le 6 avril.

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Pourquoi une telle différence? Et pourquoi le 6 avril?

Attachez votre tuque, nous vous ferons voir un chemin aussi tordu que surprenant.

De Romulus à Grégoire XIII

Pour bien comprendre, il faut aller voir chez les Romains, dont l’empreinte sur la vie de tous les jours étonne encore.

Le calendrier moderne en usage dans la majeure partie du monde doit son origine à la Rome antique. Influencée par d’autres cultures plus anciennes, comme les Babyloniens et les Grecs, Rome divise l’année en 10 mois de 30 ou 31 jours, pour un total de 304 jours.

La paternité de ce calendrier reviendrait au premier roi légendaire de Rome, Romulus. Mais bon, ça fait longtemps.

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L’année calendaire débutait en mars — ce point est à retenir — pour se terminer en décembre (d’où les noms septembre à décembre, désignant du septième au dixième mois).

L’hiver était une période un peu floue qui n’était pas structurée en mois. On pourrait l’appeler la période jello de l’année.

Puis, l’histoire raconte — mais l’histoire raconte parfois des sornettes — que le deuxième roi romain, Numa Pompilius, a ajouté deux mois et 50 jours au calendrier. C’est mieux, mais encore très loin de faire la job.

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Deuxième roi de Rome, Numa Pompilius aurait créé le calendrier romain de 12 mois. Mais il manquait de précision… Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Après, c’est le chaos! On ajoute un autre mois tous les deux ou trois ans (pas toujours respecté). Le nombre de jours par mois change. Certains dirigeants modifient le nom de certains mois. Bref, il y a de quoi en perdre son latin.

Arrive Jules César, qui décide de mettre de l’ordre dans tout ça, comme il l’a fait partout où il est passé, de gré ou de force.

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Le calendrier imposé par Jules César était presque parfait. Photo: Buste d’Andrea di Pietro di Marco Ferrucci, vers 1512-1514, Wikimedia Commons, domaine public

Pour ce faire, il fait appel à l’astronome et mathématicien Sosigène d’Alexandrie qui, si vous avez bien suivi, vient d’Égypte (indice: Alexandrie), même s’il est en fait un Grec. Détail amusant, un cratère lunaire porte aujourd’hui son nom.

Bien que Sosigène ait fait tout le travail, le nouveau calendrier sera nommé «julien», en l’honneur de Jules César. Il a 365 jours et prévoit une année bissextile tous les quatre ans.

Affaire classée? Eh bien, non! L’année bissextile ne suffit pas et, 500 ans plus tard, des scientifiques s’aperçoivent que le calendrier a pris 10 jours de retard sur le calendrier solaire. Bravo.

Entre-temps, l’Angleterre adopte le calendrier julien, selon lequel l’année commence maintenant le 1er janvier.

Plusieurs siècles plus tard entre en scène un personnage très important qui changera à tout jamais nos repères historiques.

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La grande réforme de Denys le Petit

Le moine chrétien Denys le Petit, de son nom de baptême Dionysius Exiguus, arrive à Rome au tournant du VIe siècle. Le pape lui demande de démêler les différentes dates en usage dans la chrétienté pour célébrer Pâques.

Il ira plus loin et redéfinira la datation universelle.

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Le moine Denys le Petit. Photo: Auteur inconnu, vers le VIe siècle, Wikimedia Commons, domaine public

Jusqu’alors, les années se comptaient à partir de la date présumée de la fondation de Rome. Denys le Petit remet le compteur à zéro et attribue l’an 1 à l’année de naissance de Jésus qu’il a calculée lui-même.

C’est le début d’un temps nouveau – l’ère chrétienne est née! Bon, on s’est rendu compte par la suite qu’il s’était trompé d’environ cinq ans. Personne n’est parfait!

Quel est le lien de tout ça avec l’année d’imposition au Royaume-Uni? On y arrive.

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Dans sa réforme, Denys le Petit fixe le début de l’année en mars, comme le faisaient les anciens Romains avant Jules César, et plus précisément au 25 du mois.

Cette date correspondait à la fête de l’Annonciation, soit le moment où l’ange Gabriel annonce à Marie qu’elle est enceinte du Christ. Neuf mois plus tard, c’est… Noël. Au moins, les dates fonctionnaient.

Certains pays européens chrétiens, comme l’Angleterre, adoptent le 25 mars comme jour de l’An. L’Angleterre le fait au XIe siècle. À d’autres endroits, on maintient le 1er janvier ou une autre date. Il aurait été donc impossible à l’époque de diffuser un Bye bye en même temps.

Plus de 1000 ans plus tard survient une autre grande réforme: le calendrier grégorien. En 1686, le pape Grégoire XIII fait adopter un nouveau calendrier qui rattrape le temps perdu par celui de Jules César.

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Première page de la bulle Inter Gravissimas, datée du 24 février 1582, dans laquelle le pape Grégoire XIII institue le calendrier qui porte son nom et qui est très largement en usage dans le monde. Photo: Wikimedia Commons, domaine public

Une réforme tardive en Grande-Bretagne

Pour bien des pays d’Europe occidentale, le 4 octobre 1582 sera suivi du 15 octobre.

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Mais encore une fois, l’Angleterre, qui avait tourné le dos à la papauté et à l’Église catholique, fait bande à part. Elle garde le calendrier julien et n’adoptera le nouveau calendrier qu’en 1752, soit 170 ans plus tard.

Le 1er janvier devient alors le début de l’année. Ainsi, l’an 1751 a débuté le 25 mars pour se terminer le 1er décembre, ce qui représente une année d’environ 9 mois et 1 semaine. Apparence que plusieurs ont dit cette année-là que le temps passait vite.

À l’époque, le retard occasionné par le calendrier julien par rapport au calendrier grégorien est de 11 jours, que l’Angleterre — devenue entre-temps la Grande-Bretagne — doit retrancher pour se mettre au diapason des autres pays.

Pour ne pas perdre de revenus et de maintenir un exercice financier complet, le gouvernement britannique décide de changer la date du début de l’année d’imposition des particuliers et de la faire passer du 25 mars au 5 avril.

Pour des raisons complexes, une autre journée s’ajoutera par la suite pour en arriver à la date actuelle du 6 avril.

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