La jeune artiste Anne-Marie Proulx a parcouru une grande partie du Grand Nord québécois, dans le territoire du Nitassinan où vivent les Innus, intéressée d’abord à leurs traces dans la pierre, mais rapidement fascinée par leurs paroles.
Elle en a tiré une exposition – littéralement des mots sur des pages: des extraits d’un dictionnaire innu-français – qu’elle a présentée le 12 mai à la galerie YYZ (Richmond et Spadina) en collaboration avec Le Labo. «Une fois traduits en français, les mots innus deviennent des phrases», dit-elle. «Il est presque possible d’entendre ces voix d’une langue d’abord parlée.»
Par exemple, le titre de l’exposition, Aiminanu (de l’innu-aimun, la langue parlée par les Innus) se traduit par «il y a une conversation en cours». Le dictionnaire représente aussi une rencontre ou un dialogue entre deux langues, une occasion pour la jeune artiste de réaliser une véritable conversation.
Originaire de Lévis, Anne-Marie Proulx évoque une relation intime avec les images et les mots. Son univers artistique présente des espaces et des territoires laissant libre cours à l’imaginaire. La plupart de ses projets, depuis quelques années, s’inspirent de ses déplacements sur les traces des «voyageurs, nomades, missionnaires, prospecteurs, romanciers, poètes»…
C’est avec Mathias Mark, originaire de Pakuashipi, qu’Anne-Marie a entrepris cette discussion. L’homme est très investi dans l’apprentissage des compétences et des connaissances de sa culture innue. À l’écoute de cette conversation (disponible dans l’exposition, qui se poursuit jusqu’au 8 juillet), Mathias Mark parle d’appartenance, de la rivière, du territoire. La boucle est bouclée.
- Le mot «matishu» signifie: «Il entend des voix, ressent une présence, il a un pressentiment»…
- Le mot «assi» se traduit par: «De la mousse ou de la terre ou du bois décomposé à consistance poudreuse; le couvert végétal ou le sol; un terrain ou une terre ou un territoire; une patelin ou une communauté ou une région ou un pays; la planète terre.»
- Un cormoran sur l’eau: la seule photo de l’exposition «Aiminanu».