Roman à trois voix sur le triangle amoureux

Mario Benedetti, Qui de nous peut juger, roman traduit de l’espagnol par Serge Mestre, Paris, Éditions Autrement, 2016, 144 pages, 24,95 $.
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Publié 06/02/2017 par Paul-François Sylvestre

L’Uruguayen Mario Benedetti (1920-2009) est considéré comme un ténor de la littérature latino-américaine: 80 livres traduits en 25 langues. Qui de nous peut juger, écrit en 1953, est son premier roman, mais une version publiée en France demeure récente. La critique parle d’une «petite merveille», d’un «chef-d’œuvre comme on en fait peu».

Mario Benedetti nous offre un roman à trois voix sur le triangle amoureux. Miguel et Alicia sont mariés et parents de deux enfants, mais l’ami Lucas est toujours dans le portrait, dans l’ombre. Chacun raconte sa version du ménage à trois et de la rupture qui s’ensuit.

On a droit à trois styles littéraires. Miguel choisit le journal intime. Alicia s’exprime à travers une lettre au mari qu’elle quitte. Lucas écrit une nouvelle à la troisième personne, changeant le nom de tous les protagonistes.

Miguel occupe une moitié du roman et se plaint de ne pas être ce qu’il aurait pu être. Il considère «être la plus sincère des personnes banales». Et il n’est pas gêné de se trouver idiot.

À son avis, la simple attirance sexuelle modifie le véritable amour. Lui et Alicia ne s’aiment pas, «ils ont besoin l’un de l’autre, un point c’est tout».

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Dès que Miguel et Alicia sont en tête-à-tête, ils parlent de Lucas. Lorsqu’Alicia et Lucas sont ensemble, Miguel est certain qu’ils parlent de lui. À son avis, «le bonheur possible n’est pas celui qu’on n’atteint pas, mais celui qu’on n’aurait jamais pu atteindre».

Dans la lettre à son mari, Alicia déplore que leur amour ait toujours été sous-entendu. Ce silence raté demeure une erreur et a fait en sorte que leur mariage soit devenu non pas un échec mais «un succès gaspillé».

Tel que mentionné plus tôt, Lucas prend la parole en écrivant une nouvelle qui, curieusement, comprend 34 notes pour un texte de seulement 50 pages. Une de ces notes s’étire sur 9 lignes afin d’explique pourquoi «Il» rit en basculant la tête en arrière.

On se demande parfois si le nœud de l’histoire racontée par Lucas ne se trouve pas davantage dans les notes que dans le récit lui-même. C’est ainsi qu’on apprend comment le récit peut rater ses effets ou que «la réalité valide poétiquement le récit».

Après avoir lu les trois versions de la rupture ou de l’aventure, «qui de nous peut juger» de la vérité concernant ces trois protagonistes? Peut-être se trouve-t-elle entre les lignes…

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Chose certaine, Qui de nous peut juger n’est pas le chef-d’œuvre que l’éditeur nous invite à ne pas rater. Le récit demeure néanmoins original et finement ciselé.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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