Poètes, vos papiers!

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Publié 07/05/2008 par Ulysse Gry

Qui es-tu, poète, et que fais-tu? Comme le chantait Léo Ferré, quels sont les papiers du poète? Pour le dernier jeudi littéraire de la saison, on revenait au commencement à l’Alliance française. Finalement, qu’est-ce que cet ultime jet de l’écriture, cette pointe de la littérature que l’on nomme poésie? Les trois poètes Lélia Young, Paul Savoie et Hédi Bouraoui ont essayé d’y répondre, ou du moins d’exprimer ce qu’est leur propre poésie.

La réflexion sur l’art de dire les choses et d’exprimer l’indicible a commencé par une minute de silence. Un recueillement proposé par Hédi Bouraoui en l’honneur des poètes disparus, et notamment Aimé Césaire. De ce regard vers ceux qui sont déjà le passé, la discussion s’oriente vers la forme originelle de la poésie. Une dernière et essentielle interrogation avant de clore pour la saison les réunions des jeudis littéraires.

«Le poète a toujours raison», disait Aragon. Pourquoi pas, mais quelles sont ses raisons, à lui? Pourquoi certaines personnes décident de dire le monde et de coucher sur papier leurs émotions, leurs ressentis? «Je n’ai jamais rêvé d’être poète», tranche Paul Savoie.

Pour l’auteur de Crac!, l’écriture est venue d’elle-même, soudainement, comme une échappatoire. «Une zone de fuite, explique-t-il. Je n’ai jamais écrit sur l’endroit où j’étais, et je me suis longtemps distancié de mes écrits.» Dans ses perspectives littéraires, Paul Savoie a besoin de points de fuite.

C’est qu’il se livre complètement dans ses vers, se met à nu et dévoile sur la place publique ses émotions. Une nudité qui en intimiderait plus d’un. Il a donc écrit en français quand il était dans des milieux majoritairement anglophones, et en anglais quand il est arrivé à Montréal; et toujours sur des endroits qu’il venait de quitter.

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De son aveu, il n’est d’ailleurs jamais plus inspiré que dans les aéroports et autres lieux de transit.  Le poète se jetterait donc nu sur la page blanche, et prendrait la plume pour s’envoler. Lélia Young ne peut dissocier la poésie de sa propre personne. «Écrire des poèmes n’a pas été un choix mais une fatalité», affirme celle qui pense entre deux rires être «peut-être née poète, sait-on jamais».

Une envie de dire les choses qui s’explique aussi chez elle par son vécu, qu’elle a décidé de regarder en face. Sa douloureuse expérience de jeunesse de l’antisémitisme lui a sans doute en partie insufflé son désir, son besoin de rendre compte. «La poésie, c’est ma chaire verbale. Moi, tout simplement.» L’écriture comme une continuation et une excroissance du poète, comme une suite de ses blessures. En somme, je pense, donc je panse. 

«Dans le poème, ajoute-t-elle, on est son propre personnage.» Une unité du créateur et de la création qui est peut-être à l’origine de son goût pour le rythme en écriture. Exprimant des sentiments profonds, le poème s’écrirait aux pulsations du cœur, à la sueur du créateur. Pierre Léon, l’initiateur de ces rendez-vous littéraires, rappelle le vieil adage: «Un pour cent d’inspiration, quatre-vingt dix-neuf pour cent de transpiration.»

Pour Hédi Bouraoui la poésie est avant tout fonctionnelle. «Si elle n’engage pas le lecteur à se positionner, affirme-t-il, elle ne vaut pas le coup d’être lue.» Le poète n’écrit pas gratuitement, il y a une finalité dans son écriture. Il use de la poésie comme d’«une pourvoyeuse de lumière dans les ténèbres de la vie». C’est ancré dans son monde qu’on encre la poésie.

Un retour sur la définition même de la poésie est alors souhaité par Pierre Léon, pour la différencier du poétique. La poésie émane du poète, le poétique peut jaillir partout. «La poésie ce sont pour moi des métaphores, du rythme, de la transposition. Je suis peut-être de la vieille école, reconnaît-il, mais la poésie moderne, c’est souvent simplement de la surprise verbale.»

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Pourtant pour Hédi Bouraoui, la forme n’a pas ou peu d’importance. «La poésie, c’est seulement la quintessence de la langue. Ce ne sont pas des catégories, c’est un ensemble.» Il salue alors l’entrée de la poésie dans le métro et reconnaît la valeur des textes de rap. Dans son sillon, Paul Savoie rend hommage au slam, «où il y a beaucoup de structures textuelles, et de véritables joyaux».

Il est convaincu que la structure est importante dans la définition de la poésie, « il en faut, c’est sûr». Elle est aussi pour Lélia Young une mission. «Elle doit humaniser ce monde d’analyses et de statistiques, assure-t-elle. Un monde qui n’est pas à nier, qui a des richesses, mais qui ne doit pas oublier son humanité.» 

Après toutes ces digressions et tentatives pour résumer ce que devrait être la poésie, c’est peut-être en lisant des extraits de leurs poèmes que les trois auteurs ont été les plus explicites.

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