Ceux qui sont nés dans les 1920, 1930 ou 1940 ont probablement entendu parler de livres «mis à l’Index». La bibliothèque historique du Séminaire de Québec, fondé en 1663, a contenu exactement 603 titres frappés d’interdit au fil des siècles par la censure ecclésiastique, tous désormais versés au Musée de la civilisation. Pierrette Lafond s’est penchée sur ce fonds et a publié une analyse intitulée Promenade en Enfer.
Le mot Index vient de Index librorum prohibitorum, publication de la Congrégation de l’Index, au Vatican. Il contient «le nom des auteurs, des ouvrages et des textes anonymes dont Rome réprouve officiellement la possession, la lecture, la vente ou la diffusion».
Damnation éternelle
La section de livres interdits dans la bibliothèque du Séminaire de Québec portait le nom Enfer, mot qui frappe l’imaginaire car on nomme «ce lieu d’après le péril encouru pour tout catholique transgressant l’interdit: les principes régissant le magistère de l’Église catholique évoquent la damnation éternelle de l’âme du lecteur comme punition potentielle à la suite de la lecture des mauvais livres».
Les 603 titres logés dans «l’Enfer» sont majoritairement de langue française (381), suivis de l’anglais (152), du latin (60), de plus d’une langue (9) comme latin et grec ou français et italien. Ils proviennent principalement de la France (245), suivis de l’Angleterre (128), des Pays-Bas (77), de la Suisse (37), des États-Unis (40), de la Belgique (20), de l’Allemagne et de l’Écosse (15), le Canada n’en ayant que 9.
Des auteurs punis
L’auteure nous apprend que, au Québec, d’autres formes de censure punitive pouvaient prendre formes, notamment l’autodafé, l’ostracisme, la dénonciation en chaire, l’auteur décrété persona non grata, l’excommunication, le refus de sépulture et l’interdit par décret épiscopal.
Des auteurs comme Rodolphe Girard (Marie Calumet), Albert Laberge (La Scouine) et Jean-Charles Harvey (Les demi-civilisés) ont subi une de ces formes d’opprobre.