Roman sur la puissance créatrice du regard

Denis Robitaille : Jeune femme aux cheveux dénoués

Denis Robitaille, Jeune femme aux cheveux dénoués, roman, Montréal, Éditions Fides, 2019, 408 pages, 23,99 $.
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Publié 21/07/2019 par Paul-François Sylvestre

Le titre du roman historico-psycho-artistique Jeune femme aux cheveux dénoués, de Denis Robitaille, réfère à un portrait exécuté durant l’occupation allemande à Paris. Le tableau qui aurait pu être un Cézanne demeure fictif, mais permet à l’auteur de démontrer comment l’art peut jouer un rôle de premier plan dans la vie des gens.

L’histoire nous fait osciller entre la Seconde Guerre mondiale et le Montréal de 1979 à l’époque où Joe Clark et René Lévesque sont premiers ministres. Diverses intrigues et divers personnages s’entrecroisent sur un fond d’enquête sur les traces des œuvres d’art spoliées par les nazis.

La puissance de l’art

À travers l’histoire du courtier Jean Meunier, de la galériste Anne Vaudreuil, de la jeune Laurette Garbowski aux cheveux dénoués et de la journaliste américaine Gisel Lewis, le romancier nous plonge dans la puissance de l’art.

Avec le personnage Jean Meunier, par exemple, Robitaille illustre comment on peut «percer l’intention d’une image et ses moindres secrets» sans pour autant voir au-delà de la surface dès lors qu’il s’agit d’êtres vivants.

Anne Vaudreuil recherche un art frondeur qui l’oblige à revoir le rapport au monde et qui dénonce l’affaissement de la conscience. Pour elle, l’art consiste à «voir le monde autrement». Quant à Jean Meunier, un tableau exerce une opération de sauvetage, «cependant, entre chacun d’eux et moi, je ne saurais dire qui se porte au secours de l’autre».

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Univers intime

Peindre un tableau ne consiste pas seulement à raconter une histoire, mais surtout à puiser ce qu’on a en soi, à exprimer l’ardeur qui bouillonne en soi sans parvenir à la saisir complètement.

Ainsi, «tout en reproduisant un paysage, Cézanne peignait à travers lui son univers intime». Il n’y a que l’imagination d’un artiste pour déloger ce qu’il y a de plus enfoui chez un être humain.

Anne Vaudreuil recherche un art frondeur qui l’oblige à revoir le rapport au monde et qui dénonce l’affaissement de la conscience. L’art consiste à «voir le monde autrement». Pour Jean Meunier, un tableau exerce une opération de sauvetage, «cependant, entre chacun d’eux et moi, je ne saurais dire qui se porte au secours de l’autre».

Physionomie précise

Le style de Denis Robitaille est finement ciselé, surtout lorsqu’il décrit la physionomie d’un personnage: «cheveux gris bien coiffés, lèvres minces, visage rasé de près, rides estompées avec soin»; ou encore: «sautoir de perles sur une robe couleur rubis, maquillage soigné, exerçant l’art de la conversation comme une épouse de diplomate».

Il déniche des comparaisons très imagées, dont voici un bel exemple: «un tissu sur les reins comme une rivière, ses courbes nues comme des dunes». Pour décrire comment Jean Meunier est particulièrement efficace dans l’ombre, Robitaille écrit: «Même seul dans une pièce, il passe inaperçu.»

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L’éditeur a raison de dire que l’auteur nous livre ici un roman sur la puissance créatrice du regard.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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