Depuis son premier livre publié en 1963, Gilles Archambault n’a cessé de construire patiemment, fidèlement, à travers romans, nouvelles, chroniques et autres écrits, une œuvre de prose qui apparaît aujourd’hui comme l’une des plus indépendantes et des plus authentiquement personnelles de la littérature québécoise contemporaine. Nous étions jeunes encore est son vingt-neuvième ouvrage.
Ce petit roman de 160 pages est une réflexion sur la vieillesse. L’auteur livre sa pensée en décrivant la relation entre deux septuagénaires, deux êtres à la fois vibrants et désenchantés pour qui la vie maintenant s’achève, leur laissant un sentiment mêlé de victoire et d’échec, d’inutilité et d’inoubliable beauté.
J’ai dit deux êtres mais ils sont vraiment trois: un homme, une femme, un défunt. L’homme s’appelle Pierre-André; il a publié des romans pour happy few mais n’entretient aucune illusion sur la pérennité de son œuvre. Sa femme, Marthe, avec qui il ne vit plus depuis des années, a été journaliste politique; elle aussi a passé l’âge des vanités et des désirs. Entre eux se tient Maxime, qui vient de mourir; il a été depuis toujours l’ami de Pierre-André, pendant dix ans l’amant de Marthe.
La matière centrale du roman tient en un seul jour (celui de la mort de Maxime), en un seul lieu (l’appartement de Marthe) et en une seule action, qui à vrai dire n’en est pas une. C’est plutôt la longue, l’inépuisable remémoration, à travers les paroles, les silences et les petits gestes d’affection que s’échangent Marthe et Pierre-André, de tout ce qui dans leur passé – et dans leur lien avec le défunt – les a unis et éloignés, meurtris et ravis.
Le récit est une promenade sur une mer calme. Pas de vagues houleuses, pas de rebondissements renversants. Lorsqu’il y a de petites secousses, elles proviennent de brefs commentaires comme «Nous sommes des retraités, mon cher, nous avons été, nous ne sommes plus.» Ou encore «Marthe et moi en sommes à cet instant de la vie où les souvenirs comptent plus que le présent.» Sans oublier cette définition: «Vieillir, c’est avant tout connaître l’impossibilité d’accéder à des terres nouvelles.»