Pourquoi cette sévérité implacable à l’Université de Toronto?

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Publié 15/08/2006 par Claude Bergeron

La réputée firme britannique Foster and Partners fait son entrée sur la scène architecturale canadienne avec le pavillon des sciences pharmaceutiques Leslie L. Dan de l’Université de Toronto, qui sera inauguré le 6 septembre.

Confier un projet à ces spécialistes de l’architecture high tech, c’est savoir qu’on ne verra pas naître un édifice en brique ou en pierre comme le sont la plupart des pavillons du campus. L’intégration au contexte physique ne figure pas non plus au rang des principes de cette architecture qui s’inspire des technologies les plus avancées. Il est d’ailleurs révélateur que la première démarche de Foster and Partners a consisté à faire modifier le programme initial qui demandait une construction harmonisée à la hauteur des édifices environnants pour lui substituer une tour de 12 étages.

Il est tentant de comparer cette dernière construction à un pavillon voisin et contemporain, le Centre Terrence Donnelly. Consacrées l’une et l’autre aux sciences de la santé, ces tours en verre et en métal, de même hauteur et de masse à peu près équivalente, se veulent une célébration de la technologie moderne. Mais ici s’arrêtent les ressemblances.

Le Centre Terrence Donnelly est un édifice en couleur, plein de fantaisie, de contrastes voire de formes changeantes, tandis que son voisin est sérieux, austère, uniforme et quasi monochrome. Alors que le premier multiplie les contacts avec les édifices qui l’entourent et les rapports avec l’espace ambiant qu’il articule, le pavillon de la pharmacie s’isole, se raidit et se replie sur lui-même.

Le pavillon Leslie L Dan revêt des airs de l’architecture classique tellement sa forme est nettement définie. C’est un prisme symétrique et régulier. Son péristyle de colonnes géantes porte un cube minimaliste contenu dans une enveloppe de verre dont la seule variante vient de l’alternance des rangs de verre régulier avec ceux de verre pare-soleil à disques blancs (semblables à des pilules). Au coin sud-est, le tambour de l’entrée est à peine perceptible tellement il se fond dans la masse principale. À l’ouest, la tour s’approche à quelques mètres du pavillon Fitzgerald en brique rouge, mais elle est tout à fait indifférente à son endroit.

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Ce repli du pavillon sur lui-même ne l’empêche toutefois pas de jouer un rôle dans son milieu. C’est dans la perspective de la rue College qu’il le fait le plus efficacement. Le sommet de son péristyle continue la ligne de couronnement des édifices voisins; mais légèrement plus rapproché de la rue que ceux-ci dont il se distingue aussi par la forme, la taille, la couleur et les matériaux, l’édifice de Foster and Partners ponctue de façon appropriée le terme de cet alignement de façades.

Vue de l’est, la tour se dresse comme un obélisque qui marque la limite sud-est du campus. Cela, toutefois, ne se fait pas dans les meilleures conditions. Sa hauteur dominante est contestée par le Centre Terrence Donnelly immédiatement à l’arrière-plan, tandis qu’à gauche le volumineux immeuble Hydro Place, en verre lui aussi quoique beaucoup plus neutre, subjugue complètement le pavillon beaucoup plus petit des sciences pharmaceutiques.

Une autre caractéristique commune à ce nouveau venu et au Centre Terrence Donnelly est le vaste atrium. Dans le pavillon Leslie L. Dan, il occupe la moitié de la superficie du plan au sol et s’élève sur cinq étages, puis se prolonge dans un second atrium ouvert jusqu’au toit d’où provient la lumière qui éclaire sept étages de galeries et de passerelles qui desservent les bureaux et les laboratoires.

Si l’extérieur annonçait un édifice contenu dans des limites rigides, à l’intérieur les limites s’estompent. Quand il y a des cloisons, elles sont le plus souvent en verre et la lumière se disperse dans toutes les parties.

C’est le premier atrium qui émerveille le plus. Dans cet immense vide sont suspendues deux grosses nacelles blanches en forme de comprimés, accessibles à deux niveaux par des passerelles. Cet espace hallucinant, évoquant le milieu interplanétaire comme bien d’autres, prend des allures féeriques la nuit quand des projecteurs de théâtre braqués sur les nacelles exposent celles-ci en spectacle aux promeneurs dans la rue. Ce qui était un sévère obélisque pendant le jour devient un phare dans la nuit.

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Sur le toit de chaque nacelle, qui renferme une petite salle de séminaire, est aménagée une terrasse, d’où la vue donne sur les salles et les bureaux derrière des pans de verre ainsi que sur les vertes étendues de Queen’s Park. Néanmoins, cette évasion dans l’espace ne fait jamais oublier l’austérité omniprésente. Tout autour, les lignes sont sobres et raides et la palette des couleurs réduite au noir et au blanc. Et sur les terrasses, les fauteuils strictement cubiques et les tabourets rigoureusement cylindriques, tous en cuir noir, s’acharnent à maintenir jusque dans les moindres détails une froide dignité sans que l’on comprenne vraiment à quelle fin.

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