Recherches en français à Toronto sur les migrations et l’intégration

L’UOF et Ryerson main dans la main

UOF, migrations, intégration
Souhail Boutmira, Younes Ahouga et Anna TriandafyllIdou de l’équipe francophone de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur les migrations et l'intégration. La prof Linda Cardinal assurait la modération. Photo: UOF.
Partagez
Tweetez
Envoyez

Publié 24/03/2022 par Clément Lechat

La recherche universitaire est souvent dominée par des travaux de langue anglaise. Face à ce «monopole», la nouvelle Université de l’Ontario français (UOF) cherche à bâtir des espaces de dialogue académique en français, comme sur la question des migrations et de l’intégration.

Des chercheurs de la Chaire d’excellence en recherche du Canada sur les migrations et l’intégration de l’Université Ryerson ont relevé ce défi en venant présenter leurs recherches en français au 9 rue Lower Jarvis.

Les trois membres de la Chaire, dont sa titulaire, Anna Triandafyllidou, répondaient à l’invitation du Carrefour francophone du savoir et de l’innovation de l’UOF. Voici une présentation non exhaustive de leurs travaux pour mieux comprendre la question des migrations et de l’intégration.

UOF, migrations, intégration
Les participants ont répondu aux questions du public en présence de Florence Ngenzebuhoro, directrice générale du Centre francophone du Grand Toronto (à g.).

Un résident effectif, qu’est-ce que c’est?

Sous l’œil de la docteure Anna Triandafyllidou, la pandémie est devenue un terrain d’exploration passionnant pour ses recherches sur les migrations, le nationalisme et la citoyenneté. L’ouverture ou la fermeture des frontières en a dit beaucoup sur les liens entre Canadiens, résidents permanents et temporaires.

«La pandémie nous a fait connaître des expériences qu’on n’aurait pas pu imaginer, par exemple que la mobilité dans le même pays soit limitée», souligne-t-elle. Cette restriction du droit de circuler entre les provinces «n’avait jamais été concevable», ajoute-t-elle. Et elle a remis en question l’unité du Canada.

Publicité

Ces tensions et rigidités au niveau provincial contrastent avec les frontières internationales… Qui se sont révélées en comparaison beaucoup moins rigides. Cela selon la chercheuse, qui s’intéresse au concept de «résidence effective».

UOF, migrations, intégration
Anna TriandafyllIdou est titulaire de la Chaire depuis 2019. Photo: Clément Lechat

«Au Canada, il y a une distinction assez nette entre être résident permanent et temporaire». Cependant, lorsque le gouvernement fédéral a fermé les frontières le 16 mars 2020, il s’est rapidement rendu compte que certains résidents temporaires vivaient au Canada comme s’ils avaient déjà reçu la résidence permanente.

«Avoir un appartement, payer ses factures, scolariser ses enfants» sont autant de preuves qu’une personne vit effectivement au Canada, étaye Anna Triandafyllidou.

Sur cette base, «après deux jours de fermeture absolue, les frontières étaient rouvertes pour tous ceux qui étaient résidents temporaires».

«À mon avis, le Canada a créé une innovation sociale et peut-être légale dans le futur», pense la spécialiste. Elle espère que ce nouveau concept inspirera d’autres recherches au sein de la Chaire.

Publicité

Migrants, réfugiés et pactes internationaux

De son côté, Younes Ahouga s’intéresse à des questions très techniques, mais qui sont cruciales pour améliorer la vie des migrants et des réfugiés.

prof Ryerson
Younes Ahouga.

En 2018, l’Organisation des Nations Unies a adopté deux Pactes, sur les migrations et les réfugiés. Pour s’assurer qu’ils sont bien mis en œuvre et produisent des résultats, elle prévoit des mécanismes de suivi et d’évaluation.

Comment cette «machine institutionnelle» fonctionne-t-elle? C’est la question qui anime le chercheur.

Accroître la sécurité des routes migratoires, lutter contre la traite des êtres humains, réduire la pression sur les sociétés d’accueil… À eux deux, les Pactes regroupement pas moins 27 objectifs ambitieux et représentent «une étape importante dans la prise en charge de la mobilité humaine à l’échelle internationale», résume-t-il.

Mais au-delà des bonnes intentions des États, les difficultés s’accumulent lorsqu’il s’agit de passer à l’étape du suivi et de l’évaluation. Des organismes en sont chargés, mais auront-ils une chance de se faire une place dans le vaste environnement institutionnel de l’ONU? Rien n’est moins sûr selon le chercheur.

Publicité
ONU
L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté le Pacte mondial pour les réfugiés et celui sur les migrations les 17 et 19 décembre 2018.

Il a identifié différents obstacles à surmonter. Par exemple, il faut faire travailler ensemble des acteurs aux préférences divergentes, comme des États, des ONGs, des entreprises, des organisations internationales.

Alors que certains préfèrent la négociation politique pour faire avancer leurs positions, d’autres sont des «technocrates» qui veulent appliquer de façon «standardisée et apolitique les mécanismes de mesure et d’assistance technique», résume Younes Ahouga.

Comment intégrer les réfugiés aînés syriens?

Les réfugiés syriens, que le gouvernement canadien prend en charge, ont moins de chances de s’intégrer et d’obtenir un emploi que ceux accompagnés par des parrains privées. Ce constat interroge Souhail Boutmira.

Et si la différence se jouait au niveau de la barrière linguistique? Le candidat au doctorat est allé à la rencontre de Syriens dans le Grand Toronto – notamment à Hamilton – pour s’intéresser au cas des réfugiés aînés.

À l’encontre de l’image de l’aîné «fardeau», «j’ai rencontré des gens qui étaient bien éduqués, qui connaissaient le français ou l’anglais, capables de travailler», raconte-t-il.

Publicité

Mais d’autres réfugiés ont eu du mal à continuer les cours de langue, qui sont devenus «inadéquats» pour répondre à leurs besoins après la première ou la deuxième année de leur arrivée au Canada.

«Ils ont bien  acquis la syntaxe, le lexique, le vocabulaire… Mais l’environnement formel ne les a pas motivés pour apprendre davantage. Ce qui explique pourquoi ils n’ont pas gravi les échelons», regrette le chercheur.

Les plus modestes n’ont pas pu se rendre aux cours quotidiennement. «Ils n’ont pas les moyens de payer les transports, vivant avec un budget strict.»

UOF, migrations, intégration
Les recherches de Souhail Boutmira réimaginent le concept de réunification familiale pour y inclure les aînés. Photo: Clément Lechat

Des recommandations

Souhail Boutmira souhaite que ses travaux soient utiles pour orienter les travailleurs sociaux et les décideurs politiques.

Parmi ses nombreuses recommandations, il conseille d’informer de façon personnalisée les nouveaux arrivants sur les différents types de cours de langue disponibles (à temps plein et partiel, formels et informels).

Publicité

Des transports 100% gratuits pour les aînés se rendant aux cours de langue amélioreraient aussi leur intégration au Canada.

Auteur

Partagez
Tweetez
Envoyez
Publicité

Pour la meilleur expérience sur ce site, veuillez activer Javascript dans votre navigateur