Sages propos d’un éducateur chevronné: Maurice Lapointe

Précieux conseils pour tout le monde de l'éducation

Maurice Lapointe (1930-2015) a publié ses mémoires à compte d'auteur: véritable testament pour la francophonie ontarienne.
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Publié 18/02/2020 par Gérard Lévesque

«Comme éducateur, je demeure inquiet devant certaines tendances en gestion scolaire qui transforment les conseils scolaires beaucoup plus en lieux de pouvoir qu’en structures de services. L’évolution est parfois cachée, mais elle est pernicieuse; d’autres fois, la tendance est tellement manifeste qu’elle est choquante.»

C’est ce qu’on peut lire dans les mémoires de Maurice Lapointe, publiés à compte d’auteur sous le titre 50 ans en francophonie ontarienne et disponibles à la Librairie du Soleil, 33 rue George, Ottawa K1N 8W5; téléphone: 613-241-6999.

Une contribution inestimable

Maurice Lapointe a contribué d’une façon inestimable au domaine de l’éducation franco-ontarienne, notamment à Ottawa où il a été le directeur fondateur (1971-1979) de l’École secondaire publique De La Salle.

Il a été membre de la communauté des Frères des écoles chrétiennes, président (1967) de l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), membre (1967-1968) du Comité ministériel sur les écoles secondaires de langue française, membre (1970-1976) du Conseil d’administration de l’Office de télécommunication éducative de l’Ontario (le précurseur de TVO et TFO), et membre (1974-1976) du Conseil des affaires franco-ontariennes (CAFO, le précurseur du ministère des Affaires francophones).

Au cours de sa carrière, il a été président (1969-1970) de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l’Ontario (FEO), membre (1984-1986) du Groupe de travail sur les services en français à l’Université d’Ottawa, membre (1985) du Comité sur l’accès des francophones à la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Il a été coordonnateur (1981-1987) de la Formation à l’enseignement à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa et membre (1990-1991) du Comité ministériel sur les services en français en Ontario.

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Premier président de La Cité

En 1988, il a mis sur pied le Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton, dont il a été le directeur général intérimaire.  Il a également participé en 1989 à la fondation puis, en 1990, à la direction du Centre de leadership en éducation.

Ayant pris sa retraite, il a été invité par le gouvernement à fonder le premier collège communautaire de langue française en Ontario, La Cité collégiale, dont il a assumé la présidence du conseil d’administration, de 1989 à 1992. Depuis 2011, un établissement d’enseignement porte son nom: l’école élémentaire et secondaire publique Maurice-Lapointe. Le Centre franco-ontarien de ressources pédagogiques a consacré à Maurice Lapointe un livret de sa collection intitulée Des gens d’exception.

Le 24 novembre 1967, William Davis, alors ministre de l’Éducation, annonce la création du Comité ministériel sur les écoles secondaires de langue française. En plus du président Roland Bériault et du secrétaire Charles Beer, les membres sont Harold Blanchard, Tom Campbell, Hervé Cyr, Lionel Desjarlais, Omer Deslauriers, Vincent Gauthier, Elise Grossberg, Maurice Lapointe, Jacques Leduc et Andrew McKague.
Le 24 novembre 1967, William Davis, alors ministre de l’Éducation, annonce la création du Comité ministériel sur les écoles secondaires de langue française. En plus du président Roland Bériault et du secrétaire Charles Beer, les membres sont Harold Blanchard, Tom Campbell, Hervé Cyr, Lionel Desjarlais, Omer Deslauriers, Vincent Gauthier, Elise Grossberg, Maurice Lapointe, Jacques Leduc et Andrew McKague.

Pour des conseils scolaires unifiés

Le chapitre 6 est entièrement consacré au Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton, obtenu en 1988 mais aboli en 1995. En 1997, il y a eu création de douze conseils scolaires de langue française: 8 catholiques et 4 publics dont les territoires couvrent la province.

Maurice Lapointe demeure convaincu du bien-fondé de ce conseil unifié et du modèle envisagé. «Il aurait dû et il aurait pu mieux fonctionner si on avait compris qu’à la base, la pleine collaboration et l’entente entre les sections étaient indispensables

Il rappelle certaines interventions faites lors des débats sur le projet de loi 109 qui allait créer le Conseil scolaire de langue française d’Ottawa-Carleton après 16 ans de démarches et d’études. L’Ontario Separate School Trustees Association (OSSTA) et les évêques anglophones avaient énormément peur du concept d’un conseil scolaire francophone regroupant, en deux sections, les écoles catholiques et les écoles publiques de langue française.

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Compétition vs coopération

«Ils craignaient qu’un tel modèle ne leur soit imposé dans l’avenir. Ne pouvant s’attaquer directement au principe comme ils l’avaient fait dans le passé, ils se mirent à vouloir diminuer la liste des dossiers et des services mis en commun. Ils eurent malheureusement l’oreille du ministre de l’Éducation… On perdait du terrain et je voyais ces pertes comme autant d’attaques au principe d’un conseil scolaire homogène et à sa capacité de fonctionner.»

Maurice Lapointe (1930-2015)
Maurice Lapointe (1930-2015)

«Il y avait eu tellement d’études et d’opinions juridiques sur la légitimité constitutionnelle d’un tel conseil. Pourtant, voilà qu’à la veille de sa mise sur pied, on cherchait à en saper les bases.» Il regrette que des attitudes et prises de position soient venues nuire à l’unité qui prévalait entre francophones et promouvoir la compétition plus que la coopération.

L’allusion aux attaques du passé au principe de la gestion scolaire par les francophones réfère au renvoi plaidé en 1984 en Cour d’appel de l’Ontario au sujet de la gestion des établissements d’enseignement de la minorité franco-ontarienne.

Les organismes anglo-catholiques Ontario Separate School Trustees’ Association, Metropolitan Separate School Board et Ontario English Catholic Teachers’ Association se sont alors opposés aux positions avancées par l’Association canadienne-française de l’Ontario (ACFO), l’Association des enseignantes et des enseignants franco-ontariens (AEFO), l’Association française des conseils scolaires de l’Ontario (AFCSO), l’Association canadienne d’éducation de langue française (ACELF), le Conseil francophone de planification scolaire d’Ottawa-Carleton, la Fédération des francophones hors-Québec (FFHQ), le Commissaire aux langues officielles, le Parti libéral de l’Ontario et le Nouveau Parti démocratique de l’Ontario.

Laïcs vs catholiques: une compétition outrée

En terminant le récit succinct de ses mémoires, Maurice Lapointe attire notre attention sur la compétition qu’il juge parfois outrée, au sein de la francophonie ontarienne, entre les conseils scolaires publics (laïcs) et les conseils scolaires catholiques.

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«Si la compétition peut être saine et possible dans des centres plus populeux, elle est néfaste dans des localités éloignées et dans celles où nous sommes très minoritaires. Elle se fait à notre détriment. Je ne comprends pas ce refus de collaboration là où il est évident qu’elle serait au bénéfice des nôtres.»

Ouverture d’esprit

En épilogue, Maurice Lapointe nous passe un message clair: «Je comprends parfois l’esprit de ghetto, pour ne pas dire de clocher, mais je souhaite que nous le dépassions et que nous nous ouvrions à la francophonie ontarienne dans son ensemble et aussi à l’humanité dont nous faisons partie. À force de travailler à notre propre survie et à notre propre développement, nous risquons de limiter notre regard et d’oublier les causes qui nous dépassent géographiquement, culturellement ou institutionnellement.»

L’ouvrage de 125 pages contient cinq annexes, dont le texte d’une magistrale conférence que Maurice Lapointe a présentée au Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) en janvier 2013.

Il y donne de précieux conseils à toutes les personnes en poste de responsabilité dans le monde de l’éducation. Il invite à la solidarité, à la collaboration dans des termes très précis, dans un esprit de service auprès de la communauté franco-ontarienne.

Ce document constitue un véritable testament culturel de la part d’un éducateur qui a été un visionnaire dans notre milieu depuis les années 1960.

Auteur

  • Gérard Lévesque

    Avocat et notaire depuis 1988, ex-directeur général de l'Association des juristes d'expression française de l'Ontario. Souvent impliqué dans des causes portant sur les droits linguistiques. Correspondant de l-express.ca, votre destination pour profiter au maximum de Toronto.

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