Quand le Haut-Canada se payait la traite

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Publié 24/07/2007 par Yann Buxeda

Mercredi dernier, le gouvernement de l’Ontario a officialisé le lancement de l’Exposition du bicentenaire de l’Ontario visant à commémorer le 200e anniversaire de la Loi portant sur l’abolition de la traite des esclaves. Une présentation qui vise à honorer la mémoire des quelque 4 millions de travailleurs forcés qui ont été emmenés de force dans les colonies britanniques du Nouveau Monde, mais aussi à sensibiliser les Ontariens sur un passé qui n’est que très rarement évoqué.

«Le fait que l’esclavage ait existé au début de l’histoire de l’Ontario est un fait peu connu», a souligné le ministre des Affaires civiques et de l’Immigration Mike Colle.

Partant de ce leitmotiv, l’exposition présentée au 880 rue Bay joue tout sur la visibilité. Les murs extérieurs de l’enceinte qui accueillent le gros de la présentation dévoilent des visages de grandes figures abolitionnistes de l’Ontario et du Canada.

L’on y retrouve notamment Marie-Joseph Angélique, une jeune esclave qui avait été exécutée publiquement en 1734 après que l’on l’eût accusée d’avoir incendié Montréal. Elle avait toujours clamé son innocence, et jamais sa culpabilité n’avait pu être prouvée.

À l’image de cet épisode, l’ensemble de l’exposition commémore des instants de lutte contre l’oppression et pour la liberté, comme le soulignait le ministre lors de l’inauguration: «L’exposition illustre l’horreur de la réalité et commémore la lutte pour la liberté, étape essentielle vers l’acceptation et le respect auxquels tous les Ontariens et Ontariennes ont droit.»

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Une fois interpellé par les affichages extérieurs, le spectateur pénètre dans l’enceinte qui accueille l’exposition. Débute alors un émouvant périple à travers l’histoire du Haut-Canada et ses dérives esclavagistes.

Au fil d’une dizaine de panneaux et écrans de télévision, le spectateur se retrouve confronté à diverses étapes majeures de l’esclavagisme canadien et son abolition. Un pan de l’histoire qui débute dès les premiers colons européens.

Mais c’est véritablement en 1783, que les Loyalistes britanniques démocratisent la pratique en introduisant massivement leurs esclaves en Nouvelle-Angleterre. À cette période, le Haut-Canada compte entre 10 000 et 14 000 âmes et l’on estime que 400 à 700 esclaves participent à l’établissement d’une société sédentarisée à l’occidentale.

Pour autant, malgré la marche engendrée dix ans plus tôt, le Canada devient la première compétence britannique à restreindre l’importation d’esclaves dès 1793. Par ailleurs, la Loi stipule que tout enfant de femme esclave qui atteint son 25e anniversaire peut être reconnu comme homme libre au sein de la société canadienne.

Une mesure qui a fait du Haut-Canada un lieu de refuge pour les esclaves du Nouveau Monde.

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Sous l’impulsion du lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe, fervent défenseur de l’abolition totale de l’esclavage, la Loi portant sur l’abolition de la traite des esclaves est adoptée par le parlement britannique en 1807. L’Empire britannique prohibait alors tout commerce relatif à la vente et au transport d’esclaves.

Ce texte, perçu comme un premier pas mémorable dans l’histoire de l’Empire britannique, laissait entrevoir à l’époque ce qui se confirmera 26 ans plus tard; la signature d’un acte mettant un terme à la légalité de toute pratique assimilable à de l’esclavage.

La cérémonie d’inauguration de l’exposition, à l’image de l’exposition en elle-même, a réservé d’intenses moments de tension et d’émotion. En présence d’une dizaine de consuls de pays d’Afrique et des Caraïbes, plusieurs artistes torontois sont venus lire des lettres d’esclaves affranchis.

Une performance bouleversante, imprégnée de souffrance, qui aura sonné comme un hommage à ces ancêtres eux aussi bâtisseurs du Canada, comme le soulignait Jean Augustine, présidente du Comité ontarien de commémoration du bicentenaire de la loi portant sur l’abolition de la traite des esclaves: »L’exposition est l’un des nombreux projets cette année qui informeront les Ontariennes et les Ontariens sur l’histoire de l’esclavage en Ontario, examineront son legs, rendront hommage aux personnes qui ont souffert, et célébreront le courage des personnes qui ont lutté pour la justice et l’égalité.»

L’exposition du bicentenaire s’inscrit dans le cadre de l’investissement d’un million de dollars consenti par le gouvernement McGuinty afin de commémorer la loi de 1807.

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Exposition du bicentenaire de la Loi de 1807, au 880 rue Bay, du mardi au jeudi de 10h à 19h, le vendredi de 10h à 18h et les fins de semaine de 10h à 17h.

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