Quand un livre à l’Index menait tout droit à l’Enfer

Pierrette Lafond : Promenade en Enfer

Pierrette Lafond, Promenade en Enfer, Les livres à l'index de la bibliothèque historique du Séminaire de Québec, essai, Québec, Éditions du Septentrion, 2019, 144 pages, 29,95 $.
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Publié 14/07/2019 par Paul-François Sylvestre

Ceux qui sont nés dans les 1920, 1930 ou 1940 ont probablement entendu parler de livres «mis à l’Index». La bibliothèque historique du Séminaire de Québec, fondé en 1663, a contenu exactement 603 titres frappés d’interdit au fil des siècles par la censure ecclésiastique, tous désormais versés au Musée de la civilisation. Pierrette Lafond s’est penchée sur ce fonds et a publié une analyse intitulée Promenade en Enfer.

Le mot Index vient de Index librorum prohibitorum, publication de la Congrégation de l’Index, au Vatican. Il contient «le nom des auteurs, des ouvrages et des textes anonymes dont Rome réprouve officiellement la possession, la lecture, la vente ou la diffusion».

Damnation éternelle

La section de livres interdits dans la bibliothèque du Séminaire de Québec portait le nom Enfer, mot qui frappe l’imaginaire car on nomme «ce lieu d’après le péril encouru pour tout catholique transgressant l’interdit: les principes régissant le magistère de l’Église catholique évoquent la damnation éternelle de l’âme du lecteur comme punition potentielle à la suite de la lecture des mauvais livres».

Les 603 titres logés dans «l’Enfer» sont majoritairement de langue française (381), suivis de l’anglais (152), du latin (60), de plus d’une langue (9) comme latin et grec ou français et italien. Ils proviennent principalement de la France (245), suivis de l’Angleterre (128), des Pays-Bas (77), de la Suisse (37), des États-Unis (40), de la Belgique (20), de l’Allemagne et de l’Écosse (15), le Canada n’en ayant que 9.

Des auteurs punis

L’auteure nous apprend que, au Québec, d’autres formes de censure punitive pouvaient prendre formes, notamment l’autodafé, l’ostracisme, la dénonciation en chaire, l’auteur décrété persona non grata, l’excommunication, le refus de sépulture et l’interdit par décret épiscopal.

Des auteurs comme Rodolphe Girard (Marie Calumet), Albert Laberge (La Scouine) et Jean-Charles Harvey (Les demi-civilisés) ont subi une de ces formes d’opprobre.

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Censure… ou promotion

On peut douter que de l’impact souhaité par un interdit atteignait son plein rendement. C’est bien connu, en effet, que le fruit défendu demeure toujours le plus fascinant, attirant et alléchant.

Le cas de Jean-Paul Sartre constitue un bel exemple. Ce n’est pas seulement L’être et le néant ou L’existentialisme est un humanisme qui ont été frappés d’interdit. L’auteur a été mis à l’Index de Rome omnia opera, c’est-à-dire son œuvre au complet.

Objet de musée

L’ouvrage de Pierrette Lafond est le sujet de son mémoire de maîtrise. Elle explique qu’un texte d’une croyance hétérodoxe représente une cause de damnation éternelle (Enfer) pour le catholique. Des textes qui ont pu être considéré comme objet de corruption des masses apparaissent aujourd’hui «comme un objet de musée».

L’Index a été levé dans les années 1960, après le Concile Vatican II. N’empêche qu’aujourd’hui d’autres voix s’érigent en censeurs et amènent des créateurs de haut calibre à s’autocensurer.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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