Pierre Léon nous fait sourire et réfléchir

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Publié 12/11/2013 par Paul-François Sylvestre

En 1997, à Tours, Pierre Léon a publié L’Odeur du pain chaud, le récit de son enfance en Touraine. Quelques semaines avant la mort de Pierre le 25 septembre dernier, les Éditions du Gref ont fait paraître une réédition et une traduction de ce récit autobiographique où l’écrivain retrouve avec attendrissement et amusement le petit garçon taquin qu’il était mais aussi les gens qu’il a bien connus et aimés, dans un hameau de Touraine. Avec tendresse, verve et humour, il raconte les années 1926-1938.

La maison de Roches Saint-Paul, où Pierre est né, a été comme un nid, un lieu «entre le bonheur de se sentir protégé, encore un peu couvé, et la griserie du vide de la liberté».

Fils d’un boulanger, Pierre a été un écolier studieux et espiègle. L’année du certificat, il se souvient d’avoir eu à pasticher des phrases de Proust et de Péguy. «J’adorais ce genre d’exercice où j’ai peut-être attrapé le goût de l’écriture.»

L’école était publique, donc non confessionnelle. Pierre a appris les préceptes de l’Église catholique auprès d’une «grenouille de bénitier» qui gagnait des indulgences en priant et son pain en enseignant le catéchisme le jeudi (jour de congé). Les définitions du catéchisme lui étaient plus difficiles à retenir que celles inventées à la récré: «Les yeux bleus vont aux Cieux, les yeux verts vont en Enfer, les yeux gris vont au Paradis et les yeux marrons dans le trou d’un cochon.»

Le récit est truffé de mots tourangeaux. Un coup de breton est un verre de vin local, une loche est une limace, un coquius est un pissenlit et un traignier est un romanichel. Les enfants dans la famille Léon sont des drôles.

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Voici un exemple d’une réplique typique du coin: «Dame, c’est que, même rassis, quand ça été béni comme faut, au petit déjeuner, la brioche, avec un petit coup de breton et un petit morceau de pâté de lapin, c’est point mauvais!»

On mange bien chez les Léon. Après la salade de crabe avec les œufs mimosa, il y a toujours le rôti de poulet ou le brochet, les pommes de terre et les pois dont raffole le petit frère de Pierre, le tout arrosé d’un vin de Chinon, bien entendu.

Pierre Léon trempe souvent sa plume dans l’encre humoristique. Son père est boulanger et vend le pain fendu de six livres. Il n’en faut pas plus pour qu’un client clame: «Tout c’qu’est fendu n’est pas défendu! N’est-ce pas mesdames?» J’ai été surpris de voir des livres et des pouces dans ce récit. Je m’attendais plus à des kilogrammes et à des centimètres.

Plus sérieusement, l’auteur glisse souvent de savoureuses remarques sur la vie toute simple des braves Tourangeaux. Au sujet de la servante Titine, il écrit qu’«elle est fort pieuse, comme bien des pauvres d’alors, dont la religion est la seule consolation aux misères de la vie».

Toute l’enfance de Pierre Léon en Touraine s’est déroulée dans «une ronde de saisons apportant bien des petits bonheurs qui font oublier les soucis quotidiens et la misère du monde». Ce sont ces petits bonheurs finement peints qui permettent à Pierre de nous faire tantôt sourire, tantôt réfléchir.

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L’odeur du pain chaud est dédié «à Maman pour ses cent-un ans et à la mémoire de Papa». La mère de Pierre s’est éteinte au moment où il écrivait les dernières lignes de ce récit. Elles soulignent que l’auteur entend toujours les chuchotements de sa grand-mère, les jurons de ses grands-pères, la toux de son père et, «bien sûr, la voix de Maman».

Pierre Léon, L’odeur du pain chaud. Une enfance en Touraine, 1926-1938, récit, suivi de The Smell of Freshly-baked Bread. Tales of a Touraine Childhood, 1926-1938, a memoir translated by Françoise Léon, Toronto, Éditions du Gref, coll. Janus no 9, 2013, 392 pages.

Auteur

  • Paul-François Sylvestre

    Chroniqueur livres, histoire, arts, culture, voyages, actualité. Auteur d'une trentaine de romans et d’essais souvent en lien avec l’histoire de l’Ontario français. Son site jaipourmonlire.ca offre régulièrement des comptes rendus de livres de langue française.

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