Qu’est-ce qui motive une personne à écrire?

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Publié 27/02/2007 par Paul-François Sylvestre

Depuis plus de 25 ans, Paul Savoie se consacre à l’écriture et suit de près le processus de création des écrivains francophones de l’Ontario, de l’Acadie et de l’Ouest canadien.

Comme il aime savoir ce que ses collègues-auteurs pensent de l’acte de création littéraire, Savoie a décidé de les interroger, de gratter derrière la surface, d’essayer de comprendre ce qui motive un écrivain, ce qui définit sa démarche. Il a interrogé 20 personnes et a publié le fruit de ces entretiens dans un ouvrage intitulé Acte de création.

Dans une chronique comme celle-ci, je ne peux évidemment pas résumer ce que chacune des 20 personnes a dit. Je choisis volontairement de vous présenter quelques bribes d’information sur les 7 écrivaines et écrivains torontois qui figurent au menu des entretiens «savoyens». On y apprend des choses fort intéressantes, notamment que Pierre Léon a toujours considéré l’écriture d’un poème, d’un conte, d’une nouvelle ou d’un récit comme «une activité ludique. Oserai-je dire: secondaire, même si, plus tard, elle devait devenir primordiale.»

Léon avoue ne s’être jamais pris au sérieux (sa mère l’accusait d’être un incorrigible taquin) et cela lui a permis de survivre à «la jungle universitaire où tant de gens ne sont vraiment pas rigolos». Pour les gens qui se souviennent des chroniques Humour en coin ou qui lisent Grain de sel, il n’est pas surprenant d’entendre l’auteur affirmer que «l’humour et sa cousine, l’ironie, sont des armes plus efficaces que toute diatribe».

Antonio D’Alfonso a publié en italien, en français et en anglais, ce qui lui a permis de poser un regard assez sévère sur l’avenir du Canada.

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Aujourd’hui, il choisit d’écrire en français seulement. Pourquoi? «Parce que je suis de plus en plus sûr que l’avenir du Canada n’est pas la langue anglaise. De toutes les langues parlées dans ce pays, celle qui risque de disparaître est l’anglaise. C’est celle qui nous nuit le plus dans la formulation de notre propre identité, c’est la langue la plus bornée, celle qui dit non le plus souvent à l’invitation venant de l’extérieur, en dehors de nos frontières.»

Lauréat du Prix Trillium, finaliste du Prix du Gouverneur général, Didier Leclair connaît la dure réalité des livres en français en Ontario: «c’est lent et il faut aussi un peu de chance». Leclair considère que l’acte d’écriture se présente toujours comme un acte clandestin. Il partage l’avis de Philippe Sollers qui déclare: «Soyez clandestins en littérature et dans la société en général.» Cet écrivain torontois écrit durant la nuit, quand tout le monde dort. «La volonté d’écrire est toujours présente. Autrement, je n’y arriverais pas.»

Poète électrique, Marc LeMyre écrit d’une manière bordélique, voire délirante, surtout lorsqu’il travaille seul. Quand l’autre intervient (le musicien, par exemple), le poète apprend «à faire la part des choses entre moi et l’autre».

Selon LeMyre, l’idéal est de pouvoir atteindre ces zones de délire quand on travaille avec autrui. Le processus de création revêt dès lors les traits d’une «confiance mutuelle». À l’instar de Pierre Léon, Marc LeMyre considère l’écriture, et sa livraison, comme un jeu. Il estime parfois ne pas jouer assez. «Pire: les adultes, plus ils vieillissent moins ils jouent! Cela me trouble beaucoup parfois.»

Marguerite Andersen dit tout haut ce que d’autres pensent tout bas. «J’aime bien qu’on me loue, qu’on me dise que je fais bien. Surtout parce que j’ai toujours tendance à douter de moi et de mon travail d’écrivain.»

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La romancière-nouvelliste retire une grande satisfaction à donner un coup de main aux autres écrivains, à leur apprendre de petits trucs, à lire leurs manuscrits et à suggérer des changements qui lui semblent nécessaires.

Parmi les auteurs qu’elle a appuyés au fil des ans, citons Lucienne Lacasse-Lovsted, Claudette Gravel, Nathalie Stephens, Laurette Lévy, Éric Charlebois, Nancy Vickers et Franco Catanzariti. Marguerite Andersen est contente de ce qu’elle a accompli: «écriture, enseignement, trois enfants qui sont entreprenants, énergiques et productifs (…), mais elle aimerait avoir fait plus en ce qui concerne le féminisme, le pacifisme, la politique, quoi!»

Nouvelliste et conteuse, Aurélie Resch considère que l’écriture est extrêmement personnelle. Dans son cas, le processus de création est souvent déclenché par une naissance ou un décès, une échéance ou un besoin. Cette écrivaine avoue qu’elle a «la chance d’avoir une imagination débordante et d’engranger très rapidement les idées, les situations et les rencontres».

Quant à Hédi Bouraoui, il écrit tout simplement parce qu’il aime la littérature: «elle permet à l’écrivain et aux lecteurs des visions du monde incorporant tous les savoirs», que ceux-ci soient psychologique ou sociologique, esthétique ou anthropologique, historique ou philosophique. Et Bouraoui essaie d’apporter sa petite touche personnelle… «avec l’espoir qu’il en restera quelques traces. Une pierre dans la construction du temple de la Paix dans le monde archi-perturbé et violent dans lequel nous vivons.»

Paul Savoie, Acte de création, entretiens, Ottawa, Éditions L’Interligne, coll. «Amarres», 2006, 248 pages, 24,95 $.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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