Roman envirant et déstabilisant

L'action de Freux, de Pierre Ouellet, se déroule à Savannah

Pierre Ouellet, Freux, roman, Longueuil, L’instant même, 2019, 300 pages, 32,95 $.
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Publié 22/12/2019 par Paul-François Sylvestre

Dans le roman Freux de Pierre Ouellet, la ville de Savannah, en Géorgie, est le théâtre de drames innommables. Un homme, tantôt appelé le Pasteur ou le Prédicateur, est l’auteur de crimes en série qui nous sont racontés par un écrivain.

Le freux est un oiseau tenant à la fois du corbeau et de la corneille, caractérisé par un bec étroit dont la base n’est pas garnie de plumes. En ornithologie, on prétend que les freux poussent plus loin l’esprit de justice…

Le narrateur de Freux est un écrivain qui se délecte de phrases très longues (20 lignes et plus), très finement ciselées, tour à tour enivrantes ou ensorcelantes. Pour lui, nous sommes «un puzzle en constante décomposition, qu’il faut reconstituer à tout bout de champ».

Le prédicateur brouille les pistes

Pierre Ouellet crée un prédicateur qui publie des nouvelles «détournant l’attention sur un crime fictif d’une telle complexité qu’on ne voyait plus le meurtre réel qu’il représentait ou qui l’avait inspiré». Chaque crime que ce pasteur commet relève de la «méditation», bien plus qu’il n’est «prémédité».

Le prédicateur brouille les pistes en parlant de ses crimes à la troisième personne dans ses récits, ses oraisons, ses homélies, ses déplorations et autres lamentations.

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Et pour rendre l’atmosphère plus trouble, plus lugubre, un détective privé est invité à prier dans les franges de mousse grise des chênes si typiques à Savannah.

Ce détective suit une jeune femme, petite corneille, qui n’a pas l’air de savoir où elle va, «sinon vers un destin qui qui l’attendait depuis toujours».

Théologie et éthique

Le texte est émaillé de références à Mary Flannery O’Connor (1925-1964), nouvelliste américaine née à Savannah et décédée à Milledgeville, en Géorgie, deux villes où l’action du roman se déroule. Cette autrice a été fascinée par les questions théologiques et éthiques, tout comme Pierre Ouellet, semble-t-il.

Ouellet a signé 8 récits et romans, 22 recueils de poésie et 17 essais.

Il sait que «les grands criminels comme les grands amoureux et les grands auteurs purgent l’humanité de tout ce qui l’excède, l’afflige et la dépasse, l’amour extrême comme tout ce qui est abusif ne pouvant se vivre jusqu’au bout sans que s’ouvrent en lui les canaux d’évacuation du trop-plein d’être qu’il crée à chaque instant…»

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La fille aux oiseaux

L’illustration en page couverture reprend la sculpture Bird Girl réalisée en 1936 par Sylvia Shaw Judson à Lake Forest, dans l’Illinois. Le moule a servi à produire seulement quatre statues, dont l’une exposée dans le cimetière Bonaventure à Savannah, mais aujourd’hui transférée au Telfair Museum.

La richesse et la virtuosité de Freux étonnent, voire déstabilisent. La lecture est exigeante mais a le mérite d’entraîner le lecteur dans un labyrinthe d’odeurs et d’ombres dont personne ne peut sortir indemne.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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