Roman-réflexion
 sur la vieillesse

Nous étions jeunes encore, de Gilles Archambault

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Publié 12/01/2010 par Paul-François Sylvestre

Depuis son premier livre publié en 1963, Gilles Archambault n’a cessé de construire patiemment, fidèlement, à travers romans, nouvelles, chroniques et autres écrits, une œuvre de prose qui apparaît aujourd’hui comme l’une des plus indépendantes et des plus authentiquement personnelles de la littérature québécoise contemporaine. Nous étions jeunes encore est son vingt-neuvième ouvrage.

Ce petit roman de 160 pages est une réflexion sur la vieillesse. L’auteur livre sa pensée en décrivant la relation entre deux septuagénaires, deux êtres à la fois vibrants et désenchantés pour qui la vie maintenant s’achève, leur laissant un sentiment mêlé de victoire et d’échec, d’inutilité et d’inoubliable beauté.

J’ai dit deux êtres mais ils sont vraiment trois: un homme, une femme, un défunt. L’homme s’appelle Pierre-André; il a publié des romans pour happy few mais n’entretient aucune illusion sur la pérennité de son œuvre. Sa femme, Marthe, avec qui il ne vit plus depuis des années, a été journaliste politique; elle aussi a passé l’âge des vanités et des désirs. Entre eux se tient Maxime, qui vient de mourir; il a été depuis toujours l’ami de Pierre-André, pendant dix ans l’amant de Marthe.

La matière centrale du roman tient en un seul jour (celui de la mort de Maxime), en un seul lieu (l’appartement de Marthe) et en une seule action, qui à vrai dire n’en est pas une. C’est plutôt la longue, l’inépuisable remémoration, à travers les paroles, les silences et les petits gestes d’affection que s’échangent Marthe et Pierre-André, de tout ce qui dans leur passé – et dans leur lien avec le défunt – les a unis et éloignés, meurtris et ravis.

Le récit est une promenade sur une mer calme. Pas de vagues houleuses, pas de rebondissements renversants. Lorsqu’il y a de petites secousses, elles proviennent de brefs commentaires comme «Nous sommes des retraités, mon cher, nous avons été, nous ne sommes plus.» Ou encore «Marthe et moi en sommes à cet instant de la vie où les souvenirs comptent plus que le présent.» Sans oublier cette définition: «Vieillir, c’est avant tout connaître l’impossibilité d’accéder à des terres nouvelles.»

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J’avais pensé écrire que le style de Nous étions jeunes encore est sage. Je devrais plutôt dire sobre. Pourquoi? Parce que Archambault se fait un peu espiègle. Il raconte tout le contraire de ce qu’il a été. Son Pierre-André est un «romancier décati».

Si cet homme a persisté à écrire et à publier des romans, c’est par désir «de traduire son inadaptation au monde». Il vit et rêve au passé. Il a tout fait pour oublier ses livres sitôt écrits, mais restent «l’émerveillement ressenti parfois au détour d’une page, une tournure de phrase, un bonheur d’expression.» Il a écrit pour quelques happy few, il a exprimé «une émotion qui aurait fourni le tissu de livres auxquels il avait dû se contenter de rêver.» Tout le contraire d’Archambault!

Certains chapitres du roman sont écrits au «je». Ainsi, un chapitre commence par «En présence de Marthe, j’évite toute allusion à la vieillesse.» À d’autres moments, il y a un narrateur et le chapitre débute par «Pierre-André avait parfois songé à écrire un roman qui ne porterait que sur l’amour.» Étrange formule qui demeure parfois déroutante.

Archambault a beaucoup écrit. Il a surtout beaucoup lu. Son roman fourmille de références à une kyrielle d’auteurs français (Yourcenar, Le Clézio, Sollers), italiens (Ungaretti, Leopardi), autrichien (Handke) et québécois (Grandbois). Ce dernier a écrit: «Le temps bondira sur toi comme une panthère noire.»
Et Archambault d’ajouter: «Pas mal comme titre de roman».

Le texte de Nous étions jeunes encore ne bondit pas sur nous, il se glisse en nous, au compte-gouttes, pour mieux se laisser savourer.

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Gilles Archambault, Nous étions jeunes encore, roman, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2009, 168 pages, 19,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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