Police et politique: un voisinage mortel

«On tue...» horriblement dans le roman de Jean-Jacques Pelletier

Jean-Jacques Pelletier, On tue…, roman, Québec, Éditions Alire, 2019, 658 pages, 34,95 $.
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Publié 23/02/2020 par Paul-François Sylvestre

L’inspecteur Henri Dufaux du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) ne s’intéresse pas à des petits crimes sans imagination commis par des quidams vite démasqués.

Dans le roman On tue…, Jean-Jacques Pelletier plonge son personnage culte dans une série de meurtres horribles où les suspects vont du crime organisé au tueur en série, en passant par un groupe de sauveurs autoproclamés de la planète, les Ultravéganes.

Style coloré

On retrouve les habituels membres de l’équipe policière de Dufaux sous leurs noms colorés: Parano, Kodak, Paddle, Humpty Dumpty, Sarah la noire, Sarah la rousse.

Le style aussi est coloré. L’auteur décrit un mercenaire comme un exécutant doté d’une grande marge d’autonomie: «Une sorte de couteau suisse humain.»

Voix intérieure

Nombre de chapitres sont écrits au «je», celui de Dufaux. Ses remarques font parfois l’objet de commentaire d’un critique intérieur. Lorsque cette voix note qu’il a des victimes plus sympathiques que d’autres, l’inspecteur lui répond: «Et des critiques plus antipathiques que d’autres.»

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Plus loin, Dufaux mentionne à plusieurs reprises qu’il comprend ce qu’on lui dit. Le critique intérieur en profite pour ajouter son grain de sel: «C’est fou ce que tu es compréhensif, subitement!» Ce à quoi Dufaux répond: «Et toi, c’est fou ce que tu es emmerdant!»

Montréal politique

Le bureau du premier ministre québécois reçoit des messages avant que ces meurtres soient commis, ce qui place les patrons de Dufaux sur le qui-vive.

Ce dernier constate que plus on monte dans la hiérarchie du SPVM, «moins il y a de police et plus il y a de politique».

Un personnage glisse une remarque politiquement incorrecte pour décrire Montréal: «Une ville où on peut vivre en anglais, avec des quartiers italiens, français, chinois, portugais…»

Société carnivore

Parmi les nombreux morts sur lesquels Dufaux enquête, il y un boucher charcuté, un chercheur peu scrupuleux transformé en animal de laboratoire et un collectionneur de trophées de chasse.

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Cela permet à l’auteur de coller à sa fiction policière une réflexion sociale pointue sur la problématique de notre surconsommation animale.

5 pages de personnages

Le roman comprend 259 chapitres étalés sur 646 pages. Il y a tellement de personnages qu’il faut 5 pages en appendice pour les situer.

Pelletier aurait facilement pu couper au moins 100 ou 150 pages sans nuire au dénouement de l’intrigue. Cela aurait, à mon avis, éviter de lasser parfois le lectorat.

L’auteur excelle néanmoins dans l’art de lancer des petites remarques percutantes. En voici un bel exemple: «Ça prend une vérité convaincante pour enrober un mensonge.»

On tue la douceur

En terminant, je signale que le titre On tue… fait référence à une longue ritournelle qui commence par «On tue les bélugas / On tue les pangolins / On tue les crotales et les grenouilles…» et qui inclut d’autres victimes non animales, à savoir la douceur, la couleur, les rêves, la tendresse et la mémoire.

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Le texte aurait été publié plus de 30 ans passés dans un journal de l’Université de Montréal et signé Lili Graves.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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