Quand la chanson se fait épistolaire

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Publié 21/11/2006 par Dominique Denis

Avec ces Lettres ouvertes (Productions à ciel ouvert/Sélect), Richard Séguin s’est trouvé une prémisse qui répond à son besoin de faire de son métier et de son œuvre un lieu de dialogue: quinze chansons conçues comme autant de missives, adressées aux amis, aux amours, aux enfants, où l’on renoue avec un Séguin fidèle à lui-même, c’est-à-dire à ses amours et ses révoltes, ses convictions et ses doutes. Mais aussi fidèle à ce vocabulaire poétique et musical qu’il approfondit en marge des tendances – et sans le renouveler outre mesure – depuis plus de 30 ans.

Bien sûr, il serait malvenu, dans le cas de Séguin, de parler de stagnation. Disons simplement que si l’homme bat infatigablement la semelle, de préférence sur les chemins de traverse, l’auteur-compositeur, préfère cultiver son jardin familier, quitte à ce que ses récoltes de chansons se suivent et se ressemblent.

C’est d’ailleurs un peu dommage, dans la mesure où cette familiarité risque de nous faire passer à côté des quelques perles discrètes que renferme l’album, tel ce Rien qui détonne, pudique évocation de ce que l’amour emporte avec lui quand il fout le camp, laissant un homme seul dans le silence, que ce soit celui des machines (à l’usine, où il convient de ne pas parler de ces choses-là) ou de cet appartement à la fois trop grand et trop petit.

Autant dire que les fidèles de Séguin retrouveront ici leur plaisir intact, c’est-à-dire sans fard et sans manière. Quant à ceux qui n’avaient pas accroché à l’époque de Journée d’Amérique, on peut douter qu’ils trouvent dans ces Lettres ouvertes matière à conversion.

Sylvie sort de l’ombre

Tous les Québécois qui ont de jeunes enfants connaissent probablement l’univers de «Shilvi», mais personne, jusqu’ici, ne soupçonnait l’existence de ces chansons pour grandes personnes que Sylvie Dumontier préparait tranquillement dans l’ombre du personnage d’animation qui lui a valu trois Félix au fil des ans.

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Aux saveurs de jazz acoustique et de bossa feutrée, ses Îles flottantes (Les Disques petite plume/Sélect) nous font l’effet d’un bouquet de petits bonheurs au parfum évanescent, auxquels il convient d’aménager un espace d’écoute sur mesure – par un après-midi de pluie, seul à la maison, avec une tasse de verveine, s’il vous plaît – sans quoi ils menacent de se dissoudre sans laisser la moindre trace de leur passage.

Ceux qui sont sensibles au charme délicat d’Enzo Enzo trouveront une âme sœur dans les mots et les mélodies de Dumontier.

Un géant grandeur nature

Dès son intro orchestrale, on devine que l’on se trouve en présence d’un de ces disques qui, aux antipodes des Îles précitées, ne se cententera pas de se fondre dans le décor. Gérard Berliner chante Victor Hugo (Decca/Universal Special Imports) se veut un hommage à la démesure de ce poète qui fut le cœur et la conscience de son siècle, mais dont les colères, comme en témoigne son Discours sur les états unis d’Europe, demeurent d’une terrible actualité.

Loin du pathos intimiste d’un Reggiani, lequel avait prêté sa voix violoncelle aux meilleurs poètes, y compris Hugo, Gérard Berliner mise sur la grandiloquence de l’Orchestre philharmonique de Budapest et sur ses mélodies à grands déploiements (façon Sardou ou Julien Clerc) pour nous «saouler le dedans de pathétique», comme dirait Léveillée.

Il faut reconnaître que les résultats tirent parfois les grosses ficelles de l’émotion, mais quand texte, musique et voix sont en parfaite symbiose, comme c’est le cas de Aimer, c’est plus que vivre ou encore de Adieu, beaux jours de mon enfance, crescendo extatique ancré dans la pulsion d’un boléro, on se laisse allégrement emporter dans le torrent du pathos.

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L’antidote au Noël du dollar

Transcendante et immatérielle, la musique demeure la meilleure façon de remettre de l’ordre dans ses priorités lorsqu’on est en voie d’être happé par le tourbillon mercantile de ces Fêtes dont on serait porté à croire qu’elles ne sont guère plus que celles du dollar.

Ayant découvert sur le tard la magie du Festival of Carols de la tradition protestante (because mon éducation catholique et pauvre en belle musique religieuse), je profite de la saison pour renouer avec ce rituel annuel qui a fait le délice de moult générations d’amoureux de chant choral.

À défaut de pouvoir fêter Noël à Cambridge, en compagnie du King’s College Choir, nous pouvons répondre à l’invitation de la Mendelssohn Choir, qui nous convie dans le cadre – et l’acoustique – exceptionnels du Yorkminster Park United Church (1585, rue Yonge), où le Festival of Carols aura lieu le mercredi 6 décembre à 20h (billets: 30 $ – 65 $; 416-598-0422, poste 24)

Péesse: La semaine prochaine, il sera question des Messies. Ne croyez pas à une hérésie polythéiste: il s’agit plutôt de reconnaître qu’en matière de Handel, Toronto offre l’embarras du choix…

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